Annoncé comme le successeur de Mijatovic, le Serbe devait être la prochaine superstar du football à la fin du XXe siècle. Au lieu de ça, il est devenu l’un des pires transferts de l’histoire du Real Madrid. Après cet échec il n’a jamais confirmé son talent et a vagabondé entre l’Europe et l’Asie de clubs en clubs.
Il y a 20 ans les Merengues annonçaient le transfert d’un jeune serbe encore inconnu du grand public. En 1999 l’attente devait être énorme parmi les supporters madrilènes. Lorsque votre équipe recrute un joueur surnommé « l’atome » en raison de sa taille (1m71) et de sa grande vitesse, petits et grands devaient être fascinés. Avec un nom pareil, digne d’un superhéros, on se dit qu’on a affaire à la prochaine superstar du football. On s’imagine volontiers un joueur percutant, dribbleur, qui se débarrasse de ses adversaires à une vitesse folle. Quelle ne fut pas leur déception quand ils virent que ce qu’on leur avait annoncé comme un futur prodige allait être l’un des plus gros fiascos de l’histoire du Real.
Perica Ognjenovic (24.02.1977 né en ex-Yougoslavie plus précisément à Smederevska Palanka dans l’actuelle Serbie) commence le football avec l’équipe de sa ville natale, la modeste Mladost Goša avec laquelle il évolue dans toutes les catégories. Précoce, il monte en équipe première juste après son seizième anniversaire lors de la saison 1992-93. À ce moment-là, le FK Mladost évoluait en Srpska liga (3e division serbe) et il est vite devenu évident au vu son talent qu’Ognjenovic devait évoluer à un meilleur niveau. Il tape dans l’œil de l’Etoile Rouge de Belgrade et il est transféré à l’âge de 17 ans, lors de l’été 1994. Il y reste 5 ans pour 24 buts en 89 matches. Sa vivacité impressionne, il aime prendre les couloirs et il est même comparé à Overmars. Il y gagne 1 titre de champion (1995) et fait le triplé 95,96,97 en Coupe. A 22 ans Ognjenovic promet beaucoup. Très rapide et technique, il est rapidement apparu comme une star potentielle. Issu de l’école balkanique, certains voyaient en lui une nouvelle version de Boban, Mijatovic ou Savicevic. Il est adoubé par Miljan Miljanic (qui l’a découvert) qui dit de lui qu’il est « spectaculaire et talentueux ». Autre argument en sa faveur, il a fait partie de l’équipe de Yougoslavie lors de la Coupe du Monde 1998 malgré son jeune âge.
« Il est le Bebeto yougoslave » proclamaient les experts.
Trois match en six mois
Avec ce beau curriculum, Lorenzo Sanz, président du Real à l’époque et à l’apogée de son mandat, décide de s’offrir les services de Perica. Il est persuadé d’avoir déniché la future grande star du football et l’héritier de Mijatovic. Peu lui importe que le nombre de places de joueurs extra-communautaires soient toutes prises ou que Guus Hiddink ne veuille pas du joueur. Il signe le 14 janvier 1999 pour des sommes records pour l’époque : 400 millions de pesetas de transfert (environ 3 millions d’euros) et 125 millions de pesetas de salaire (environ 850’000 euros) pour un contrat jusqu’à juin 2004. Des chiffres ahurissants pour un joueur de 22 ans. Une blessure aux vertèbres lors de son troisième entraînement l’écarte des terrains pendant trois mois. Au mois de février Hiddink saute et c’est Toschak qui le remplace. Il est convoqué avec l’équipe pour la première fois le 7 mai 1999. Il fait ses débuts le 7 juin 1999 lors du match aller face à Valence en Coupe du Roi. Un début plutôt amer puisque le Real perd 6-0. Au match retour il joue ses premières minutes au Bernabéu. Il débute également en Liga lors du dernier match de la saison face au Deportivo où il joue… une minute. Trois matchs en six mois c’est peu. Sa première saison ou plutôt ses premiers six mois sont un présage du calvaire qui l’attend au Real.

Lors de l’été 1999 Toshack est remercié et c’est Vicente Del Bosque qui reprend la tête du Real. En cette deuxième saison, Ognjenovic est en pleine possession de ses moyens et a l’envie de gagner sa place de titulaire. Mais les arrivées de McManaman et Balic le relèguent encore une fois au second plan. S’il pensait pouvoir convaincre Del Bosque de jouer, les changements d’entraîneurs ne modifient pas le panorama du Serbe. Il ne joue que onze matchs de championnat cette saison-là dont trois comme titulaire. Entre des blessures récurrentes et des choix tactiques, il n’existe aucune trace du prodige que le Real est censé avoir signé.
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Perica joue surtout la Coupe du Roi, compétition lors de laquelle le Real fait tourner l’effectif. En février, lors du retour de seizième de finale face à Saragosse, Ognjenovic va ouvrir le score sur une passe de Morientes. Un but qu’il célèbre avec effusion car c’est une libération pour lui après tant de difficultés. Ce sera là son seul et unique but sous les couleurs merengues. Suite à cela, il joue encore quelques matchs puis disparaît des convocations. Perica réapparaît deux mois après lors des quarts de finale de Ligue des champions face à Manchester. Il ne joue que trois matchs dans cette fin de saison et toujours en tant que remplaçant. Il est tout de même champion d’Europe avec le Real qui remporte la C1 face à Valence cette même année. Ce sera là les meilleures moments d’Ognjenovic sous le maillot blanc.
Pas de licence et une menace de procès
Lors de la saison 2000-2001, il passe sa troisième année sans jouer. La fédération espagnole oblige les clubs à inscrire 25 joueurs pour la saison. Ni plus ni moins. Cet été là le club recrute Figo, Solari et Makélélé et souhaite logiquement les inscrire. Pour ce faire les Merengues souhaitent prêter le Serbe qui n’a plus sa place dans l’équipe et l’invitent à trouver un autre club. Mais Perica se refuse à être prêté alors que le Real a déjà les 25 places prises. Le club ne l’inscrit pas et Ognjenovic se retrouve sans licence et ne peut donc pas jouer. Les dirigeants avertissent d’ores et déjà le joueur qu’il en sera de même pour la saison 2001-2002.
S’engage alors une bataille judiciaire entre l’agent d’Ognjenovic et le club. Puisque le Real a décidé de ne pas l’inscrire pour le championnat, le joueur estime qu’il est lésé dans son droit de jouer et demande que son contrat soit rompu. Selon un avocat espagnol, les clubs ont l’obligation d’inscrire tous leurs joueurs. Si cette norme n’est pas respectée cela porte atteinte aux droits du travailleur. Le joueur dénonce sa situation à la Fédération Espagnole et menace d’intenter un procès à la Maison Blanche. Pendant ce temps, Perica s’entraîne en marge de ses coéquipiers avec un entraîneur personnel. L’agent du Serbe négocie donc le départ de son protégé et trouve un accord avec le club contre le versement de plusieurs mois de salaire. Perica est finalement libéré de son contrat avec le Real en août 2001 après avoir passé un an sans jouer.
L’un des pires transferts de l’histoire du Real
Ognjenovic est donc parti deux ans et demi après son arrivée par la petite porte en ayant joué 22 matchs pour un petit but et 3 passes décisives. Transfert pharaonique à l’époque, il a été non seulement un échec commercial mais surtout sportif. De futur crack il est devenu au final un joueur sur lequel ni Hiddink ni Toshack ni Del Bosque n’ont compté. Entre les blessures et la concurrence, le Real Madrid était une marche beaucoup trop haute pour lui et son jeune âge. Comme beaucoup d’autres avant et après lui, il a cédé aux chants des sirènes alors qu’il n’était pas prêt pour un club de l’exigence du Real. Si peu de gens se souviennent encore de lui, il est encore aujourd’hui l’un des pires transferts jamais réalisés par les Madrilènes.
De galères en galères
Son étape chez les merengue terminée, Perica veut aller de l’avant. Plus facile à dire qu’à faire. Il passe les six mois suivant sans équipe et s’entraîne seul avec un coach privé. Le 17 janvier 2002, Kaiserslautern frappe à sa porte et l’enrôle dans ses rangs sous forme de prêt. Mais le garçon est malchanceux et lors du premier match il se casse l’os du pied et doit arrêter deux mois. L’équipe finit septième du championnat et se qualifie pour la coupe Intertoto mais Perica, harcelé par les blessures, ne joue que 3 matchs en six mois. Pas satisfait par l’ancien de l’Etoile Rouge, le club allemand le laisse libre. Il est alors approché par Naples mais il échoue lors de la visite médicale. Dans le courant de l’été 2002 il passe des tests pour intégrer l’Ajax Amsterdam entraîné alors par Ronald Koeman. Là encore, il ne convainc pas le coach batave et se retrouve sans club. Après cette nouvelle déception, il reste à nouveau six mois sans club et se désespère. Non seulement il souhaite jouer mais il souhaite également gagner sa vie. Il est difficile de vivre sans argent.

En janvier 2003 Ognjenović décide de partir en Chine, alors en pleine expansion, pour se relancer. Il signe pour six mois au Dalian Shide où il retrouve Milorad Kosanovic, qui était son entraîneur à l’Étoile rouge de Belgrade. Si le choix de Perica interroge au fond il est compréhensible. Devant ses difficultés il part retrouver un mentor, quelqu’un qui le connaît et qui est capable de lui redonner confiance dans son football. S’il pense avoir trouvé un endroit pour s’épanouir, Perica ne joue pas beaucoup plus en Chine malgré un accueil de star. 2 matchs en six mois c’est le faible bagage enregistré pour l’ex-petit prodige serbe. Une fois encore il est poursuivi par des pépins physique dont une grave pneumonie qui l’empêche d’avoir de la continuité. Lorsque son contrat arrive à son terme il n’est pas renouvelé et une fois n’est pas coutume Perica se retrouve sans club.
Le Dynamo un nouvel espoir
Déçu de son aventure chinoise, Perica se décide à retourner en Europe mais ne trouve pas de club disposé à l’accueillir. En novembre 2003 il signe un contrat de 4 ans en Ukraine avec le Dynamo Kiev. A 26 ans il pense avoir trouvé à Kiev un environnement parfait pour retrouver de la continuité et laisser derrière lui tous ses problèmes physiques. Il voit ça comme un nouveau départ et se montre ambitieux en déclarant vouloir récupérer sa place en équipe nationale. Lors de la saison 2003-2004 il joue 21 matchs toutes compétitions confondues et marque 7 buts en 18 matchs de championnat. Un bilan correct pour un joueur à la dérive, mais malgré tout il n’a pas la continuité désirée. Au passage il gagne un championnat et une coupe ukrainienne. Après ces premiers 6 mois encourageants, on se dit que le bonhomme est à nouveau en selle et qu’il va retrouver une régularité.
Cependant, une fois encore tout part de travers. Si au début de la saison 2004-2005 il fait partie de l’équipe première, progressivement Ognjenovic se retrouve à jouer avec l’équipe B du Dynamo. De fait, il joue plus de matchs avec l’équipe réserve qu’avec les A. En comparaison, il joue 3 matchs de championnat et un match de coupe avec l’équipe fanion (2 buts et 1 buts respectivement marqués) pour 9 matchs avec la B (4 buts marqués). Ognjenovic est une nouvelle fois mis à l’écart alors qu’il pensait voir la lumière au bout du tunnel. La situation devient insoutenable pour lui. Au final son passage en Ukraine est un demi échec car au-delà de sa mise à l’écart il marque tout de même 14 buts en 34 matchs ce qui n’est pas négligeable quand on sait d’ou il vient.
Les voyages c’est la santé (ou pas)
En janvier 2005 il plie à nouveau bagage et se rend cette fois en France au SCO d’Angers en deuxième division. A peine arrivé, sa malédiction avec les blessures continue. Touché à une cuisse il est déjà indisponible pendant un mois. Une fois encore c’est le néant. En un an et demi il joue en tout et pour tout 7 matchs avec les Angevins et n’inscrit aucun but. Peu importe le pays, le club, ou l’environnement, Perica n’y arrive tout simplement pas. Il n’a pas fait de saison pleine depuis la saison 1996-1997. Pratiquement dix ans. Une éternité.

En mai 2006 il s’en retourne en Asie, non pas en Chine mais en Malaisie cette fois. A une époque l’un des meilleurs espoirs européens, Ognjenovic se retrouve à vingt-neuf ans à signer pour six mois au Persatuan Bolasepak Selangor, néo-promu et dernier du championnat. En Malaisie, il est accueilli comme une grande star et les supporters espèrent qu’il pourra aider l’équipe à se maintenir. Selangor finit dernier du championnat et doit donc jouer sa survie dans des play-offs à match aller-retour. Ils tombent sur Johor FC une équipe de D2 qui aspire à monter. Ognjenovic et ses coéquipiers remportent les deux matchs et se maintiennent en première division. Si son passage ne dure pas plus de six mois, nul doute que Les supporters de Selangor se souviennent de lui pour avoir aidé à sauver l’équipe de la relégation.
Cette même année il signe en décembre a l’Ergotlis Héraklion Grec pour un an et demi. La première année l’équipe finit à la 8ème place mais la saison suivante elle se sauve de justesse de la relégation. Il joue en tout et pour tout 26 match et inscrit 3 buts. S’il n’est pas titulaire indiscutable il a tout de même la continuité qui lui a tant fait défaut dans sa carrière. De ses propres mots : « Ce fut les meilleurs moments de ma carrière en dehors de l’Etoile Rouge ». Il signe ensuite en 2008 au GS Kallithea toujours en Grèce mais en deuxième division. Il joue 9 match pour un but marqué.
Retraite en Serbie
En 2009, à 32 ans et usé par les blessures il rentre au pays et signe au FK Jagodina, un club modeste qui lutte pour ne pas descendre. De manière surprenante Ognjenovic joue deux ans complets presque sans blessures. Après avoir marqué 3 buts en 45 match il raccroche les crampons en 2011. Suite à sa retraite il se tourne vers le métier d’entraîneur. Il est devenu le coach des moins de 17 ans et moins de 18 ans serbes avant d’être licencié l’été dernier.

Malgré une carrière marquée par des déceptions et par des attentes jamais atteintes, Perica n’a pas à rougir de son palmarès. Un championnat et trois coupe serbes; une Liga et une Supercoupe d’Espagne; un championnat, une coupe et une Supercoupe Ukrainienne et surtout une Ligue des Champions. Si son talent le prédestinait à entrer dans l’histoire du football, il n’y est pas pour les bonnes raisons.
Miguel Hernandez
@Mig19Hernandez