Liga – Atletico / Thomas Lemar, scenario bis repetita pour Diego Simeone ?

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C’est un sondage qui a résonné jusque dans l’Hexagone. Marca publiait fin 2018 le classement des pires recrues de Liga selon les internautes. Made in France oblige, trois anciens joueurs de Ligue 1 y formaient le podium : Michy Bathsuayi solide leader, Malcom en troisième position. Entre les deux, Thomas Lemar, 20% des suffrages. Recrue phare de l’Atlético Madrid l’été dernier, ses difficultés d’intégration rappellent à s’y méprendre celles d’un certain Antoine Griezmann..

72 millions d’euros, soit la somme dépensée par l’Atléti pour ajouter une nouvelle touche de bleu aux Rojiblancos. Une enveloppe dans les clous du marché actuel, tant les commentaires en faveur du Guadeloupéen étaient dithyrambiques. Il faut dire que, comme ses coéquipiers Kylian Mbappé ou Bernardo Silva, sa saison 2016-2017 prodigieuse avec Monaco (14 buts et 17 passes décisives toutes compétitions confondues) avait aiguisé l’appétit du gratin européen. De quoi lui valoir les louanges de Radamel Falcao auprès de Diego Simeone. La suite n’en est que plus logique.

Aussitôt, les analogies avec son compère offensif tricolore furent nombreuses. Comme Grizi, dit-on à ce moment là, le Guadeloupéen sera poli par le coach argentin. D’un joueur soyeux, lisse, presque fluet, il se muera en un authentique guerrier. C’est ce qu’attendait son premier formateur à Caen, Philippe Tranchant : « Simeone va le faire travailler pour améliorer sa VMA, pour s’améliorer dans les duels, mais pour moi Thomas, là où il peut avant tout s’améliorer, c’est dans son caractère, sa personnalité, dans la volonté d’être un leader. Il doit faire preuve de plus de caractère sur le terrain. » Alléchant sur le papier, plus complexe à réaliser.

Un nouveau statut difficile à assumer.

Les écueils de ces dernières semaines ont réussi à occulter dans cette si versatile communauté football les débuts en fanfare du néo champion du monde. « Comme chez lui à l’Atlético » selon Goal, « En avance sur Griezmann » d’après L’Équipe, la digne relève d’Arda Turan semblait toute trouvée du côté du Metropolitano. Habile pour repiquer vers l’axe ou percer les lignes adverses, précieux sur les phases arrêtées et même impliqué dans l’effort collectif, le petit numéro 11 se fond à vitesse grand V dans le onze rojiblanco.

Crédits : Into the Calderon

Sauf que depuis, le ciel s’est assombri pour le joueur d’1,71 m. Plus décisif depuis le 25 septembre en championnat, ses statistiques faméliques préoccupent évidemment en interne. Contrarié en outre par deux blessures, le Guadeloupéen fait grise mine. Si l’on en croit El Mundo, Lemar aurait beaucoup de mal à assumer la charge de travail défensif exigée par le staff madrilène. Contrairement à la majorité des joueurs de cet effectif (Hernandez, Costa, Partey…), lui n’a jamais figuré dans un registre combatif, se contentant sur le Rocher du minimum syndical en la matière. Un péché mignon qui lui avait déjà coûté sa place pendant la Coupe du Monde…

Victime collatérale d’un système pas adapté à ses qualités ?

Là où le bât blesse, c’est que la méforme de Thomas Lemar remonte en fait à bien avant sa traversée des Pyrénées. Après une saison époustouflante dans l’euphorie monégasque, le protégé de Leonardo Jardim avait nettement baissé de régime l’an dernier. Recrue la plus chère de l’histoire de l’Atlético, champion du Monde, deux statuts supplémentaires difficiles à endosser pour un garçon décrit comme timide et introverti. Ce que confirme Timéo, community manager de la page @AtletiFrancia et ardent fan des Colchoneros : « Il est devenu le joueur le plus cher du club, cela accentue la pression qu’il a sur ses épaules car les socios attendent légitimement beaucoup de lui.»

À tel point que la question de son atlético-compatibilité se pose aujourd’hui. Les Colchoneros n’étant pas réputés pour leurs redoublements de passes et leurs petits jeux de combinaison, peut-il s’y épanouir pleinement ? Timéo pointe à ce titre un constat intéressant : rares sont les joueurs de son registre à imposer leur patte dans ce système : « les joueurs électrons libres comme lui ou Gelson Martins ont un temps d’adaptation plus long au jeu défensif de l’Atlético. Simeone ne lui offrira jamais le jeu dans les petits espaces dont il a besoin pour s’épanouir. »

Crédits : Depor

Si, depuis ses débuts en professionnel, Lemar occupe essentiellement l’aile gauche du milieu de terrain, ceux qui l’ont côtoyé lui voient un avenir plus axial. « C’est un milieu de terrain moderne, petit, un peu à la Iniesta, David Silva, fin techniquement, qui joue vite, dans les espaces. Il dispose d’une très grosse qualité de passes, un très gros volume de jeu. Le poste où il aura le plus d’influence sur le jeu, c’est numéro 8. Il n’arrête pas, demande les ballons sans arrêt, plus il sera dans le cœur du jeu, plus il pourra servir au mieux ses partenaires. » pointe son ancien coéquipier Jonathan Mexique. Or pour Timéo, ce repositionnement n’aura sûrement pas lieu dans la capitale espagnole : « Simeone ne changera jamais son 4-4-2. L’axe est réservé à Thomas Partey, Rodri ou encore Saul. Pour voir Simeone placer Lemar dans l’axe, il faudrait un miracle. »

Le cas Griezmann comme modèle.

Contrairement à Gelson Martins, envoyé à Monaco, l’international français conserve en tout cas la confiance du Cholo. « En ce qui concerne Lemar, c’est un joueur très important pour nous. (…) Nous devons être patients, nous devons attendre qu’il devienne important pour nous. »  Des déclarations corroborées par les actes, puisqu’il continue d’être utilisé avec régularité. Au pire, en entrant en cours de match. Au mieux, en étant titulaire d’entrée, comme dans le derby madrilène du week-end dernier (1-3). Dès l’heure de jeu, il quitte les siens la tête basse, remplacé par Vitolo. Avant cela, quelques combinaisons intéressantes avec Griezmann, une certaine discipline tactique, et c’est à peu près tout. Trop bon élève, il semble avoir égaré en route le brin de folie qui le rendait si atypique.

Avec Antoine Griezmann, la comparaison footballistique n’est pas la bienvenue, les deux joueurs n’ayant ni le même rôle, ni le même style, ni le même caractère. Mais, habitué à voir ses joueurs offensifs courber l’échine à leur arrivée, le club s’inspire du cas Grizi pour le second et fait actuellement le dos rond. Malin, pragmatique, Simeone sait bien que c’est la patience qui a permis au numéro 7 de devenir la superstar du club, lui qui était considéré au départ comme trop inconsistant pour le jeu de l’Atléti. Laisser le bénéfice du temps à Thomas Lemar, dans un football où tout va si vite, est une attitude peu conventionnelle mais de la plus grande bienveillance…

Corentin Rolland

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