Segunda – Des Américains, un projet de stade de 18.000 places, un ancien de La Ciotat en Harley Davidson et Javier Tebas : la folle semaine du C.F. Reus

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La saga Reus qui s’enfonçait dans le tragique a encore subi un rebondissement inattendu. Alors que tout semblait s’aligner pour que le club catalan disparaisse avant la fin de saison, un duo américain a repris le club et s’est engagé à payer la dette sur le gong. Déjà plein de projets, les deux hommes, peu connus en Europe, ne sont pourtant pas au bout de leurs peines. Entre une Liga hostile, un effectif en pleine scission et les casseroles de Joan Oliver à rattraper, Russell Platt et Clifton Onolfo ont du pain sur la planche. Nouvel état des lieux.

Il y a un peu plus d’une semaine, l’horizon était bien noir pour Reus. Sans repreneurs, en conflit ouvert avec LaLiga, incapables de payer leurs employés et en proie à une dette immense, les dirigeants catalans n’étaient même pas certains de pouvoir finir la saison. Joan Olivier, ancien bras droit de Joan Laporta au Barça et président ganxet qui avait conduit Reus en Segunda, était en train de plonger le club vers les abysses. Évidemment, LaLiga voyait d’un très mauvais œil cette « publicité » et ce serait bien épargné ces tourments. Après avoir proposé de payer la dette, chose refusée par l’effectif, l’entité présidée par Javier Tebas a pris le dossier en main avec la volonté de faire lourdement payer le club pour ses fautes. Retour sur la semaine agitée de Reus.

Dimanche 20 janvier : les abysses

Samedi 19 janvier c’est la panique. Las Palmas, qui doit disputer son match de Segunda à Reus, prend l’avion pour la Catalogne alors que la Fédération et LaLiga font pression pour suspendre le club catalan. C’est un bras de fer qui dure depuis un moment. L’AFE (le syndicat des joueurs, ndlr) et LaLiga veulent exclure de toute compétition professionnelle les rouge et noir. L’AFE est constamment au côté de l’effectif. Une situation qui a eu le don d’agacer l’entraîneur ganxet Xavi Bartolo qui veut maintenir focus sur le sportif le peu de joueur qu’il a encore à sa disposition. La fédération fait l’arbitre mais reste en retrait. Pour le match face à Las Palmas, c’est LaLiga qui prend les devants et passe au dessus de la RFEF. Les dissensions entre Luis Rubiales et Javier Tebas sont encore une fois exposées au grand jour.

Crédits : Spain’s News

Alors que l’entité présidée par Rubiales s’est prononcée pour la tenue du match, c’est bien celle dirigée par Tebas qui prend la décision d’exclure Reus. Un juge prend même des dispositions fortes contre le club. Reus risque 5 ans d’exclusion de toute compétition professionnelle et une amende de 250.000 euros en sus. Le non-paiement des salaires qui a conduit de nombreux joueurs à casser leur contrat et la situation encore plus dramatique des quelque 250 salariés du club constituent des manquements graves au règlement de LaLiga qui veut faire un exemple, surtout que Reus avait déjà connu une situation similaire il y a quelques mois. Joan Oliver est donc au pied du mur et doit trouver une solution rapidement pour éviter que son mandat soit celui de la disparition du club qui fêtera ses 110 ans en novembre prochain.

Lundi 21 janvier : la lueur d’espoir

L’ancien bras droit de Joan Laporta au Barça avait assuré qu’il ne partirait que lorsqu’un repreneur se serait manifesté. Après de nombreuses rumeurs, le 21 janvier, un communiqué officiel annonce la vente du club à un fond d’investissement américain, nommé US Real Investment et représenté par Russel Platt et Clifton Onolfo. Sauf que leurs désirs sont en décalage complet avec la situation dramatique du club. Ils évoquent la construction d’un complexe avec notamment un centre commercial autour d’un stade de 18.000 places de style Gaudi (natif de la ville, ndlr). On parle aussi d’une stabilisation du club en Segunda et de plus de 14 joueurs prêts à rejoindre l’aventure. Le duo évoque l’inclusion du CF Reus dans son environnement local, de mobiliser les forces vives de la région pour faire grandir le club. Lunaire.

« Mes amis qui me connaissent à Londres, où j’habitais, et aux États-Unis, d’où je viens, savent que je ne suis pas un expert en sport. Loin de là. Je laisse toute la partie du développement sportif de l’équipe à mes partenaires et à ceux qui sont déjà impliqués, afin qu’ils continuent d’améliorer tout ce domaine, qui est bien sûr le plus important pour les fans et la population. Mais j’ai une expérience dans l’investissement immobilier qui est mon activité depuis 30 ans et qui rassemble des experts en développement de projets et en recherche de grandes opportunités » Russell Platt sur la découpe des rôles entre les deux repreneurs.

Le communiqué dresse également le portrait robot des deux protagonistes. Russel Platt est l’homme d’affaire, fondateur et ancien dirigeant de Morgan Real Investment, il a la science des affaires et a fait fortune dans l’immobilier et la gestion hôtelière. Clifton Onolfo qui arrive avec des personnes de sa famille, dont Curtis Onalfo, a aussi la science des affaires et connaît bien le football. Ancien dirigeant d’un club d’USL (2e échelon américain), il détient avec sa famille de nombreux terrains de formation et a collaboré avec de nombreux clubs. Curtis Onalfo, nouveau directeur du football de Reus, est un ancien joueur professionnel américain qui a débuté à… La Ciotat et était il y a peu l’entraîneur du Los Angeles Galaxy en MLS en plus d’avoir occupé de nombreux postes d’adjoint. Le duo se décompose donc assez simplement mais une question reste en suspens : que voient-ils à Reus que les autres n’ont pas vu ?

Mercredi 23 : les premiers problèmes

Joan Oliver parti, les Américains prennent donc leurs quartiers dans la charmante ville de Reus. Le compte Twitter du club transmet même une interview de Curtis et Clifton qui font part de leurs objectifs et un communiqué du club détaille leur plan d’action. Les repreneurs se sont engagés à payer les salaires de joueurs avant la fin du mois et de créer un fonds pour indemniser les autres employés du club. Le tout doit être chapeauté par un cabinet d’avocats réputé de Madrid pour montrer la solidité des liquidités américaines. Ensuite, malgré ce qui est sorti en premier dans la presse, le contrat de vente a bien été transmis à la commission qui doit avaliser la transaction. En fait, les Américains ne vont rien débourser ou presque mais doivent résorber la dette de 6 millions d’euros. Sauf que voilà, les premiers cadavres dans le placard de la présidence d’Oliver resurgissent.

Tout d’abord, un accord entre l’ex dirigeant du club et les joueurs de Reus refait surface. Le deal était simple: si les salaires n’étaient pas payés avant le lundi 28 décembre 2018, ils seraient libre de s’engager où ils veulent. C’est ce qui a permis à des garçons comme Linarez de rejoindre Saragosse ou encore Ortiz de signer Racing Santander. Or, ce contrat entre Oliver et les joueurs n’a pas été communiqué aux nouveaux repreneurs qui se retrouvent donc devant un nouvel exode massif de joueurs. Sur les 12 encore sous contrat, plus de la moitié a fait les démarches pour être libéré.

« Nous pensons qu’il s’agit d’un acte de sabotage de la part d’Oliver et nous espérons que LaLiga comprend que cela ne serait pas juste pour nous. Nous accordons tout le soutien nécessaire aux joueurs qui sont avec nous et nous voulons nous assurer qu’ils peuvent continuer à jouer au football »

Une situation qui place Reus sous la barre des 7 joueurs sous contrat pour pouvoir disputer la Segunda. Après avoir parlé de trahison pour qualifier les cachotteries d’Oliver, les Américains ont découvert un allié surprenant. La Fédération ne considère pas le contrat entre Oliver et les joueurs comme officiel et donc ne valide ni les transferts ni les ruptures de contrat alors que cela ne pose aucun souci à LaLiga. Les joueurs sont encore plongés dans une situation incertaine sur leur avenir. Pour ne rien arranger après un examen rapide des comptes, les repreneurs ont constaté que la dette de 6 millions d’euros annoncée pourraient être bien plus importante que prévu.

Malgré ces éléments contraires et la menace toujours importante d’une suspension pour le reste de la saison, les nouveaux dirigeants de Reus continuent d’être rassurants. Ils annoncent être en contact presque constant avec LaLiga pour accélérer la paperasse. De plus, le compte Twitter a une activité classique et on les voit même lorsqu’ils découvrent la ville. Ce week-end, une annonce a repoussé les limites de l’absurde. La vente n’est toujours pas officielle et LaLiga voit d’un très mauvais oeil ces acheteurs qui essayent de vendre du rêve à une aficion lessivée. Pourtant, Onolfo pose fièrement sur une Harley ou encore accoudé à une Jeep. Deux clichés qui officialisent un partenariat entre les deux firmes américaine et Reus sans qu’aucun montant ne soit affiché. A côté de ça, Curtis Onalfo, l’homme qui semble être le nouveau directeur sportif du club catalan a rencontré les derniers joueurs encore sous contrat et voulant rester, rappelant que la situation de Reus est encore inquiétante.

Lundi 28 janvier : nouveau coup de massue

Depuis la découverte de l’accord entre Oliver et l’effectif, les Américains chargent régulièrement l’ancien dirigeant de Reus. Onolfo résume la situation d’une phrase simple : « On considère que LaLiga devrait punir Joan Oliver et non Reus. Nous sommes ici pour améliorer le club ». Leur position des est claire : faire porter toute la responsabilité à Oliver pour obtenir la clémence de LaLiga et pouvoir continuer de disputer la Segunda. La projet est ambitieux car, en plus du stade et d’une requalification complète des abords du stade (actuellement impossible au vu des découpages urbains), ils veulent faire entrer de l’argent dans les caisses du club par la vente de joueurs. Pour faire simple, Reus devra à terme générer son budget par lui-même. Une situation recherchée par tous les clubs mais rarement atteinte et encore moins en Segunda où les formations survivent plus qu’autre chose. Onolfo et Platt veulent aussi rapatrier les lignes de téléphone et les archives des Ganxets de Barcelone à Reus.

Cependant, les courbettes et l’opération de séduction du duo n’ont pas convaincu LaLiga. Le juge qui avait en charge le dossier vient de rendre son verdict. La sanction est limpide : Reus est exclu pour 3 ans de toute compétition professionnelle, le club ne peut pas reprendre la Segunda et est en plus condamné à une amende de 250.000 euros. Bien sûr, la nouvelle direction a fait appel mais la position de LaLiga est claire : les manquements sont graves et même si la nouvelle direction veut faire montre de bonne volonté, les faits sont les faits et il est impossible de les oublier aussi facilement.

Enfin, l’équipe de Javier Tebas aurait reçu froidement la nouvelle de l’achat du club par deux hommes d’affaires américains et se méfierait de ce type d’opérations. Et ce n’est pas la promesse d’avoir déjà des investisseurs venus de MLS prêts à racheter des parts de Reus qui ont rassuré quant à la solidité de ce dossier. En attendant le verdict de l’appel, les nouveaux dirigeants espèrent toujours pouvoir disputer la fin de saison. Mais l’avenir reste très sombre, rêve américain ou pas.

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

 

 

 

 

 

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