Clásico – Josep Samitier, légende du Barça et ami intime de Santiago Bernabéu

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Au début du siècle dernier, le Clásico n’était pas encore le Clásico. Les affrontements entre Barça et Real Madrid n’étaient pas aussi suivis et les gros matchs étaient surtout face à Irún ou Europa. Cependant, à une période où le football est passé d’un sport de classe à un sport total et populaire, un homme a marqué les deux clubs. : Josep Samitier. Ami intime de Ricardo Zamora, légende du Barça mais joueur puis dirigeant du Real Madrid, le milieu de terrain fut l’un des premiers joueurs à devenir une idole dépassant les terrains. Portrait d’un garçon incroyable, qui aura marqué son époque. 

Le football dans le début des années 1900 était totalement différent de ce que l’on voit aujourd’hui. En tribune, très peu de monde et surtout des notables. Le football se joue en dehors des stades, dans la rue, dans la cour des usines et des écoles. Cependant, tout va très vite basculer en Espagne sous l’impulsion de deux hommes. Ricardo Zamora est le plus connu mais Josep Samitier était aussi fondamental que le gardien de but à la casquette plate dans cette révolution. Avec plus de 330 buts pour le Barça et membre de la première équipe qui aura chamboulé l’Espagne, Samitier était un joueur haut en couleur. Retour sur une vie pleine.

Une montre qui brille pour signer au Barça et un caractère déjà bien trempé 

Depuis tout jeune, Zamora et Samitier sont amis. Le deuxième, joueur de champ, évolue plutôt dans le coeur du jeu. Milieu élégant, Samitier est mis très vite au football par son père, instituteur. Maman Samitier ne croit pas vraiment à cette vie et veut que son fils trouve un vrai travail. Sauf que Josep aime déjà le football plus que tout. Il est un talent total et peut jouer partout, même gardien. Cependant, il n’aime pas trop être loin du ballon. A 14 ans, alors qu’il enchaîne les buts avec son équipe de Sants, Samitier a le droit à un petit article sur lui dans un journal de Barcelone. Sauf que le journaliste écorche son nom : Samitier devient Semitier. Josep ne se dégonfle pas et va voir le rédacteur en chef pour demander une correction. Il  lui lança cette phrase : « Mon nom de famille est Samitier, pas Semitier. Et apprenez-le bien, car je vais vous donner de quoi en parler. N’oubliez pas ça ».

En 1919, le Barça, qui n’a rien d’un géant, toque à la porte de Josep Samitier. Le milieu de terrain rêve de grandeur et le FCB un club en progression. Néanmoins, il faut le séduire notre bon Josep Samitier… Le natif de Barcelone reçoit une montre qui brille dans la nuit. Le must à l’époque avec un costume à trois pièces. Le deal se monte très rapidement : Samitier portera la tunique blaugrana. A 17 ans, le milieu rejoint un effectif qui va marcher sur l’Espagne. L’histoire est en marche.

Fc Barcelona

Sous la houlette de Jack Greenwell et avec des joueurs comme Paulinho Alcantara autour de lui, Josep Samitier va devenir une légende. On le surnomme le criquet, la langouste ou encore le magicien. Ses sauts élégants et ses acrobaties font venir les gens au stade. Il est tellement fort qu’on ne sait pas vraiment où il joue. Selon les écrits de l’époque, c’est un 9 qui joue en tant que milieu. Selon d’autres, c’est un milieu qui descend en tant que défenseur mais qui marque. Ce dont on est sûr, c’est que Samitier va scorer plus de 330 buts avec les Blaugranas et est encore le meilleur buteur du Barça en Copa del Rey. Il va aussi faire partie de la sélection espagnole qui épatera le monde en 1920 lors des JO d’Anvers, les débuts du mythe de la Furia Roja. En termes de palmarès, c’est tout aussi conséquent. Samitier soulève 5 Copas, 12 championnats de Catalogne mais surtout la première Liga de l’histoire, en 1929. De club lambda espagnol, le Barça devient un géant.

Le crépuscule au Barça et les premières zones d’ombre de Samitier

Cette période est réellement celle qui fait basculer le Barça dans une nouvelle dimension. Le Camp del Carrer Indústria est devenu obsolète et en 1922 El Corts voit le jour. Ce stade se transforme rapidement la cathédrale du football en Espagne en atteignant rapidement les 45 000 places. Le football devient populaire et Samitier est la première idole. Son portrait est partout et il tourne même dans des pubs. Il vit du football et côtoie même les notables espagnols. Il passe ses vacances avec Salvador Dali et avec des nombreux chanteurs ou politiques. Sauf qu’à l’aube de ses 30 ans, tout bascule.

Son aura commence à descendre et il continue d’être gourmand niveau salaire. Cependant, la direction du Barça ne veut pas continuer d’augmenter un joueur de 30 ans qui est plus souvent blessé que sur le terrain. Sa magie n’apparaît que par intermittences et on le pousse vers la sortie. Lors d’un Real Madrid – Barça en 1933, deux hommes parlent en marge du terrain. Ces deux protagonistes sont connus : Santiago Bernabéu et Josep Samitier. Ils sont très proches et le dirigeant madridista offre un contrat à son ami. Samitier qui voit là une bonne opportunité de préserver son train de vie accepte. Sa nouvelle vie commence.

L’histoire ne dure que 2 saisons. Cependant, il continue d’écrire sa légende. Bien sûr dans le jeu, Samitier n’a plus son lustre d’antan, mais pour son premier match face au Barça, Josep colle un doublé pour assurer la victoire du Real Madrid. Il marquera encore dans un Clásico par la suite. En 1936, il prend sa retraite et entraîne quelques temps l’Atlético de Madrid. Mais l’histoire tourne court quand la Guerre Civile éclate. Pour sa proximité avec les Franquistes, Samitier est arrêté par une brigade anarchiste. On le libère et il fuit pour la France et Nice. Une nouvelle vie d’exilé débute pour lui en deuxième division française.

La France, une deuxième révolution au Barça et recruteur de Kubala

Samitier signe en 1936 à Nice, rejoint par la suite par Zamora. L’équipe de Nice est belle mais en D2. Les Aiglons ne réussissent pas à remonter en D1 et les fins de mois sont assez difficiles. Samitier se sent plutôt bien dans le calme relatif de la promenade des Anglais. Il reste jusqu’en 1939 en France. Après une petite période de disparition, on le retrouve durant quelques mois en tant qu’entraîneur du Gym. Ce comeback est bref, mais lui permet de retrouver une Espagne plus calme. Toujours plus proche du pouvoir en place, il est nommé sur le banc du Barça.

En 1944, Samitier retrouve le club qui lui a permis de devenir une légende et de tutoyer les étoiles. Josep n’était pas connu pour prendre beaucoup soin de lui quand il était joueur. Bien sûr, il ne fume pas autant que Zamora mais El hombre langosta aime sortir et boit plus que de raison. Pourtant, à sa nomination, il va apporter les prémices du professionnalisme en Espagne. Au Barça durant 3 ans, il va contrôler l’alimentation ou encore la consommation d’alcool de son groupe. Il met aussi sur pied des calendriers d’entraînements et introduit des exercices avec ballon. Il cherche à booster l’esprit collectif de son groupe. En match, sur son banc, Samitier est élégant : chapeau, cigare et un long manteau. Il offre une nouvelle Liga au Barça après une longue période de disette. Cependant, les succès se font rares par la suite et Samitier est promu dirigeant du club.

En tant que secrétaire technique, son rôle est surtout de débusquer de nouveaux talents. Samitier prend son rôle très à coeur mais est aussi invasif avec les entraîneurs en place. Son plus grand coup sur le marché des transferts ? La signature de Ladislao Kubala en 1950 avec un ingénieux coup de passe-passe. Il parvient à faire signer la légende hongroise au nez et à la barbe du Real Madrid. Par la suite, il fait jouer ses relations franquistes pour mettre la pression sur la FIFA et réussir à faire homologuer la signature du Magyar, un an après l’officialisation. Josep continue d’être adoré par les puissants et idolâtré par l’afición blaugrana. Il est plus qu’un footballeur ou un dirigeant : il joue son rôle au cinéma dans un film de propagande et est connu de tous. Il est le premier footballeur réellement médiatique avec Zamora.

Agent double dans l’affaire Di Stéfano et départ par la petite porte du Barça 

Kubala devient une idole au Barça mais en 1953, il tombe gravement malade et on craint pour la suite de sa carrière. Samitier est donc chargé de trouver un remplaçant. Un nom vient directement à l’esprit d’El Mago : Alfredo Di Stéfano. Sauf que la situation contractuelle de l’Argentin est très compliquée. Alors qu’il est parti jouer au mercenaire en Colombie, le buteur se retrouve dans une impasse. Il appartient à deux clubs et est courtisé par deux autres, qui sont devenus rivaux. Personne ne veut faire d’effort et l’histoire devient rocambolesque.

Pourtant, c’est bien le Barça qui réussit à ficeler l’histoire et quand Di Stéfano arrive en Espagne, il est théoriquement un joueur catalan. Sauf que l’histoire traîne encore et le Real Madrid s’engouffre dans une nouvelle brèche. Di Stéfano pose même avec le maillot blaugrana et tâte le cuir avec un Kubala qui va mieux. Dans le même temps ,le Barça tente de vendre l’Argentin à la Juventus mais l’histoire capote. Tout s’enlise et un médiateur est nommé. C’est un ancien président de la fédération royale qui tranche : Di Stéfano jouera 2 ans au Real Madrid puis 2 ans au Barça. Josep Samitier rode et est en contact avec son grand ami Bernabéu. Le club merengue finit par racheter la totalité des droits de Di Stéfano qui ne jouera jamais au Barça. Plusieurs rumeurs circulent sur les dessous des négociations mais le comportement du Barça est particulier et l’hypothèse d’un sabotage de l’intérieur est réelle. Suffisant accuser Josep Samitier ? Pas vraiment, mais la flèche pointe vers lui.

Crédits : Fc Barcelona

L’histoire entre Samitier et le Barça prend fin dans les années qui suivent. C’est l’arrivée du fantasque Helenio Herrera qui clôt la collaboration du milieu de terrain avec son club de coeur. Le technicien français n’accepte pas que Samitier soit envahissant dans son travail. Le ton monte plusieurs fois et Samitier prend la porte. Et qui vient le sortir de cette situation particulière ? Le Real Madrid de Santiago Bernabéu. Comme quand il a été mis de côté en tant que joueur, la Maison Blanche lui trouve un poste de recruteur et Samitier continue de flâner avec les grands noms espagnols. Pourtant, El Mago avait perdu un peu de son flair. Il avait notamment conseillé à son ami de ne pas signer Ferenc Puskas à cause de son surpoids…

Des funérailles nationales pour un géant du football ibérique et une rue à son nom à Barcelone

En 1972, Josep Samitier décède à l’âge de 70 ans. Celui qui était toujours une sommité en Espagne et une légende du Barça a laissé un grand vide en Espagne. Sa femme, Tina, est revenue dans plusieurs journaux sur l’admiration que suscitait son mari à Barcelone. Comme si ces passages réguliers au Real Madrid, sa proximité avec le franquisme et Bernabéu n’avaient jamais existé. Lors d’un dernier hommage, il aura le droit à des funérailles dignes d’un chef d’État. On lui dédie même un tango. Mieux encore, il est le seul footballeur à avoir une rue à son nom à Barcelone. Cette Carrer Josep Samitier qui se trouve à proximité du Camp Nou reste une rue remplie de nostalgie à la gloire du premier footballeur médiatique du pays. Josep Samitier n’est pas le Barça ou le Real Madrid, il est le football avec ses zones d’ombres, ses joies et ses peines.

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

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