Sergije Kresic est un Croate naturalisé Espagnol. Il a connu une carrière de joueur étonnante et une carrière d’entraîneur encore plus folle. Entre les balbutiements du football chez l’Oncle Sam, Burgos, le Marbella de Jesus Gil et l’Europe avec Valladolid, portrait d’un grand monsieur du football hispanique retombé dans un certain anonymat.
Quand on évoque les Croates passés par la Liga, le nom de Luka Modric arrive en premier suivi pour les plus anciens de Robert Prosiniecki et Davor Suker. Pourtant, pendant près de 40 ans, c’est un Croate aujourd’hui méconnu qui a rendu l’Espagne toute chose. Cet homme n’est autre que Sergije Kresic, devenu « Sergio » à force de voir la moustache de l’entraîneur les bancs de la péninsule. Retour sur son parcours particulier en tant que joueur mais surtout sur la trace qu’il a laissé en Espagne en tant que Míster de clubs comme Marbella, Las Palmas, Valladolid ou encore Mérida.
Près de 12 clubs espagnols gérés en plus de 20 ans
Sergije Kresic a vu le jour à Split, à l’époque en Yougoslavie. Au pays, c’est un inconnu ou presque. Pas d’exploit avec le club local et un départ très jeune pour se faire un nom ailleurs. Son histoire en tant que joueur est sinueuse. Il a connu le football aux Etats-Unis, la Belgique et l’Espagne avec un peu de sa contrée natale au milieu de tout ça. Sa trace en tant que joueur est très faible dans les différents clubs où il a été embauché. Cependant, lui se compare ouvertement à Sergio Busquets quand on lui demande de définir son style crampons aux pieds. Il prend son premier contre-pied à 20 ans, en signant pour une ligue américaine qui s’effondrera vite. Il raccroche à 32 ans et quelques années plus tard il enfile le costume d’entraîneur. Dans ce nouveau rôle, l’histoire de Kresic sera totalement différente.

Les débuts sont pourtant identiques. Il est lancé avec l’Hajduk Split mais quitte rapidement sa ville natale pour s’épanouir ailleurs. Kresic a été aussi un formateur au pays. Son tableau de chasse est conséquent en Croatie avec notamment la découverte du soyeux Alen Boksic. Il pose ensuite ses valises à Burgos, dans le club qui a remplacé la formation dans laquelle Sergio a joué durant 3 ans. En tant que joueur, il a été le coéquipier de la légende Juanito et a été entraîné par Marcel Domingo. Ses débuts en tant que Míster sont intéressants et il maintient la formation en Segunda. Cependant, Kresic quitte le club en cours de saison. Sa prochaine destination fait basculer le Croate dans un nouvel univers.
L’explosion dans le Marbella de Jesús Gil
Auparavant dans un calme relatif pour travailler, Kresic entre dans le tourbillon du Marbella de Jesús Gil en 1989 et jusqu’en 1993. Celui qui est connu du grand public comme étant le président emblématique de l’Atlético a été durant longtemps maire de Marbella et propriétaire du club local. Dans la ville connue pour sa jet-set, il a cédé chaque parcelle de terrain disponible aux promoteurs et enchaîné les procès. Au milieu de celle folie et des investissements démesurés, Sergio va réussir un miracle avec l’Atlético Marbella .
Il est nommé en cours de saison alors que la formation andalouse est dans la zone rouge en D3. Bien qu’il ait permis à l’Atlético Marbella de sortir la tête de l’eau, l’équipe est tout de même reléguée en D4 en fin de saison. Avec les efforts financiers de son président omnipotent, Kresic reste à la tête de l’équipe et l’ossature de Mabella est préservée. L’histoire devient alors totalement folle. L’équipe insulaire conserve sa forme de fin de saison et roule littéralement sur la Tercera. Après avoir empilé les records elle s’adjuge alors la remontée en D3. L’histoire ne s’arrête pas là. La saison suivante Marbella semble encore plus fort et roule sur la Segunda B. Nouvelle montée mais cette fois c’est historique. Jamais le club n’a atteint ce niveau et pourtant c’est bien réel : Marbella découvre la D2. Kresic devient une légende vivante et est encore maintenant sollicité pour des interviews de medias locaux alors que le milieu de formation vit actuellement en Croatie et a quitté le sud du pays depuis 20 ans.

Kresic n’a jamais atteint une telle cote de popularité et vient de réaliser un exploit incroyable. En Segunda, il est même de nouveau dans la course pour la montée en Liga. Pourtant, Jesús Gil le licencie une première fois… pour ensuite le rappeler quelques mois après et le licencier une nouvelle fois. La belle histoire avec Marbella prend fin mais l’histoire de Sergio avec l’Espagne est loin d’être terminée.
Légende des clubs modestes
Après son exploit avec Marbella, Kresic s’assoit sur le banc du Betis en 1993. Dans ce très grand club espagnol, cela ne fonctionne pas et il est demis de ses fonctions très rapidement sans finir la saison malgré des résultats intéressants. Le Croate ne s’avoue pas vaincu et est nommé presque dans la foulée à Mérida un club modeste d’Estrémadure.
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Mérida est en D2 depuis 3 ans lorsque Sergio prend les rênes de la formation. C’est la première fois que le club atteint ce niveau et le maintien semble être le seul objectif viable. Pourtant la magie de Kresic va opérer une nouvelle fois. Avec ses fidèles adjoints, il fait sensation et remporte la Segunda assez largement. Le Croate vient d’écrire une nouvelle histoire du football espagnol et devient une légende d’un deuxième club espagnol. Cependant, en Liga les résultats sont conformes aux attentes. Le club est relégué à la différence de buts d’un championnat à 22 équipes. De retour en Segunda, Kresic reste aux commandes du club d’Estrémadure. Merida réussit à faire l’ascenseur et remporte la D2 mais Sergio est viré entre temps.
C’est une constante qui était déjà vraie lorsqu’il était joueur : Kresic a un mal fou à se stabiliser longtemps dans une équipe. Il ne reste jamais plus de 3 ans au même endroit et Sergio ne signe jamais plus d’un an : il veut être libre. Pourtant, le Croate est fidèle et ne change jamais d’adjoint ni de préparateur physique. Quelques mois après son départ de Mérida en 1997, il retrouve un poste à Valladolid alors en Liga. Il maintient assez facilement le club de Pucela dans une période compliquée pour les violets. Cependant, le plus important est ailleurs : Sergio va découvrir l’Europe. L’histoire s’arrête cependant rapidement après une défaite face au Spartak Moscou.
Las Palmas, le dernier exploit de Kresic
Après avoir été démis de ses fonctions à Valladolid, il rebondit à Las Palmas, un club assez réputé en Espagne, où il va remporter son dernier trophée : une Segunda en 2000. Il restera coach des Pio-Pio la saison suivante en Liga et maintiendra le club. C’est la dernière véritable période de gloire de Kresic. Ses futures missions ne seront plus du tout couronné de succès.
« Lorsque nous avons été promus à Las Palmas, ils m’ont donné un morceau de gazon et une partie du filet de l’un des buts » Sergio Kresic
Kresic est devenu l’entraîneur qui fait monter les clubs en Liga mais pas celui qui les stabilise tout en haut. Il sera nommé à Mallorca, à Huelva, sera de retour à Las Palmas et Valladolid, découvrira Murcia ou encore Numancia mais jamais plus d’une saison. Souvent même il ne réalise pas des exercices entiers. Sergio est soit nommé en cours de saison et pas reconduit à la fin soit licencié en cours de route lorsqu’il débute un mandat. Les prestations salariales du Croate sont hautes. Il impose à chaque fois de venir avec ses hommes et sa méthode vieillit mal. Entre temps il tente même un retour à l’Hajduk mais cela ne durera que quelques mois. Il l’avoue lui même : sa méthode ne passe plus et les joueurs ont trop changé.
« Nous avons réussi à gagner mais il est vrai que je ne suis pas fier de ce que j’ai fait lors de ce match. En voyant comment j’ai joué face à Barcelone, j’ai fait des choses qui n’étaient pas très sportives. C’était la fin du mois d’août et pendant une semaine, nous n’avons pas arrosé le terrain et au cours des cinq derniers jours, nous n’avons pas coupé l’herbe. Tout cela pour une raison simple: si Barcelone réussissait à jouer vite, il n’y aurait aucun moyen de défendre, ni à 12 ou à 14. Les joueurs se sentiraient ainsi plus lourds. La balle a avancé très lentement. Nous avons également eu de la chance que la seule combinaison que nous avons répété pendant 15 jours permette de gagner. » Le guide pour battre la Pep Team par Kresic.
Les résultats sur la durée ne sont plus vraiment présents mais Kresic est encore ancré dans beaucoup de mémoires en Espagne. On se souvient de sa victoire inaugurale sur le Barca avec Numancia sur un but d’un des garçons les moins bien payés de Liga. On se remémore avec un sourire de son Marbella, son éerida ou encore la demi-finale de Copa avec le Betis. La méthode de Kresic n’est en rien révolutionnaire. Le Croate s’adapte toujours à son effectif et s’appuie sur une bonne défense. Il couve et protège beaucoup son effectif. De plus, il a toujours été courtois et poli avec les journaliers qui l’ont suivi.
« Ils savaient que j’étais le patron, mais en dehors du terrain, nous étions très proches » Sergio Kresic
Partout où il est passé ou presque, Kresic a été apprécié de ses présidents même si souvent cela c’est fini rapidement. « C’est un excellent entraîneur et un travailleur acharné, le meilleur technicien que j’ai jamais eu » explique José Fouto, l’ancien président de Mérida. L’ancien président de Valladolid, Ángel Fernández surenchérit : « c’est un type sensationnel, un professionnel avec une grande capacité de travail ». Le lien qui lie l’Espagne et Kresic dépasse le cadre du football et il l’explique lui même : « j’ai une maison à Marbella, ma fille a vécu à Marbella et mon fils a vécu à Valladolid. »
Kresic a fait rêver bon nombre de fans de football mais aussi fait grandir des joueurs. C’est aussi un homme bon. On peut citer le don d’un million de pesetas à une organisation caritative de Gran Canaria ou les multiplies activités auprès d’enfants handicapés qu’il a animé. En Espagne, il a aussi vécu l’éclatement de la Yougoslavie, son pays natal. Kresic vit maintenant en Croatie, dans un village paisible. Mais en Espagne son nom reste synonyme de magie et de grandeur.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13