Mercato – Wu Lei à l’Espanyol : le « David Villa chinois » enfin à l’assaut de l’Europe

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L’Espanyol vient très probablement de réaliser le transfert le plus intéressant et enthousiasmant de ce mercato hivernal. En signant Wu Lei, les Pericos voient se matérialiser sur le terrain l’importance d’avoir un propriétaire chinois. L’attaquant est une idole au pays, un joueur offensif moderne et complet qui arrive en Europe assez tard (27 ans) mais en étant mature sportivement. Présentation du nouveau numéro 24 de l’Espanyol qui a tout pour conquérir l’Espagne et l’Europe avec une arrivée qui dépasse le cadre sportif. 

Ce mouvement suscite de l’incompréhension autant que des attentes assez fortes. Comment l’Espanyol, une entité pas au mieux financièrement, qui a un effectif plutôt court et à la lutte dans le ventre mou de Liga a réussi à faire signer l’un des meilleurs joueurs chinois du moment qui disposait pourtant d’un salaire confortable au pays ? La raison est politique avant d’être sportive. Sous la pression du gouvernement, la fédération pousse les meilleurs talents locaux à s’exporter dans des clubs aux mains de Chinois. Les montants, non divulgués, et le timing de cette signature entretiennent le flou autour de cette arrivée. Cependant avec Wu Lei, c’est le haut du panier qui arrive dans un club qui a tout pour le faire exploser. Membre de la sélection chinoise qui a été éliminée en 1/4 de finale de la Coupe d’Asie en janvier, il débarque dans la mégapole barcelonaise avec l’envie de montrer au monde entier que le football chinois peut produire des cracks. Portait d’un garçon de 27 ans qui a toujours su répondre aux attentes et être patient avant de faire le grand saut.

De crack précoce qui laisse bouche bée Solskjaer à meilleur joueur chinois du championnat

Wu Lei est ce qui ce fait de mieux en Chine actuellement à son poste. Capable de jouer sur tout le front de l’attaque, le natif de Nanjing dans le Jiangsu est cependant plus à l’aise lorsqu’il est excentré et qu’il peut rentrer dans la surface pour faire parler sa superbe frappe de balle. 27 : c’est le chiffre pour matérialiser le niveau actuel de Wu Lei. Il correspond au nombre de buts marqués en championnat par l’attaquant chinois en 29 matchs. Un nombre qui le place tout en haut du classement des meilleurs buteurs de la Chinese Super League devant des joueurs tel que Cédric Bakambu, Graziano Pelle ou encore Hulk. Dans un secteur où les stars étrangères sont recrutées à prix d’or, Wu Lei est au niveau et surnage même. Une performance qui montre le niveau actuel du transfuge.

Crédits : La Contradeportiva

L’histoire avec le football débute très tôt pour Wu Lei qui rejoint, alors qu’il n’est encore qu’un enfant, l’académie de la légende chinoise Xu Genbao. Le projet de cet homme qui est actuellement propriétaire de Lorca en Segunda B (D3 espagnole, ndlr) est simple : former une équipe de Chine triomphante en prenant exemple sur la génération 92 de Manchester United, celle des Paul Scholes, David Beckhman, Ryan Giggs, les frères Neville et Nicky Butt. Wu Lei quitte sa région natale pour cette académie basée à Shanghai qui n’a pas encore d’équipe professionnelle senior. Il gravit les échelons et fait parler de lui. Xu Genbao ne tarit pas d’éloges à son sujet. Souvent froid, son visage s’illumine pour Wu Lei et il en parle comme du Maradona chinois ou encore d’un cadeau de Dieu. Depuis les surnoms se sont empilés, mais le joueur auquel Wu Lei se rapproche le plus sportivement n’est autre que David Villa version Barça.

« Je pense que je suis un joueur qui utilise sa tête. Je n’ai pas seulement envie, mais j’ai aussi une bonne frappe et un bon sens du but, donc je peux généralement trouver des occasions pour marquer. J’aime chercher des occasions en face du but et en battant les défenseurs par un dribble ou une accélération » Wu Lei, au site FIFA.com en 2013

L’offensif chinois fait tourner la tête de tout le monde. En 2013, alors que son club prend part à un tournoi amical en Espagne, c’est Ole Gunnar Solskjær qui tombe à son tour amoureux de Wu Lei. Alors entraîneur de Molde en Norvège, il le qualifie de « bon attaquant » et voit en lui un sacré potentiel au point de déclarer  : « S’il signe à Molde, je pense qu’il peut progresser pour jouer dans une équipe de Premier League anglaise rapidement ». À cette époque, Wu Lei a 21 ans et déjà une belle expérience dans le football professionnel.

Crédits : Football inside

Déjà international depuis 2010, le neo-Perico a débuté en pro à 14 ans en 2006 au Shanghai Dongya, un record de précocité. Ce club est l’excroissance senior de l’académie de Xu Genbao et navigue en D3 à ce moment-là. L’entité qui deviendra le Shanghai SIPG lors de son accession en Chinese Super League est le premier club à avoir brisé l’hégémonie du Ganghzou Evergrande. Wu Lei a fait toute sa carrière dans cette équipe repoussant régulièrement les courtisans européens jusqu’à très récemment. Lors de l’été 2018, il est annoncé très proche de Wolverhampton alors propriété du conglomérat Chinois Fosun mais Wu Lei refuse encore une fois de bouger.

« A mon âge, si je pars à l’étranger, je dois jouer, c’est très important ». Wu Lei après avoir été élu meilleur joueur de Chine

Actuellement Wu Lei est vraiment très proche de son meilleur niveau comme l’explique Sébastien spécialiste du football chinois pour Lucarne Opposée et WhoScored : « C’est LE meilleur joueur chinois à son poste. Il est très intelligent, il a du flair, prend bien les espace, il est rapide et bon finisseur, il a du potentiel. Dommage qu’il ait fallu attendre ses 27 ans pour le voir débarquer en Europe ». 27 ans, c’est un âge certes tardif pour quitter son cocon mais cela semble être le moment parfait pour Wu Lei, en progression constante depuis ses débuts.

« Toutes mes passes décisives ont été complétées par Wu Lei, Hulk et Elkeson. Tous les trois sont d’excellents joueurs offensifs. Wu Lei est rapide et intelligent. Il sait comment couper et courir. Dès que je prends le ballon, il peut déterminer immédiatement la direction de ma passe. Après avoir attrapé le ballon, il sait saisir l’opportunité de le transformer en tir et marquer » Oscar, coéquipier de Wu Lei au SIPG

Lui qui a connu les divisions inférieures chinoises a su grandir et prendre le meilleur des stars qui ont rejoint son club en CSL. Sébastien l’explique bien : « L’avantage c’est qu’il a tout le temps été entouré de joueurs de bon niveau dans son club avec notamment Oscar, Hulk, Elkeson et Akhmedov qui l’ont fait grandir et performer ». Les louanges d’Oscar vont en ce sens. Wu Lei atteint un niveau toujours plus satisfaisant chaque saison en apprenant des joueurs qui l’entourent. Lui explique son rendement par le niveau de ses coéquipiers : « Je sens que je supporte beaucoup moins de pression pendant les matchs parce que les défenseurs adverses ont tendance à se concentrer sur nos Brésiliens et qu’ils peuvent donc aussi créer des occasions pour moi ».

« Wu Lei est l’un des meilleurs attaquants de la Super League chinoise depuis des années » Sven Göran Eriksson, ancien entraîneur de Wu Lei

Son niveau en championnat a été confirmé pendant la Coupe d’Asie disputée en ce mois de janvier. La Chine n’a pas rayonné et Wu Lei a joué blessé, ce qui ne l’a pas empêché de réaliser un match monumental face aux Philippines notamment. Un doublé magnifique et un danger de tous les instants qui ont donné des sueurs froides à Sven Göran Eriksson qui a connu le Chinois lorsqu’il était entraîneur du SIPG : « Nous avons oublié Wu Lei deux fois. Si vous le faites, il vous punira et il l’a fait avec deux grands buts ». Une prestation qui a aussi impressionné Marcelo Lippi son sélectionneur : “Je ne sais pas s’il aura l’occasion de jouer en Europe cette année. La seule chose que je sais, c’est qu’il a réalisé un grand match aujourd’hui. Il a marqué deux buts et a eu l’occasion d’en marquer un troisième. Je suis très heureux de l’avoir ici dans l’équipe. Nous avons l’habitude de le voir marquer parce qu’il est toujours très bon dans ce domaine ».

Un transfert monumental qui interroge et une blessure qui inquiète

Néanmoins, ce transfert interroge beaucoup. L’Espanyol, qui par la voix de son directeur sportif Francisco Rufete, assure suivre depuis longtemps Wu Lei et la Chinese Super League, n’est théoriquement pas en capacité de réaliser un tel coup. Depuis l’arrivée du Rastar Group à la direction des Pericos, les Catalans n’ont rien investi ou presque et n’ont signé que des jeunes chinois. Avec ce transfert, l’Espanyol frappe un grand coup. Wu Lei c’est LA star locale, que ça soit en termes sportifs mais aussi (et surtout ?) marketing. Celui qui vient d’être élu meilleur joueur du championnat est une idole et semblait toujours plus proche de la Premier Legue, et les Pericos ont raflé la mise pour moins de 2 millions d’euros selon les premiers chiffres sortis dans la presse.

Sportivement, Wu Lei est tout simplement le meilleur buteur de l’histoire de CSL et de son club. Les chiffres donnent le tournis : 169 buts en 344 matchs avec le SIPG, près de 102 buts en CSL, un statut de meilleur buteur chinois sur les 6 dernières saisons et une présence lors des 5 dernières équipes de la saison. Wu Lei est un monument, un vrai. Son arrivée va drainer énormément de fans dans son sillage qui vont s’intéresser à l’actualité des Pericos. Depuis sa signature, la communication de l’Espanyol s’est aussi internationalisée. Sur Twitter, les posts qui concernent Wu Lei sont disponibles en trois langues : en espagnol, en anglais et en mandarin. Un poids médiatique tellement bien anticipé par le club catalan que l’Espanyol a déjà mis en avant le Chinois pour vendre des maillots.

« Venir en Europe a toujours été mon souhait et aujourd’hui, je pense être suffisamment mature pour relever ce défi. La Liga est l’un des meilleurs championnats au monde. L’Espanyol me suit depuis longtemps et m’a toujours montré beaucoup d’intérêt. Le pari que ce club fait pour moi est très important et aussi, je pense que je peux m’intégrer dans le style de cette équipe et m’adapter rapidement » Wu Lei lors de sa présentation

Sauf que cette attente importante suscite indubitablement de la pression autour du nouveau Perico. Wu Lei a tenu à rassurer tout le monde : « Peu importe où je joue, il y a toujours de la pression et c’est ce moteur qui me pousse à montrer à l’Europe que la Chine compte d’excellents joueurs ». Il est aussi conscient que son transfert interroge mais cette situation ne l’inquiète pas : « Cette réaction est compréhensible quand vous ne connaissez pas un joueur. C’est logique car peu de joueurs chinois ont montré quelque chose en Europe. Avec le temps, je veux montrer mon niveau dans cette équipe ».

Derrière ses discours rassurants se cache une incertitude de taille sur le physique de Wu Lei. Lui qui n’est pas le plus grand ni le plus costaud des ailiers prends des coups, beaucoup de coups. Lors du premier match de Coupe d’Asie avec la Chine face au Kirghizstan, il a pris le taquet de trop et a subi une lourde blessure. Selon certaines sources, il s’agit d’une grosse luxation de l’épaule avec rupture des ligaments. Des photos de ses radios sont mêmes parues dans la presse et elles font froid dans le dos.

Crédits : Vaaju

Malgré cette infirmité passagère, Wu Lei a joué 90 minutes face aux Philippines et la Thaïlande et 75 face à l’Iran. Traité  avec des analgésiques mais également avec des traitements au laser par ultrasons et en physiothérapie deux fois par jour, il parvient à s’entraîner mais doit consulter un spécialiste pour connaître la durée de son absence. Malgré ses jongles sur son épaule blessée lors de sa présentation sous le maillot Pericos, Wu Lei pourrait être absent 3 mois, ce qui retarderait énormément ses débuts mais faciliterait son adaptation à Barcelone. Une attente qui bloque l’avenir de Leo Baptistão qui a depuis la signature officielle du chinois à l’Espanyol des touches… en Chine.

« La signature de Wu Lei par Espanyol confirme l’engagement du président Chen Yansheng et du groupe Rastar dans le projet qu’il dirige depuis plus de trois ans » Extrait du communiqué de l’Espanyol

L’arrivée de Wu Lei est un choix fort du propriétaire de l’Espanyol mais met aussi une pression plus forte sur la fédération chinoise qui doit faire face à une gronde au pays après l’échec de la sélection lors de la Coupe d’Asie. Depuis quelques années, énormément de jeunes Chinois ont été poussés à se frotter au football européen et tous ou presque se sont cassés les dents ou sont en situation d’échec actuellement. Cependant, il est vrai que Wu Lei est un top joueur qui semble avoir le niveau pour être un titulaire régulier dans l’un des plus grands championnats européens. La raison est simple : ce n’est pas un jeune joueur plein de promesse qui rejoint l’Europe : c’est un garçon accompli et sûr de son football qui part en conquête. Accueilli par Raúl Tamudo qui lui a fait visiter les infrastructures des Pericos, Wu Lei arrive plein d’ambition et ne se cache pas : « La première expression que j’ai apprise en espagnol ? Marquer un but ».

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

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