Tactique / Juventus 3-0 Atlético : Comment Cristiano Ronaldo et Max Allegri ont détruit le Cholismo

Accueil Actu Analyse Articles Atlético Coupes d'Europe En avant Tactique

La vérité d’un match aller n’est pas toujours celle du retour. Même avec deux buts d’avance et une démonstration tactique lors des 90 premières minutes, rien n’est joué d’avance. Mardi soir dans un Juventus Stadium bouillant et persuadé de la qualification bianconera, la Vieille Dame a écrit un morceau d’Histoire de la Ligue des Champions. Guidée par la tactique de Max Allegri et un Cristiano Ronaldo XXL, la Juventus a scalpé avec la manière l’Atlético de Madrid. Retour sur une masterclass qui a mis le Cholismo face à ses failles. 

Au coup d’envoi de ce 1/8 de finale retour de la Ligue des Champions, qui imaginait la Juventus se qualifier au terme d’une nuit magique ? Y compris chez les tifosi bianconeri, peu de monde voyait la Vieille Dame retourner ce 2-0 concédé au Wanda Metropolitano contre un Atlético plus cholista que jamais. Sans réponse et face à des Colchoneros souverains, on pensait les champions d’Italie incapables de réussir un match parfait durant 90 minutes. Pourtant mardi soir, Max Allegri et son équipe ont livré une masterclass. Que ça soit la gestion des temps fort et des temps faibles, la hauteur du bloc, le coulissage et surtout la manière de faire vivre le ballon, tout était maîtrisé à la perfection. Bien sûr, ce plan a pris de la hauteur avec Cristiano Ronaldo mais c’est bien Allegri qui a fait plier Diego Simeone. Sacré exploit.

Le plan parfait de la Juventus

Le match parfait existe-t-il ? Vaste question. Mais si c’est le cas, ce qu’a réalisé la Juve s’en rapproche fortement. Surpris à l’aller par le rythme imposé par l’Atlético, les Bianconeri ont commencé d’emblée à mettre beaucoup d’intensité et à rester haut. Une mentalité logique : la Juventus devait remonter au moins 2 buts sans en encaisser un seul. Face à la meilleure défense de Liga, c’était loin d’être écrit. Le projet d’Allegri est simple tout en étant complexe à appliquer sur le terrain : asphyxier totalement les Indios. Pour cela, ses joueurs ne vont jamais reculer, même après une perte de balle. Le pressing est maîtrisé mais surtout le ballon vit bien.

C’est une des clés du match : les Juventini n’ont jamais, ou très rarement, perdu le cuir en phase offensive. Alors que la tentation de pilonner sans réfléchir la surface colchonera était grande, les Italiens ont réfléchi et ne se sont pas précipité. Bien sûr, les tentatives de centres ont été nombreuses et les 2 buts premiers buts sont venues de ce type de séquence. Néanmoins, à chaque fois, l’idée était de mettre le centreur dans les meilleures conditions. Pour cela, il fallait dominer les côtés, secteurs faibles de l’Atlético. L’ailier ne devait pas hésiter à repiquer dans l’axe pour ouvrir le couloir à son latéral. De plus, la très grande liberté de Federico Bernardeschi a permis de trouver un relai dans l’axe si besoin.

Lui et Miralem Pjanic ont été les grands messieurs de la performance de la Juve avec Cristiano Ronaldo et Giorgio Chiellini. Entre la très grande liberté et surtout la très grande justesse technique de Bernardeschi et la capacité de Pjanic à orienter le jeu, la Juventus n’a jamais été en manque d’idées. Toujours bien intercalés, le duo ont été déterminants. L’ouverture du score s’est pourtant fait attendre alors que la souveraineté de la Juventus était frappante. D’ordinaire, dans un tel cas de figure, cela profite à l’Atlético. Mais pas cette fois.

Juanfran-Lemar ou l’hémiplégie de l’Atleti

Après avoir pris l’eau pendant les 20 premières minutes, l’Atlético a tenté de remonter à la surface. Sauf que quand il récupère le cuir, il ne s’est pas jeté en contre pour tuer les espoirs juventini. Au contraire, les Colchoneros ont mis en place un jeu de possession défensive, leur péché mignon. Le projet était basique : gagner du temps tout en cassant le rythme du match. Sur le papier, cela semble être la moins pire des solutions, d’autant que le banc est dégarni. L’Atletico veut ménager ses forces. Mauvais calcul.

Les absences conjuguées de Lucas Hernández et Filipe Luis ne laissaient guère de doutes quant au XI de départ de Diego Simeone : Juanfran débuterait à gauche et Santiago Arias à droite. On pouvait craindre le pire. Et le pire est arrivé. En confrontation directe avec Cristiano Ronaldo, Juanfran est postérisé par le Portugais qui ouvre le score et valide le plan d’Allegri. Le quintuple Ballon d’Or avait promis un comeback : il joint les actes aux paroles. Moins prompt et dominé physiquement -c’était prévisible- le latéral a subit l’action et n’a pu que constater les dégâts. Juanfran est dépassé et son coéquipier Thomas Lemar, placé devant lui, ne se met pas à la hauteur de l’événement. Le Français défend mal et son déchet est trop important contre un tel adversaire.

L’Atleti est cueilli, sonné, mais malgré tout, on les pense encore capable de se remettre sur pieds, surtout que Simeone ne change pas de plan. Le milieu continue de vouloir récupérer la balle pour tenir le centre du terrain. Offensivement, les prises de risques sont un peu plus nombreuses mais cela ne change rien. La hauteur de la ligne défensive bianconera empêche beaucoup de choses. Antoine Griezmann est privé d’espaces et n’est jamais vraiment bien servi. De l’autre côté, Lemar rate tout. Ecrasé par la pression, il perd un nombre incalculable de ballon par maladresse ou négligence. L’Atlético s’emmêle les pinceaux mais reste en vie, au moins pour un temps.

Fin de ciclo à l’Atlético ?

La mi-temps est sifflée mais l’atmosphère a totalement changé. On ne se demande plus si la Juve peut marquer mais quand elle va le faire. Le scenario semble déjà limpide. Il ne reste plus qu’à connaître le moment où Ronaldo va surgir pour démolir une nouvelle fois l’Atlético, sa spécialité en Ligue des Champions depuis 2014. Le Cholo ne change pas alors que les problèmes sont immenses. Il est vrai que les cartouches sur le banc sont maigres, mais aucun ajustement d’hommes n’est réalisé.

La Juventus ne met pas longtemps à replonger son adversaire dans ses doutes. Dès la 49e minute, la Vieille Dame est une nouvelle fois récompensée. Et comme sur le premier but, cela arrive après un centre qui se conclut par une tête magnifique de Cristiano Ronaldo. Malgré la parade désespérée de Jan Oblak, le but est validé avec la Goal Line Technology. Après Bernardeschi, c’est au tour de João Cancelo de servir admirablement son compatriote. Toute la mentalité de l’équipe d’Allegri italienne se résume : dans la zone décisive, la Juventus est en surnombre, à 4 contre 3. Les Colchoneros sont apathiques.

Après avoir marché sur Juanfran, Ronado ridiculise toute la défense de l’Atlético dans ses séquences préférentielles. Durant de longues années, la force de l’axe des Indios était cette capacité à bien gérer les ballons aériens. Toujours plus rapide et bien placé, la charnière dirigée par Diego Godín semblait insubmersible. Mardi soir, elle a cédé, tristement. Ce 2e but symbolise autant le plan parfait de la Juve que le match totalement raté de l’Atleti. Ce groupe-là est-il en bout de course ? Sans ressources, sans idées, sans réponses, le Cholo doit maintenant chercher ce but qui sauvera son équipe. Il reste 40 minutes. La situation est mal engagée mais le cours du match peut encore évoluer.

Le duel Chiellini-Morata, l’ultime bataille gagnée par la Juventus

Offensivement, le jeu de l’Atlético était aux abonnés absents. Sans ambition, comme trop souvent serait-on tenté d’ajouter, les Colchoneros doivent à la fois marquer pour se qualifier et surtout colmater les brèches en défense. Lemar est remplacé par Ángel Correa pour dynamiter la défense de la Juve. C’est finalement lui qui a planté le dernier clou du cercueil en commettant une faute de pupilles sur Bernardeschi dans la surface. Ronaldo transforme, chambre le Cholo avec une célébration pornographique et fait chavirer les tifosi.

Il reste quelques minutes à jouer mais on sait très bien que la Juventus ne tombera pas. Griezmann est en dedans et Morata n’est pas au mieux. Pourtant, l’Espagnol est une petite satisfaction pendant une heure. Intéressant dans les duels, il essaye d’exister au milieu du néant rojiblanco en dépit du peu de soutien à sa disposition. De retour au Juventus Stadium, c’est par lui que devait venir la lumière. Mais c’est au moment où sa formation a eu le plus besoin de lui qu’il est sorti de son match. Alors que l’Atleti reprenait unpeu le contrôle du ballon et se rapprochaot de la surface italienne, Chiellini s’est chargé de son ancien coéquipier. Ce traitement particulier a fait vriller Morata qui n’était pas loin de prendre sa douche en avance après avoir poussé deux fois le central italien. On mettra ça sur le compte de la tension et de la frustration mais le bilan est accablant : l’attaquant est tombé à pieds joints dans le piège du madré Chiello. Plus jamais l’Atlético sera en mesure de construire la moindre offensive et encaissera ce 3e but fatidique de manière logique.

En fait, seule une intervention arbitrale pouvait sauver l’Atlético du marasme. Le coup d’épaule de Chiellini sur Correa à la 93e minute est tendancieux et aurait pu mériter un appel de la VAR. Un penalty aurait pu changer le résultat mais le fond du problème reste le même. Le Cholo a perdu la bataille tactique et n’a jamais pu s’ajuster, faute de moyens sur le terrain et sur le banc. Alors que tout semblait aligné pour les voir soulever la Ligue des Champions chez eux au Metropolitano, les Colchoneros sortent dès les 1/8. Une question trotte maintenant dans toutes les têtes : et maintenant ? L’été sera chaud et le changement de cycle devient une nécessité. Beaucoup de soldats du Cholo vont partir, à commencer à Godín et Lucas. La fin d’une ère glorieuse se referme dans la désillusion. Un sentiment à l’opposé de celui laissé par la Juve, qui confirme plus que jamais son statut de prétendant au titre final. Et avec un Cristiano Ronaldo à ce niveau-là, les Bianconeri peuvent y croire très fort.

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

Commentaires