L’arrivée d’Álvaro Morata à l’Atlético constitue la plus grosse arrivée du mercato hivernal en Liga. La rédaction propose trois avis sur ce transfert, consistant en un prêt de 18 mois, sans obligation d’achat.
« Un choix de circonstance plutôt que de conviction » Pablo Sánchez (@pablosanch19)
« Moins de Morata et plus de Borja Garcés« . Le Frente Atlético se montre intraitable : on ne veut pas qu’un ex-madridista porte le maillot rouge et blanc. Le groupe ultra prêche une sorte de pureté rojiblanca qui dépasse les éventuels besoins sportifs de l’équipe mis en avant par ceux qui soutiennent l’arrivée de Morata. En revenant en Espagne, le buteur se retrouve face à un double défi. D’un côté, celui de conquérir le public colchonero et de surmonter la méfiance que provoque son passé merengue. De l’autre, celui de conquérir le public espagnol, toujours en attente d’un numéro 9 qui fasse l’unanimité pour la Roja. Cependant, l’arrivée de Morata s’explique plutôt par la nécessité de renforcer une position et prévenir les blessures régulières que par son jeu. Un choix de circonstances plutôt que de conviction à mon goût.
Théoriquement, Álvaro Morata pourrait correspondre au plan de Simeone : en plus de marquer, il est mobile, travaille pour l’équipe et crée des espaces. Dans la pratique, l’association avec Griezmann semble être la seule envisageable, ce qui ne fera qu’une place pour Morata et Diego Costa au retour de blessure de ce dernier. Aligner Costa et Morata en même temps serait synonyme de condamner la créativité. Morata ne répond pas à des besoins tactiques, il n’apporte rien de radicalement nouveau et ne comble pas un vide dans le jeu de l’Atlético, si ce n’est avoir une doublure de qualité. Quant à son passé madridista, s’il se surpasse pour l’écusson, celui-ci ne deviendra qu’une tache insignifiante. Ce ne serait pas le premier ni le dernier à jouer sous les couleurs des deux grands de Madrid. C’est au buteur de faire ses preuves et de réunir une afición divisée par son arrivée.
« Quatre mois ou pour la vie » Elias Baillif (Elias_B09)
Un an de football raté à Chelsea et Morata se retrouve dans un club plus coté que celui de Stamford Bridge. L’union Morata-Alético ressemble à un mariage arrangé, digne du moyen-âge, où l’une des deux parties réussit à prendre l’ascenseur social. Alors, la dot doit obligatoirement satisfaire la famille la plus bourgeoise : d’où ce prêt, avec la possibilité de se séparer du joueur à tout moment. Pour se prévenir des envies de séparation, il va falloir trouver une manière rapide et durable de cohabiter. Si l’attaquant espagnol rate son retour en Liga, les conséquences sur sa carrière seront néfastes. En plus du danger symbolique de devenir un joueur rejeté par le public du Bernabéu et celui du Wanda, s’ajoute la menace plus tangible d’épuiser son crédit auprès des gros clubs européens. Morata dispose de quatre mois pour sauver sa carrière dans l’élite du continent. Quatre… ou plutôt un. Car si l’Atlético est éliminé par la Juventus en huitièmes de finale de la LDC, l’utilité du nouveau transfuge s’amoindrira. L’actualité le montre, les Colchoneros n’ont pas besoin de Morata pour finir deuxièmes de Liga. Le cas échéant, la fin de saison pourrait être très longue.
Tactiquement, l’arrivée de l’Espagnol ne constitue pas un chamboulement. Il sera utile pour fixer les centraux et créer de l’espace pour l’expression de Griezmann. Sur ce point, il fera comme Kalinic ou Costa. Dans le jeu collectif avec ballon, il n’a ni l’utilité de Benzema, de Dzeko, ou même de Giroud, avec lequel Eden Hazard préférait jouer à Chelsea. Qu’importe, l’Atlético est en train de trouver d’autres mécanismes pour palier le manque de créativité de ses avant-centres. La valeur-ajoutée du nouvel arrivant se situe finalement dans sa capacité à marquer des buts (et de pourquoi pas être un élément intéressant en transition offensive). Morata a beaucoup de lacunes, mais il suffit d’un but pour qu’il lance une série de réalisations. La série dure un temps, avant de s’éteindre, non sans avoir été décisive. Un peu comme le Fernando Torres en deuxième partie de carriére. Reste à trouver la confiance nécessaire à cela…
Sous Simeone, il est rare que les nouveaux joueurs réussissent. La liste des échecs est interminable, surtout pour les éléments offensifs. L’amour contraint entre l’Atlético et Morata a des chances de mal tourner. Au sujet de ce ce ménage, il faudra alors prétendre que « rien de tout ça n’est jamais arrivé« . À moins que les deux ne deviennent un couple durable, uni, après avoir surpassé les difficultés initiales. Quatre mois ou pour la vie, telle est l’alternative.
« Soulever la Ligue des Champions au Wanda ou les abysses » Benjamin Bruchet @BenjaminB_13
Depuis que l’UEFA a choisi comme le Wanda Metropolitano comme stade hôte de la finale de LDC, tout le board de l’Atlético met sur pied une stratégie pour que les Colchoneros soulèvent le trophée. Ce prêt de Morata, assez onéreux, est dans la logique de la prolongation monumentale de Grizi ou encore du refus du gros chèque pour Lucas. Le projet est simple : garder l’effectif jusqu’à juin, quitte à se mettre en danger financièrement et risquer une dette insoutenable si l’Atleti est éliminé en court de route.
Sportivement, Morata ressemble au seul garçon qui connaît le haut niveau, disposé à être signé sans saigner encore trop la bourse des Indios. Dans le jeu, il peut permettre de faire ce que fait Diego Costa, de façon simple : créer des espaces pour que Griezmann puisse faire parler sa magie. Bien sûr l’Espagnol est loin du style tout en violence et en caractère de Costa. Morata est plus doux, élégant avec un ballon et capable d’exister loin des bois autrement que par le jeu pivot. Sauf que ces souvenirs d’un Morata intéressant sont anciens. Depuis ces temps presque immémoriaux, l’ex du Real est au fond du trou. Une situation d’échec qui interroge sur la réussite de ce transfert.
Personne ne peut nier que ce prêt est une solution à court terme, sauf que Morata est loin de son meilleur niveau, et que la préparation choliste très dur à supporter pour les nouveaux arrivants. Comment Morata qui est en crise de confiance va vivre le fait d’être sur le banc les premiers matchs et d’avoir le public contre lui ? Les défis de l’Atleti et de Morata s’entrechoquent, vont-ils s’aider mutuellement ou au contraire, se tirer ensemble vers les abysses ?