Au bout d’un exercice cataclysmique saccadé par des petites périodes magnifiques, le Girona d’Eusebio est relégué en Segunda. Une situation imprévisible, alors que les Catalans étaient proches de l’Europe il y a de ça un an. Cependant, ce retour de baton illustre bien comment un petit grain de sable peut faire enrayer une mécanique qui semblait pourtant très bien huilée. À l’orée d’un été qui s’annonce bouillant, Girona doit panser ses plaies, faire le bilan de ses deux saisons en Liga pour espérer y retourner au plus vite. Retour sur les raisons d’une saison chaotique et sur les aspirations du club à court terme.
Le Girona de Machin était orgasmique, littéralement. Positionné en 5-3-2 mais surtout avec une identité de jeu très forte et soutenu par Manchester City, les Catalans semblaient bien partis pour suivre les traces de Leganes en s’installant sur la durée en Liga. Cependant tout a très vite vacillé, et après avoir été le tube de la saison, Girona est devenu le pire club de Liga en terme de jeu. Avec un effectif et une direction inchangés, cette chute est encore plus surprenante. Cette fois la continuité n’a pas vraiment fonctionné et le coupable n’est pas que l’entraîneur. Décryptage d’un échec pas du tout annoncé.
Eusebio, coupable idéal d’un fiasco global ?
Le départ de Machin était annoncé et pourtant beaucoup de suiveurs le pensaient capable de poursuivre une saison de plus en Catalogne. Lui, l’homme qui avait sauvé Girona d’une descente en Segunda B pour faire monter le club en Liga quelques années après. Celui qui s’est cassé les dents à Séville est une sommité dans ce petit club catalan, une Penya porte même son nom. En plus des succès, ce qui a fait de Machin une légende du club est sa faculté à mettre un plan et un style de jeu très marqués. On se souvient des 5 catégories de joueurs sur le site du club : gardiens, défenseurs, milieux, attaquants et latéraux.
Cependant Machin a succombé aux sirènes de Sevilla et est parti comme un seigneur du club qui lui a tout donné. La direction de Girona représentée par Quique Carcel a très vite trouvé son remplacement, un nom très connu en Espagne : Eusebio Sacristan. Ancien de la Pep Team, limogé après des résultats très décevants à la Real, l’ex du Barça B devait permettre au club de franchir un palier tout en stabilisant Girona en Liga. Cependant son profil est différent en tout point avec la recette qui avait fait les succès des Catalans. Adepte du 4-3-3 et surtout de la possession, Eusebio n’a jamais vraiment confirmé en Liga. De plus, sa gestion humaine est aussi très différente de celle de Machin. Cependant, Carcel ayant prouvé sa compétence, ce choix n’est pas remis en question, au contraire.

A son arrivée, Eusebio demande quelques renforts pour adapter son effectif à sa philosophie. Rien de clinquant, mais du sang neuf pour redynamiser l’effectif. Une doublure à Stuani est souhaitée, un latéral à vocation défensive et un ailier sont espérés. Cependant, pour pouvoir boucler ces transferts, Carcel attend une grosse rentrée d’argent. Portu est désigné comme candidat au départ, tout le monde au club attend qu’une formation pose le montant de sa clause (15 millions d’euros). Alors que Séville est très intéressé, le deal ne se boucle pas. Portu reste à Girona et le club va devoir la jouer serré sur le Mercato. Sans liquidité mais aussi sans départ majeur, Girona lève les options d’achats des joueurs prêtés lors de la saison 17-18 (Muniesa et Mojica) et signe Doumbia sans débourser un centime. Pas de chamboulement, tout le monde au club pense alors cet effectif capable de s’adapter à la philosophie d’Eusebio.
L’impossible remise en question de tout un club
Rapidement pourtant, on voit s’entrechoquer deux visions totalement différentes du football. Lors de son premier match en Liga avec son nouveau club, Eusebio dispose son équipe en 4-3-3. Face à Valladolid, Girona va avoir le ballon mais ne va rien savoir en faire. Une situation qui va se répéter à de très nombreuses reprises. Totalement incompatible avec les joueurs, la philosophie d’Eusebio se casse les dents sur un effectif habitué à vivre dans de grands espaces et à jouer les transitions à fond.

En plus des résultats très décevants, les blessures de Mojica ou encore Aday affaiblissent grandement la compétitivité de l’équipe. Sans solution sur le banc, Eusebio va donc commencer à piocher chez les jeunes et donner du temps de jeu à Pedro Porro ou encore Valéry mais aussi à Soni ou encore Paik. Cependant rien n’y fait, Girona n’arrive pas à se faire à son nouveau coach. Ce 4-3-3 qui veut tenir le ballon ne valorise par les avaleurs de kilomètres que sont les Portu ou encore Borja. Seul Stuani ou encore Bono tiennent régulièrement leurs rangs et permettent à Girona de ne pas sombrer.
En janvier, la situation n’est pas encore dramatique mais elle est alarmante. Pourtant personne ne bouge au club et la direction tout comme l’effectif soutiennent Eusebio. Mieux encore, Quique Carcel réussi à recruter Raul Garcia en provenance de Leganes. Un joueur demandé directement par Eusebio, preuve du soutien sans faille du DS pour son coach. Surtout qu’après l’élimination de l’Atletico en Copa, Girona bat le Real et se relance quelque peu. Le crédit d’Eusebio ne tombe pas à zéro pourtant sur le terrain, on ne remarque pas de progression notable. Surtout que l’ancien de la Real change change très régulièrement de système et d’homme. Preuve que lui même ne sait pas comment tirer le maximum de son groupe. Sur les 9 dernières journées de Liga, Girona compte 8 défaites. Une situation qui conduit le club à la Segunda, à la surprise de tous.
Une descente qui met à mal la relation de Girona avec City ?
La non remise en question de toute la direction combinée à une succession de malchance a donc conduit Girona à un retour prématuré à l’étage inférieur. Une descente qui inquiète. Propriété de City, Girona dispose d’un projet audacieux. Après avoir rénové quelques peu Montivilli et ses abords l’été dernier, le club catalan devait à terme supprimer les échafaudages pour avoir un stade en dur. La mise sur pieds d’une vrai Ciudad Deportiva était aussi envisagée mais qui pourraient être repoussé. La place de Girona dans le City Groupe peut aussi être directement affectée par cette descente. L’investissement du club anglais n’a cependant pas vocation à s’arrêter après ce contre coup sportif. Cette descente peut donc sonder ce que le club a gagné de ces deux saisons en Liga. Entre un budget et un nombre d’abonnés en constante hausse, la Segunda va permettre d’y voir plus clair sur ce que représente réellement Girona actuellement.

Cependant, tout n’est pas à jeter dans cette saison. Quique Carcel, qui a été prolongé jusqu’en 2022, à toujours la confiance de son board pour méditer cet échec et surtout apprendre de ses erreurs. Girona qui va profiter d’un dispositif spécial de la Liga pour digérer cette descente doit se remettre sur de bons rails pour envisager une remontée rapide. El Pais table en fonction des derniers chiffres communiqués par la Liga sur une aide d’environ 10 millions d’euros. La saison passée, Malaga avait touché 19 millions d’euro, le Depor 9 et Las Palmas 12.
Néanmoins, l’objectif n’est pas de s’éterniser en Segunda pour les Catalans. City a pris la possession de ce club pour avoir un club bien calé dans une D1 européenne de bon calibre et pour y faire éclore ses joueurs. Douglas Luiz ou encore Roberts ont eu pas mal de temps de jeu en Catalogne par exemple. Toutefois, la situation compliquée du club cette saison a rendu impossible la signature de Brahim qui a logiquement préféré le Real. Financièrement la situation est pas encore inquiétante mais il sera intéressant de voir comment Girona qui est passé d’un budget de 9 millions en Segunda a près de 50 millions en Liga s’organisera dans cette période de transition.
Eusebio déjà presque dehors, les Catalans se préparent a un été qui s’annonce bouillant où l’erreur ne sera plus permise. La saison qui arrive doit permettre à tout le monde au club de progresser. Qu’on le veuille ou non, la faillite du club ne trouve pas son explication seulement du côté d’Eusebio, c’est toute une direction qui s’est trompée et qui n’a en plus, pas voulu voir le mur se rapprocher même quand il était déjà trop tard.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13