Liga – Chimy Avila : La vie sinueuse du voisin de Messi devenu le leader de Huesca

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Son nom ne vous dit sûrement rien mais Ezequiel Avila est pourtant sur toutes les bouches en Liga. Volontaire, déterminant pour son club et capable de gestes magnifiques, le petit offensif argentin est le symbole de ce qu’est Huesca cette saison. Un petit club qui n’a peur de rien et ne se laisse jamais abattre. Tout proche de pouvoir sortir de la zone rouge, les Aragonais doivent beaucoup à Chimy. Cependant, ici comme ailleurs, rien n’a été simple pour Ezequiel Avila. Retour sur la vie d’un garçon qui aurait pu tout perdre et qui est en train de réussir son pari : être un joueur de première division. 

On joue la 98e minute lors de la 26e journée de Liga. Huesca reçoit Seville dans un Alcoraz en feu mais les Aragonais sont dans les cordes. Seville domine mais ne réussit pas à trouver la faille et quand le décalage est créé, le but est refusé, par deux fois. Huesca y croit et tente de jouer les contres à fond mais les jambes sont lourdes. Avila, entré à la 38e pour remplacer Miramon n’a pas beaucoup d’occasions de se mettre en lumière. Pourtant lors de cette fameuse 98e minute, c’est bien lui qui reçoit le ballon dans une bonne position à l’intérieur des 18 mètres. L’argentin ne se pose pas de question et claque une sacoche magnifique. Les filets tremblent. Avila, le seul joueur à avoir une chanson à son nom fait exploser une nouvelle fois le stade. L’idole du peuple aragonais continue d’être un prophète dans son nouveau chez lui. Il éructe de joie et se jette sur ses coéquipiers. Huesca s’adjuge une victoire déterminante et Avila continue d’écrire son histoire avec Huesca et le football. Et a 25 ans, sa vie est déjà bien remplie à l’image de son nombre de tatouages qui représentent chacun de ces moments.

Avila, une formation chaotique 

Pour comprendre qui est Chimy Avila, il faut remonter à son enfance. Dans un quartier défavorisé de Rosario, Avila voit le jour en 1994. Il grandit à quelques kilomètres de Messi, son idole, mais leurs vies seront diamétralement opposées. L’argentin se retrouve dans une fratrie de 10 enfants et ses parents se séparent quand il est tout jeune. Son père lui offre pourtant un ballon à ses 4 ans mais c’est sa mère qui l’élèvera, seule ou presque. Chimy est revenu plusieurs fois sur son enfance et il explique : «  Je pouvais soit être en prison, soit être footballeur ». Alors que ses amis vivent la nuit et multiplie les larcins, Avila rejoint la prestigieuse académie de Boca Junior.

L’histoire commence bien, mais Chimy ne réussit pas à suivre le rythme et doit quitter la prestigieuse formation. En 2010 alors qu’il n’a que 16 ans, l’offensif rejoint Tiro Fédéral alors en D3. Le club est assez ancien et a eu de belles périodes notamment au début du 21e siècle. Chimy qui doit son surnom du Chimichurri une sauce très épicée commence à faire parler de lui dans les médias. Lancé très jeunes avec les pros il se montre intéressant et est à l’aise techniquement. Mieux encore, on adore sa faculté à toujours se relever même quand les tacles sont violents. Chimy ne fait que 2 centimètres de plus que Messi et a un jeu très provocateur. En 2011, il est même invité par l’Espanyol de Pochettino pour une mise à l’essai. Cela se passe bien mais après six mois, il rentre au pays faute d’accord administratif. De retour au pays, Avila fait de nouveau lever les foules mais tout va basculer, une première fois.

On est en 2013 et le président de Tiro Fédéral convoque la presse et lâche : « Mardi soir, un joueur a voulu entrer pour voler dans les locaux du club. » Il rajoute : « Cela semble incroyable que les membres du club nous fassent cela« . Ce joueur, c’est la pépite Chimy Avila. L’offensif tombe des nus. Joyau du club, l’Argentin avait tout donné pour son club et venait même à cheval à l’entraînement quand personne ne pouvait l’amener. Chimy a 19 ans et ne sera plus payer par son club. La spirale infernale est forte et Avila perd pied. Il pense que son rêve de vivre du football vient de s’envoler.

Bauza et San Lorenzo, les sauveurs d’Avila

Durant 2 ans, Avila est en enfer, littéralement. Surtout que sa femme accouche et Avila n’a plus aucune source de revenus. Tiro Fédérale dispose toujours du contrat du joueur et ne veut pas le casser. L’enquête s’enlise faute de preuves. Avila se retrouve donc à enchaîner les petits boulots. L’offensif est maçon ou conducteur d’engins et le football semble loin. Pourtant son agent ne lâche pas son poulain et remue ciel et terre pour lui trouver une porte de sortie. Le sentiment d’injustice est fort et Chimy n’arrive pas à remonter la pente mentalement. Sa fille tombe malade et passe même proche de la mort. Tout le monde d’Avile s’écroule.

Son entourage ne le lâche pas et Avila réussit à avoir un test avec les Seattle Sounder en MLS. Cependant physiquement il n’y est plus. Il rentre en Argentine au fond du trou. Mais quelques mois après, en 2014 San Lorenzo signe le petit Avila. Le club est une institution en Argentine. Entraîné par Eduardo Bauza, la formation tend la main à l’offensif mais on ne sait pas si c’est pour l’équipe une ou la réserve. L’important est ailleurs, Chimy devient professionnel et ses problèmes sont loin.

Crédits : SD Huesca

Surtout que quelques mois après, un juge innocente totalement Chimy dans l’histoire du vol à Tiro Fédérale. Mieux mentalement, il côtoie de grands joueurs et notamment Leo Franco. Les entraîneurs se succèdent à San Lorenzo et Avila joue très peu. Il dispute pourtant ses premières minutes en Libertadores et en championnat. Ses statistiques ne gonflent pas mais Chimy se montre. On remarque sa faculté à provoquer, sa facilité à se relever et son état d’esprit irréprochable. Après une saison 16/17 bien plus aboutie en termes de minutes, Avila doit faire un choix. Partir pour avoir du temps de jeu ou rester dans le club qui lui a tout donné ? Durant l’été 2017, Avila reçoit un appel d’un ancien coéquipier. Leo Franco, nouveau dirigeant de Huesca contacte l’offensif pour lui proposer de rejoindre Huesca alors en Segunda. Après quelques hésitations, Avila accepte et s’envole pour cette petite bourgade. Une décision qui chamboulera la carrière de Chimy Avila.

Des débuts compliqués à coqueluche d’Alcoraz 

Les adieux sont compliqués pour Avila. Il se confie à le presse locale et a des mots très élogieux sur San Lorenzo et son premier coach, Eduardo Bauza. « Je dois beaucoup à San Lorenzo car c’est le club qui m’a permis de redevenir un professionnel. C’est quelque chose qui n’est jamais oublié. Les dirigeants et les collègues, ainsi que Edgardo Bauza, son équipe d’entraîneurs, m’ont enseigné et expliqué comment les choses se passaient et que tout dépendait de moi « . Il rajoute. : « Je serai toujours reconnaissant envers Patón Bauza et San Lorenzo car ils m’ont donné l’opportunité d’être un professionnel ».

Crédits : SDN serviciodenoticias

Son arrivée à Huesca est compliquée. Chimy est coupé de toute sa famille et arrive sans sa femme qui est phobique de l’avion. Sans attache et dans une ville assez particulière au pied des Pyrénées, Chimy ne se sent pas bien. Avila joue peu et n’est pas en réussite alors que Huesca déroule et réalise une bonne saison. Mi-octobre, Avila ne tient plus et veut rentrer au pays. Pourtant un tête à tête avec son coach change tout. Il est revenu sur ce moment charnière pour lui. :« J’ai appris beaucoup de Rubi. J’ai eu une conversation avec lui et lui ai dit que je voulais partir parce que je sentais que je n’avais pas ma place dans l’équipe. Il m’a dit que c’était une occasion et que je devais la saisir. Il m’a dit d’arrêter d’être en colère et qu’il utiliserait ma tête pour inverser la situation en jouant et qu’il m’aiderait « .

Le club fait tous les efforts pour mettre dans les meilleures conditions sa petite pépite. Avila a même le droit de voyager en Argentine pour pouvoir prendre l’avion avec sa femme et la fait venir en Espagne. Se sentant écouté et apprécié, Chimy se détend et se concentre sur son football et le déclic va s’opérer. Ses minutes augmentent et début décembre pour la 18e journée de Segunda, il inscrit son premier but qui rapporte un point à son nouveau club. Alors que c’était surtout un joueur de complément au départ, Avila devient un titulaire presque indiscutable avec Cucho et Melero. Le trio fait vivre l’équipe mis en place par Rubi. En un mois, il trouve le chemin 4 fois en 6 matchs. L’idylle entre Alcoraz et Avila débute.

Et Avila devient le commandant de Huesca 

Tube de la première partie de saison, Huesca s’essouffle en deuxième partie de saison. Alors que la montée semblait acquise aux Aragonais, les mauvais résultats s’enchaînent et Huesca dégringole au classement. Après une série de 8 matchs sans victoire, Avila va de nouveau faire parler sa magie pour sortir son club de la tourmente. Huesca débute timidement son match face au Barça B. A la 60e minute, Alena ouvre même la marque. L’enfer continue pour les Aragonais. Un seul joueur y croit dur comme fer : Chimy Avila. En 5 minutes, l’argentin va écrire encore un peu plus sa légende. 3 minutes après l’ouverture du score, c’est lui qui offre l’égalisation à Melero. L’espoir renaît et quelques minutes plus tard, c’est Avila qui marque et permet à Huesca de passer devant. Le score ne bouge plus et Huesca se remet à l’endroit. Cette victoire sera le déclic et les Aragonais s’adjugent la montée directe à la fin de la saison. Avila devient une légende.

Lors des célébrations en ville, le nom d’Avila est scandée par toute une ville reconnaissante. Sauf que la situation contractuelle d’Avila le pousse à revenir en Argentine. Simplement prêté par San Lorenzo, il revient chez lui un peu à contre coeur. Rarement il s’est senti bien à un endroit et aussi fort dans le jeu. Leo Franco qui a pris la place de Rubi sur le banc fait son possible pour faire revenir Avila à Huesca. La raison de cet entêtement ? Chimy marque des buts qui comptent. Ces 7 buts en Segunda ont permis à Huesca de prendre des points directement et 4 ont permis aux Aragonais de gagner. Un garçon avec un tel mental et une faculté à ne jamais rien lâcher peut être déterminant dans la course au maintien en Liga.

Dans Marca, en août 2018, Avila montre aussi son envie de rester à Huesca. « Le désir d’être ici est unique. Je me sens chez moi, je me sens aimé, les gens ont un grand coeur ici, vous voulez rester là où vous vous sentez à l’aise, je me sens bien ici ». Logiquement, quelques jours après, Avila est de retour à Huesca et confirme qu’il sera là la saison prochaine. La ville entière pousse un souffle de soulagement. Le talisman est encore là, la saison en Liga ne pourra que bien se passer et au pire, Avila sera là pour bouger le groupe.

Modèle et leader de Huesca en Liga 

De retour chez lui, tout ne va pas pourtant bien se passer pour Avila. Lors du premier match, il débute même sur le banc. Il voit les siens s’adjuger une victoire de prestige face à Eibar pour ouvrir la saison. Le Huesca de Leo Franco est plus joueur que celui de Rubi mais aussi moins souverain. Pour la 2e journée, Avila est encore sur le banc. Il rentre pour le dernier quart d’heure et son équipe est menée 2-1. Lors de ce petit laps de temps, l’Argentin va pourtant montrer qu’il est encore le leader offensif de Huesca. A la 87e minute, il reçoit un ballon de Melero. Il semble loin et pas dans la meilleure des positions. Pourtant Avila va encore une fois faire parler sa magie pour marquer un but sensationnel. Huesca ramène un bon nul de San Mames et Avila confirme qu’il est plus qu’un joueur, il est l’âme de Huesca.

Crédits : Diario AS

Pourtant après ce but tout va s’écrouler à Huesca. Alors qu’Avila vit son rêve et joue face à Messi, le club prend un cinglant 8-2. Les Aragonais tombent dans une spirale infernale et Leo Franco est démis de ses fonctions. Avila joue mais est moins décisif. Cependant le groupe travail bien et reprend espoir sous l’impulsion de Francisco. L’ancien d’Almeria s’est tout de suite appuyé sur Avila. L’offensif est revenu plusieurs fois sur son état d’esprit et la manière dont il aborde son quotidien de footballeur.  « Je chérie la vie. Chaque match que je joue, je le joue pour être heureux en souvenir de mon passé. A chaque match je profite  beaucoup parce que je ne sais pas si demain je pourrai le faire à nouveau. » Model d’application et d’état d’esprit, Avila sera encore le joueur déterminant dans la réussite de Huesca.

Pour la première victoire de l’ère Francisco, il n’est pas titulaire et pas décisif. Cette défaite ne lancera aucune série. Quelques semaines après, Huesca se remet à enchaîner. Après un bon nul face à la Real, les Aragonais s’offrent un festival face à Valladolid mais Avila est encore sur le banc. Francisco lui préfère Cucho qui ne fait pourtant pas l’unanimité chez les suiveurs. Lors du déplacement face à Girona la semaine suivante, l’argentin est titulaire et marque les deux seuls buts du match. Une prestation qui lui offrira une place de titulaire. Alors qu’il a commencé sur le banc face à Seville, c’est lui qui va marquer ce but décisif à la 98e minute. Huesca n’est pas mort et n’est plus qu’à 3 points du premier non relégable. A force d’abnégation et de travail, Huesca peut croire en son salut et Avila n’y est pas pour rien. Comme il l’explique bien : « Si vous ne vous battez pas, vous ne gagnerez jamais rien ». Et niveau bagarre, Avila c’est la Champion’s League.

Benjamin Bruchet 

@BenjaminB_13

 

 

 

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