Segunda – CF Reus : Mort annoncée lundi 10 décembre 2018 à 23h59 ?

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Pensionnaire de Segunda, le CF Reus est au bord de la disparition. Les joueurs du club catalan présidé par un ancien dirigeant du Barça ne sont plus payés depuis près de 3 mois et le 10 décembre à 23h59, si aucune solution n’est trouvée, l’essentiel de l’effectif sera libéré contractuellement. Peu encline à terminer la saison à 21 clubs, La Liga envisage toutes les possibilités, même les plus improbables.

Le CF Reus est 20e sur 22 de Segunda, à 3 points d’Elche premier non relégable, avant un déplacement très compliqué ce weekend à Alcorcón actuel leader de la categoría de plata espagnole. Le club catalan est mal engagé dans sa saison mais la situation sportive est assurément le cadet des soucis des dirigeants et des joueurs. En effet, depuis 3 mois, l’effectif n’est plus payé et un repreneur est activement recherché. Le temps presse : le 10 décembre prochain à 23h59, le CF Reus serait en état de mort clinique.

5 millions à trouver

Le football espagnol, ce n’est pas uniquement le slogan « la mejor Liga del mundo ». C’est aussi un écosystème instable et des difficultés qui touchent des clubs professionnels. C’est le cas du CF Reus. Le club catalan est au bord du précipice. Les joueurs n’ont pas été payés depuis le 10 septembre. La limite est fixée à 3 mois. Si lundi les salaires ne sont pas versés, 12 membres de l’effectif sur 16 pourront demander d’être libérés de leurs contrats. Autrement dit, les Ganxets, qui ont fêté leur 109e anniversaire le 23 novembre dernier, seraient voués à une rétrogradation, voire à une disparition. Même en Segunda, pas facile de se faire une place face au rink hockey, le sport majeur de la ville, et de remplir les 5.000 places du Camp Nou Municipal… Le stade avait d’ailleurs constitué une pomme de discorde entre le club et la mairie et, en février dernier, le président et actionnaire majoritaire Joan Oliver i Fontanet avait menacé de quitter Reus pour une autre ville du comarque de Baix Camp.

A priori, les demandes de rescision devraient être simples à réaliser. Or, il y a une subtilité bureaucratique locale : à partir du moment où un joueur demande à partir, le club a entre 7 et 10 jours pour lui verser les salaires en retard. Et s’il perçoit un mois d’arriérés, il reste sous contrat deux mois supplémentaires, au point que certains préféreraient ne pas être payés pour mieux décamper. En ajoutant les autres employés, la dette s’élève à 5 millions d’euro alors que le budget de la saison est de 8 millions. Pour survivre, Reus a besoin de 3 M€ immédiatement et 2 au plus tard au terme de la saison, en juin prochain.

Non, le football professionnel n’est pas -toujours- du bling-bling, du star system et des salaires mensuels à 5 ou 6 zéros. C’est aussi la précarité. Après l’entraînement de mardi, une délégation de l’AFE (le syndicat des joueurs espagnols, ndlr) composée du vice-président Jesús Barbadilla, du secrétaire général Diego Rivas et l’avocat Gonzalo de Medinilla, s’est réunie avec l’équipe de Xavi Bartolo. « Ce fut une réunion désagréable, a concédé Jesús Barbadilla. Les joueurs vivent une situation qui ne devrait pas se produire. Ils ne sont pas seuls. C’est difficile car ils ne savent pas ce qui va arriver au club, mais nous essayons de leur transmettre du calme. Nous nous battrons avec La Liga car les principales victimes, ce sont les joueurs. Nous ferons en sorte que leurs droits ne sont pas touchés ». D’ores et déjà, les joueurs ont fait appel au fonds d’urgence de la AFE pour couvrir les frais quotidiens.

Oliver atone

La situation du CF Reus est connue depuis l’été dernier. Le 1er septembre, 4 joueurs recrutés pendant le mercato ne peuvent être inscrits dans l’effectif professionnel : Karim Yoda, Vitor, Tito et Isaac Cuenca. Ironie de l’histoire, le président Ganxet est un ancien journaliste spécialisé… en économie ! Joan Oliver a travaillé pour la radio RAC 1, dirigé la puissante chaîne catalane TV3 entre 2002 et 2004, fait partie d’un think tank libéral et travaillé aux Etats-Unis pour le FC Barcelona avant d’en devenir directeur général entre 2008 et 2010. Devenu actionnaire majoritaire du club en 2013, c’est sous sa présidence que les Catalans sont montés en Segunda avant de s’y maintenir pendant 2 saisons.

Les rumeurs vont bon train concernant le futur de l’institution. Fin novembre, le Diari de Tarragona affirmait qu’un groupe d’investisseurs « d’origine arabe » s’était renseigné pour racheter l’entité. Joan Oliver aurait refusé la proposition amenée sur la table par un certain Jorge Mendes, rencontré via Deco et Rafa Márquez.

Comment trouver une solution viable et où ? Pourquoi pas en Chine ? Joies du business moderne, Joan Oliver dispose, avec Rafa Yuste, Xavi Sala i Martín et Joan Laporta (tous anciens dirigeants du Barça, ndlr) de parts dans le capital au Beijing Institute Technology FC, une équipe de 3e division achetée en 2017 pour mettre un pied dans l’Empire du milieu déjà fortement lié au fútbol español. A l’époque, le président Ganxet clamait ses ambitions : « je rêve de voir des joueurs chinois formés au BIT porter les couleurs de Reus , mais ce n’est pas facile. Aujourd’hui, la distance entre le football de la Liga et le football chinois est très grande ». Les nouveaux investisseurs catalans avaient dépêché un staff constitué d’anciens du CFR. Ces liens avec la Chine faciliteront l’arrivée d’un sauveur ? A priori c’est mal barré, de l’aveu même d’Oliver dans Marca : « nous comptions sur quelques sources d’investissement chinoises qui ne sont pas arrivées. En Chine, ils ne stimulent pas les investissements dans le football étranger. A présent, nous cherchons des investisseurs ».

Joan Oliver

Foot à 7 ?

Potentiellement, le 11 décembre, l’effectif de Reus pourrait ne comporter plus que 4 joueurs professionnels. Le club catalan risque une rétrogradation administrative en Tercera (4e division, ndlr) avec les créanciers, les employés et le fisc sur le dos. La Liga ne souhaite pas arriver à cette extrémité et se retrouver avec une Segunda bancale à 21 clubs. Une « solution » pourrait être de conserver seulement 7 joueurs, soit le minimum requis pour débuter un match, dans la mesure où aucun joueur de la B ne peut monter et remplacer les potentiels futurs ex-joueurs. Cette éventualité serait certainement la pire possible, c’est-à-dire proposer des rencontres fantoches et humiliantes, tout ça pour ne pas avoir d’exempt à chaque journée.

Joan Oliver n’en démord pas, La Liga a sa responsabilité dans la situation de son club : « ses impositions ont dépassé les bornes lors des derniers joueurs d’août. Une chose est de dire ce que nous pouvons dépenser, nous dire sur qui dépenser en est une autre. Car sur les 18 joueurs que je pouvais inscrire (il a fait le choix d’en inscrire 16 pour la même somme imposée par les limites salariales, ndlr), je ne pouvais avoir aucun attaquant ! Personne à La Liga ne s’est intéressé à ce petit détail. Moi, en plus d’entrer dans les clous, j’avais la responsabilité de bâtir une équipe compétitive. Sans attaquant, il n’y avait pas d’option ». En attendant un miracle, les joueurs et le staff restent professionnels et s’entraînent à peu près normalement, avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Les espoirs s’amenuisent d’heure en heure et le compte à rebours risque de ne pas s’achever en happy end.

François Miguel Boudet

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