Il y a un peu plus de quatre ans, le Real Madrid réussissait un coup qui semblait parfait sur le mercato hivernal. Alors que la lutte était féroce, la Maison blanche signait au nez et à la barbe de tous les cadors européens le jeune prospect du moment : Martin Ødegaard. L’offensif norvégien avait battu tous les records de précocité au pays mais depuis, il a quelque peu disparu des radars européens. Sur la pente ascendante, il est dans la liste qui va affronter la Roja ce samedi 23 à Valence. Toujours sous contrat avec le Real, Ødegaard semble pourtant se rapprocher de l’Ajax Amsterdam, logiquement ? Retour sur les péripéties d’un garçon pressé.
Martin Ødegaard et le football c’est l’histoire d’un garçon qui est né avec un ballon entre les jambes. Bien sûr avoir un père footballeur professionnel qui devient ton entraîneur personnel ça aide beaucoup. Cependant, on ne peut pas nier que le jeune Martin a du talent. Dans le club fondé par son père puis à Stromgødset un des clubs où a joué son père, Ødegaard impressionne. Toujours surclassé, il joue même ses premières minutes avec les pro à 13 ans en 2012. Rapidement, tout s’enchaîne. Il est invité à s’entraîner avec le Bayern ou encore Manchester United et il finit par devenir un membre à part entière de l’équipe fanion de son club, Stromgodset, à un âge où on est encore au collège.
Le club tourne bien, lui, apporte sa folie et sa capacité à faire des différences par la passe ou le dribble. Ødegaard a un visage de poupon mais tient tête à des footballeurs pro au pays. Il impressionne, joue, marque, aide son équipe à performer. Il est même appelé en sélection A avant sa majorité. Ødegaard goûte même à la Ligue des Champions. Tout sourit à Martin jusqu’à ce transfert au Real Madrid. Il signe en plus d’un contrat avec l’un des plus grands clubs du monde, son changement de dimension mais aussi ses premiers échecs. Mais alors, Martin Ødegaard, vrai talent ou simple étoile filante ?
Et Ødegaard devient un joueur lambda
Son transfert au Real Madrid en janvier 2015 alors qu’il n’est même majeur pour une poignée de milliers d’euros fini de sceller son destin au pays. Alors que la Norvège n’est plus en vue footballistiquement depuis longtemps, elle tient un petit génie qui fait s’emballer tout le pays. Comme le confirme Gui le CM de l’excellent compte twitter Nordisk Norvège : « En Norvège on le pensait capable d’être titulaire dans une équipe avec Bale, Benzema et Ronaldo, c’était fou ». Sauf que voilà, alors qu’il est LA star à Stromgødset et une des seules attractions du championnat, il devient un talent parmi d’autre à Madrid.
Au Real il tombe dans une bonne période du Castilla alors entraîné par Zidane avant que celui-ci ne vienne au secours de l’équipe A de la Maison blanche. Avec Mariano, Llorente ou encore Mayoral il doit permettre de faire remonter le club en Segunda, sauf que rien ne se passe comme prévu pour le norvégien. Ødegaard n’est plus aussi décisif et ne surnage plus. Coupé très tôt de son pays et malgré le fait que toute sa famille soit venue à Madrid, il n’est plus aussi performant. Il est même régulièrement sur le banc. Quand il joue, Ødegaard est souvent le premier à être remplacé. Martin n’est toujours pas majeur, mais on en attend déjà beaucoup de lui. Les premières critiques fusent, on le surnomme Freddy Adu et les quotidiens espagnols qui le suivent avec attention sont déçus du niveau de jeu affiché par Ødegaard.
Martin ne fait pourtant pas de vague et s’entraîne comme il l’a toujours fait. Son père devenu entraîneur des jeunes au Real est revenu plusieurs fois sur la formation de son fils. A CNN il revient sur ses premiers pas avec un ballon.
« À sept ans, je l’ai vu s’entraîner environ 20 heures par semaine.Je me souviens que je jouais encore au football, Martin avait environ 8 ans et il me regardait pendant que j’étais sur le terrain. Je ne pouvais jamais rentrer à la maison une fois que j’avais fini, car il voulait d’abord s’entraîner. ».
Il continue « Il y a trois facteurs clés: s’entraîner beaucoup, durement et bien. Martin a tout fait. Tout d’abord, il s’est entraîné pendant un nombre incroyable d’heures et l’a fait de la bonne façon. Nous nous sommes jamais entraînés sans le ballon. Lui et moi avons passé beaucoup de temps à travailler sur son toucher, sur la façon de soulager la pression, en pratiquant ce que nous appelons des «passes rapides». Nous avons également beaucoup travaillé sur le développement de sa vision. et une vision qui lui permette de comprendre le rythme du jeu. C’est pourquoi je ne suis pas inquiet des nouveaux défis et des nouveaux niveaux auxquels il pourrait être confronté. Bien qu’il soit petit, l’opposition ne peut pas l’attraper. Il a également appris à récupérer le ballon en défense. En attaque, tout s’est passé beaucoup plus vite « . Pourtant, en Espagne, on tarde à voir le footballeur chez Martin
Ødegaard et l’impasse Real
Malgré ce peu de rendement en match officiel, les compliments sont toujours de sortie à Madrid. Cristiano puis Ancelotti font part de leur admiration sur le niveau du jeune Norvégien mais Ødegaard ne confirme toujours pas. Tiraillé entre son quotidien de star et les matchs en D3 il n’arrive pas à peser sur les matchs. Surtout qu’il s’entraîne régulièrement avec les pro ce qui le coupe encore plus du Castilla et l’empêche de tisser des automatismes avec ses jeunes coéquipiers. Le week-end, face à des vétérans qui n’ont rien à perdre, Ødegaard est broyé.

Pourtant, il ne lâche pas son rêve et clame qu’il veut devenir un joueur à part entière du Real. Surtout qu’Ancelotti lui offre ses premières minutes en Liga lors de la démonstration face à Getafe fin mai 2015. Ce seront ses seules minutes à ce niveau. Quand Benitez est nommé on ne voit plus le Norvégien puis quand Zidane remplace l’Espagnol le nom d’Ødegaard réapparaît sans persistance. Présent dans plusieurs convocations du français il n’aura jamais sa chance en match. En janvier 2017 le Real et sa famille le poussent au départ et alors que Rennes tient la corde Ødegaard fait le choix de rejoindre le sc Heerenveen, logiquement ?
Odegaard trahi par sa précocité
Le Norvégien était le petit génie, celui qui a toujours été surclassé comme les bons élèves à l’école. Toujours en avance il a réussi à épater, sauf qu’à un moment, le temps l’a rattrapé et son niveau n’était plus égal à celui des très hautes attentes placées en lui. Il n’était pas devenu mauvais juste normal comme de nombreux joueurs avant lui, mais une nouvelle pépite l’avait déjà remplacée médiatiquement. Dans un championnat plus tendre et où les jeunes ont historiquement toujours bien performé, Ødegaard doit maintenant se remettre à niveau pour reprendre sa progression et le fil de sa carrière.
Il n’a pas perdu son temps au Castilla mais il a clairement été freiné dans son développement. Au sc Heerenveen, les débuts sont rudes. Ødegaard n’est pas mauvais mais simplement et logiquement en apprentissage. Il va se fixer en tant que joueur de couloir surtout le droit même s’il est très polyvalent. Ses statistiques sont faibles mais l’important est ailleurs. Il enchaîne les minutes en D1, retrouve du rythme et réussi quelques actions de grande classe qui relancent sa réputation. La machine Ødegaard se remet tranquillement en route.
Après une saison et demie à Heerenveen, le Norvégien rentre en Espagne pour l’été. Il participe à la pré-saison, montre de belles choses mais Lopetegui lui fait clairement comprendre qu’il n’entre pas dans ses plans. L’Eredivisie revient toquer à la porte et Ødegaard s’envole encore, logiquement. Cette fois c’est le SBV Vitesse qui accueil l’offensif. Sous l’égide de Slutskiy l’ancien sélectionneur de la Russie, Ødegaard redevient un offensif capable de tout changer sur une action.
Mais ça donne quoi actuellement Odegaard sur le terrain ?
Comme nous l’explique Yannick de @FootNL : « C’est le leader technique du SBV Vitesse, et ce, sans conteste. Il est plutôt régulier. Il est entré réellement dans sa saison en septembre ou octobre, depuis c’est souvent un régal. Le jeu de Vitesse n’est pas fou. On s’ennuie en regardant cette équipe, c’est le style Slutskiy, avec une équipe très bien organisée et qui profite d’un ou deux talents dont Ødegaard pour s’en sortir. Vitesse endort l’adversaire (et le spectateur) avant de frapper fort. En interne, Ødegaard est très apprécié, mais Vitesse est un club qui ne fait pas la une. Au vu de ses performances avec le sc Heerenveen la saison passée et avec Vitesse cette saison, il est en nette progression. »

Navid suiveur attentif du football hollandais et espagnol rajoute : « En attaque, c’est un ailier droit qui alimente les autres, il ne pique pas beaucoup à l’intérieur mais colle la ligne. Quand il est seul, il aime bien regarder de l’autre côté et renverser le jeu. Il cherche toujours le joueur libre.. En tout cas c’est un bon joueur mais l’étiquette de crack qu’on lui a collé en Norvège ne semble pas se confirmer. Je me demande s’il n’est pas allé trop vite en rejoignant le Real. Et sa réussite en Eredivisie doit aussi signifier qu’il aurait été mieux aux Pays-Bas qu’en allant de suite dans un grand club comme le Real. » Ødegaard retrouve enfin de la continuité dans les performances et devient enfin un joueur de football accompli et plus cet enfant star d’il y a 5 ans. Sauf qu’encore une fois, après la folie norvégienne, Martin doit faire un choix.
Ajax le seul choix de raison pour Ødegaard ?
Devenu un joueur déterminant au Pays Bas, le Norvégien rêve pourtant toujours du Real comme il l’expliquait à Marca il y a quelques mois : « J’ai 20 ans, mais j’ai acquis beaucoup d’expérience. Je sens que je deviens un meilleur joueur de football chaque année. Il est important pour moi de contribuer avec des buts et des passes décisives à Arnhem. Cela donne beaucoup d’estime de soi. Maintenant, l’objectif principal c’est de pouvoir triompher progressivement au Real Madrid et de leur montrer qu’ils ont fait le bon choix ». Sauf que le maillot blanc semble encore trop grand pour lui et sa relation avec Zidane n’a jamais été idyllique.
Un retour en forme qui lui permet de revenir en sélection même si sa côte de popularité est toujours haute en Norvège comme nous l’explique Gui de Nordisk Football : « Il est toujours perçu comme un des joueurs les plus prometteurs à son âge avec Sander Berge. La pépite Erling HÅland lui fait de l’ombre car il n’a que 18 ans, mais il fait une saison énorme en prêt à Vitesse. Au pays on sait qu’il est et restera un des meilleurs joueurs de Norvège ». Sa relation avec la sélection A le montre bien, après avoir été un régulier des appels lors de son explosion, il était redescendu d’un cran et avait joué avec les espoirs. Redevenu international A depuis peu, il est temps de confirmer tout en haut maintenant et le voir sur le banc du Real ne semble pas une priorité pour son père.

La forme du Norvégien suscite toujours plus de convoitises, et actuellement on parle beaucoup d’un intérêt de l’Ajax pour l’offensif. Un choix qui existait déjà avant qu’Ødegaard préfère le Real Madrid. Comme l’expliquait Per-Mathias Høgmo le sélectionneur qui lui avait offert sa première convocation avec la Norvège : « Deux options s’offrent à lui. Soit il va dans un club moyen qui pourra l’aider à progresser, comme l’Ajax, soit il va directement dans un club de l’élite. On peut constater que la plupart des joueurs qui ont choisi cette deuxième solution ne réussissent pas, en général. »
Ødegaard avait choisi la première option et s’est brûlé les ailes. Un mal pour un bien dirons certains mais actuellement, le norvégien est encore en capacité de reprendre une voie plus classique pour tout bon talent nordique en confirmant d’abord à l’Ajax. A lui de ne pas être de nouveau aveuglé par les sirènes de Madrid et de faire le seul choix qui semble bénéfique pour son avenir. Son père veille au grain et semble conscient que son fils n’a pas d’avenir à court terme au Real. Alors cet Ødegaard, symbole d’une nouvelle génération norvégienne ou nouveau Freddy Adu ? Personne ne le sait, mais peut-être que tout se jouera cet été. Avant? Il est fort probable que Martin sera de la partie pour le match face à la Roja samedi, de quoi prendre visuellement des nouvelles de ce jeune crack.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13