La Liga a toujours permis à des joueurs relativement âgés de s’épanouir et d’enchaîner les performances. Récemment il y a eu Aduriz, puis Stuani, puis Molina et actuellement Charles Dias. Attaquant d’Eibar, l’hispano-brésilien est dans la forme de sa vie et sur un rythme fou. Proche de battre son record de buts en Primera, le buteur n’est pourtant pas un titulaire indiscutable et rien ne lui prédisait une telle carrière. Retour sur le parcours vallonné du fils de la légende Careca avec les 3 entraîneurs qui lui ont permis de progresser : Javi Gracia, Luis Enrique et José Luis Mendilibar.
Dans deux petits mois, Charles aura 35 ans. Un âge qui annonce souvent le déclin des footballeurs, plus dans le coup, las d’un sport très exigeant qui les pousse vers la retraite quand la trentaine sonne. Pourtant dans la petite bourgade d’Eibar au Pays basque, le buteur brésilien semble jouer comme un débutant. Acceptant d’être sur le banc, de jouer des bouts de matchs, d’être simplement la doublure d’Enrich, Charles ne fait jamais de vague. Mieux encore, il vante les mérites de la méthode de Mendilibar, son coach. Un style de jeu et un management qui lui permettent d’être dans la forme de sa vie. Après 24 journées, Charles a déjà fait trembler les filets 10 fois. L’ancien joueur de Malaga n’est plus qu’à 2 longueurs de son record en Primera. Mieux, Charles dispose d’un des meilleurs ratio buts/minutes joués de Liga : 101 minutes par buts. Le Brésilien est inarrêtable pour le grand bonheur d’Eibar et pourtant il revient aussi de loin. Retour sur la carrière particulière d’un garçon attachant.
Charles, de gardien de but à attaquant en Segunda B
Le football a toujours eu une place très importante dans la vie de Charles. Tout d’abord, parce qu’il est le fils de l’illustre Careca qui a régalé les Européens par son sens du but lors de son passage au Napoli notamment. Dans la famille Dias, tout le monde touche au ballon. Très tôt, Charles tâte le cuir avec ses cousins : Yuri et Igor notamment. Tous finiront professionnels et s’affronteront en Segunda B ou en D2 espagnole. Au début pourtant, Charles enfile les gants et s’éclate dans les bois. Par la suite, il sera placé plus haut sur le terrain sans jamais vraiment être catalogué comme un buteur pur. « Charles est un attaquant très polyvalent, mobile et courageux lors des chocs, avec une confiance en soi et une ambition importante » comme le définit Aurelio Gay un de ses entraîneur à Pontevedra son premier club en Espagne.
Formé à Santos, Charles ne finit pas sa formation dans l’illustre club et s’envole pour Tuna Luso encore au Brésil. À 18 ans sans avoir débuté une seule partie en pro dans son Brésil natal, il rejoint l’Europe et signe à Feirense au Portugal. Le club est en D3 et Charles se post-forme là-bas. Après s’être intégré rapidement en 2003, à peine un an après son arrivée, le club monte en D2. Charles n’est pas un pion fondamental mais joue régulièrement, progresse et se fait remarquer comme un joueur de devoir pas maladroit devant le but. En 2004 il quitte le Portugal pour l’Espagne et Pontevedra alors en D3. Là-bas il retrouve ses cousins et devient un très bon élément. Cependant, il ne se fait pas remarquer à l’étage supérieur. Le club vivote et change souvent d’entraîneur. Sous les ordres d’un jeune entraîneur, Charles se montre pourtant très intéressant et commence à enfin faire parler de lui. Ce jeune coach qui a maintenant une réputation conséquente n’est autre que Javi Gracia, le premier à avoir vraiment cru en Charles.
Charles, le goleador d’Almeria, sous les ordres de … Javi Gracia
La collaboration entre l’actuel entraîneur de Watford et l’actuel buteur d’Eibar ne dure qu’une saison en Segunda B. Javi enchaîne ensuite les projets et Charles reste encore 2 saisons à cet étage avant d’avoir pour la première fois la chance d’évoluer au niveau supérieur. C’est Cordoba qui recrute Charles et lui permet de passer un cap décisif dans sa carrière à… 26ans, en 2010. Recruté à la demande express de Lucas Alcaraz, son arrivée ne va pas convaincre beaucoup de monde avant que son niveau fasse très vite l’unanimité en D2.
Pour sa première saison dans une division professionnelle, Charles confirme pourtant ses bonnes dispositions et son talent. Aligné en tant que seconde pointe, il joue de nombreuses minutes et se montre rapidement au niveau. Comme au Portugal ou en Segunda B, on remarque sa capacité à répéter les efforts, à ne jamais se cacher et surtout cette capacité à marquer énormément de buts. En 2 saisons, il joue près de 70 matchs et marque une vingtaine de but en Andalousie. Son nom est pour la première fois sur toutes les bouches et Cordoue ne peut pas le garder. Charles s’envole pour Almeria toujours en Segunda.

L’entraîneur qui a fait le forcing pour signer Charles à Almeria n’est autre que Javi Gracia qui vient d’être nommé numéro un du club rouge et blanc. Sous les ordres de l’actuel technicien de Watford, le Brésilien est dans la forme de sa vie, une première fois. En confiance et au point physiquement, Charles enfile les pions comme des perles. En 44 matchs, il fait trembler les filets 32 fois. Charles devient un tube et les quotidiens nationaux s’intéressent à l’histoire de ce garçon qui ne fait que progresser au fil des saisons sans que le temps ne semble avoir d’emprise sur lui. Après une démonstration en finale d’accession, Almeria remonte en Liga et Charles est dans le wagon. L’histoire semble en marche.
Luis Enrique, deuxième mentor de Charles
Cependant l’été est de nouveau chaud pour Charles qui est courtisé de toute part. Son président avoue qu’il ne bloquera pas si une offre convenable arrive sur son bureau. Rapidement, le Celta se positionne et signe un chèque d’un peu moins d’un million d’euros. L’offre est acceptée et le buteur déménage en Galice. Sous les ordres de l’actuel sélectionneur espagnol, le niveau du Brésilien va encore monter d’un cran. On le présente comme le successeur d’Aspas et ça inquiètent beaucoup de monde. Alors que les questions fusent sur la capacité d’un débutant en Primera d’être performant d’entrée, Charles répond par une ribambelle de buts. Titulaire indiscutable sous Luis Enrique, le joueur sud-américain en claque 12 en 30 matchs pour sa première saison. Le Celta rayonne et est apprécié de tous en Liga. Sauf qu’après cette bonne première saison, Luis Enrique file au Barça et l’idylle se brise pour Charles.
Alors qu’Enrique était le meilleur entraîneur que Charles ait connu selon lui, l’Asturien est remplacé par Toto Berizzo. Les résultats sont toujours là mais Charles recule dans la hiérarchie sans avoir réellement sa chance. Rapidement le chant du départ siffle pour le Brésilien qui s’envole à l’été 2015 pour le Malaga de … Javi Gracia. L’homme qui a fait basculer la carrière de Charles dans une autre dimension lui offre une porte de sortie. Lors de sa signature en Andalousie, Charles a confirmé le lien particulier qui relie Gracia et lui : « Javi Gracia m’a toujours apporté beaucoup de confiance au cours des saisons où nous avons été ensemble. Il a parlé avec moi et j’espère pouvoir l’aider grâce à mon travail et mon humilité habituelle. »
Le projet des Andalous a maintenant une voilure réduite. La direction de Malaga ne veut plus dispenser des millions et multiplie les transferts à petits prix. Charles qui a maintenant 31 ans fait office de guide et de leader naturel. Pour sa première saison avec les Anchois, tout se passe bien. Malaga enchaîne les performances et l’attaquant marque de nouveau 12 buts. La success story entre Javi et Charles est relancée encore avec réussite. Sauf qu’à la fin de la saison, l’entraîneur s’en va et son buteur se retrouve de nouveau dans une situation compliquée.
Mendilibar et Eibar, la cure de jouvence de Charles.
Malaga n’impressionne plus personne et Charles joue de moins en moins. La permanence du club en Primera n’est due qu’à un sauvetage de Michel en 2017 et Charles n’est plus du tout dans ses plans. A l’été 2017 alors que Charles a 33 ans, on évoque un retour au Brésil pour lui ou une fin de saison dans un paradis pour pré-retraité. Sauf que le Brésilien n’en a pas fini avec le haut niveau et signe à Eibar, ce modeste club qui ne fait que progresser sous les ordres de Mendilibar. Un choix payant pour Charles qui est de retour dans une forme optimale.
Lors de sa présentation, Charles avait confié : « Je suis excité comme un gamin de 20 ans. J’ai été très bien reçu par tous. Je regarde beaucoup le football et Eibar grandit chaque jour. Je vais essayer d’aider à ce qu’il continue d’être aussi performant que possible » . Un an et demi plus tard, comme il le dit lui même, Charles semble avoir réussi sa mission : « C’est peut-être l’une des meilleures saisons que je connaisse au niveau des buts, et au niveau du foot, la vérité est que j’apprécie beaucoup cette année. » Charles est un soldat de Mendilibar, le Basque sait que son buteur marquera toujours une dizaine de but malgré un temps de jeu réduit, une force considérable pour un club modeste comme Eibar.

Dans un 4-4-2 strict, Charles est souvent associé avec Enrich devant mais il n’est pas un titulaire indiscutable pour l’entraîneur Basque. Dans un groupe où est présent de nombreux trentenaires, Charles a du temps pour lui et est choyé. Le collectif est la force d’Eibar et chacun y trouve parfaitement sa place. Le style de jeu, tout en verticalité et où de nombreux ballons traînent dans la surface adversaire permet aussi au buteur de s’épanouir. Alors qu’au début il n’était que très rarement un buteur référence, à force de travail l’attaquant brésilien est devenu un tueur qui n’a pas besoin de nombreuses occasions pour marquer. Au point que certains évoquent avec un petit sourire une place en sélection, le goaleador dispose de la double nationalité …
En fin de contrat en juin 2019, et après un exercice 17-18 plus qu’honnête avec un total de 8 buts, on pensait que l’idylle entre le club basque et Charles allait logiquement prendre fin après cette saison. Sauf que voilà, le Brésilien est littéralement dans la forme de sa vie et est maintenant le meilleur buteur du club. Pourtant tout n’était pas gagné en début de saison. Charles était souvent le garçon sacrifié pour la mise en place du 4-2-3-1 de Mendilibar. Kike Garcia grignotait aussi des minutes au joueur. Le Brésilien n’a pourtant pas lâché, titulaire lors des trois dernières sorties d’Eibar, Charles a marqué 5 buts dont certains déterminants notamment face à Getafe lors de la 24e journée. Froid dans la surface, l’attaquant sud-américain est aussi devenu le tireur attitré de penalty de l’équipe basque. À bientôt 35 ans, Charles a maintenant son record de 12 buts en Primera dans le viseur et pourrait frapper un grand coup en conduisant Eibar en Coupe d’Europe. De quoi le faire rester une année de plus en Liga ? Affaire à suivre.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13