Athletic : Josu Urrutia, un double-mandat réellement brillant ?

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La rumeur courait dans les rues sombres de Bilbao depuis quelques mois et c’est officiel depuis le 7 novembre dernier : Josu Urrutia ne se représentera pas aux élections à la présidence de l’Athletic Club. Bilan de ses sept années et demi de pouvoir avant les élections de décembre prochain. 

Un bilan économique des plus positifs

Lorsqu’il arrive à la tête de l’Athletic, Josu Urrutia trouve un club à la situation financière négative. Nous sommes alors en juillet 2011 et le natif de Lequeitio a obtenu plus de 12 000 votes, soit le record jamais enregistré par un président de l’Athletic. Au sein du club basque, la balance financière était plus ou moins garantie par la vente des joueurs les plus talentueux. Les prix de revente permettaient alors de ne pas creuser davantage la dette. Urrutia souhaite changer cela et l’ancien milieu de terrain – qui est le troisième président de l’Athletic à y avoir joué par le passé – va démontrer une logique économique jamais vue à Bilbao.

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Lors de la saison 2010-2011, on parle d’un déficit avoisinant les 4 millions d’euros. Aujourd’hui, la situation nette – soit la différence entre les ressources actives et passives – est officiellement de plus de 133 millions d’euros.
Ce progrès économique s’explique par la très bonne gestion d’Urrutia, sur différents plans financiers. Par exemple, en quittant l’équipementier Nike pour New Balance, l’Athletic se voit injecter 3,5 millions d’euros par an. Soit une augmentation de plus de 30% par rapport à ce que Nike investissait.

Les droits de télévision sont aussi un facteur important dans les bénéfices du club bilbayen. Avant la réforme, les clubs trouvaient individuellement leurs accords pour la répartition des droits TV. Urrutia avait alors réussi à trouver un bon accord avec Mediapro, d’environ 40 millions d’euros par an. Soit 25% de plus que l’ancien contrat, signé avec Canal +. Mais depuis la saison 2015-2016, les droits TV de la Liga sont repartis entre les clubs. En 2017, le club a reçu plus de 70 millions par an grâce à cette répartition, encore une réussite économique pour Urrutia.

Josu Urrutia récemment [Crédits : AS]

Un président promoteur du football féminin à Bilbao

Josu Urrutia accorde aussi une forte importance aux Leonas, autrement dit, à l’équipe féminine de l’Athletic. L’une de ses plus grosses réussites est avant tout financière puisqu’il est parvenu à obtenir un contrat avec l’opérateur basque Euskaltel. Avant la saison 2016-2017, le gouvernement de Bizkaia (province du Pays Basque, ndlr) était présent sur le maillot des filles mais cela ne représentait pas la même avancée. En effet, l’intérêt d’une entreprise montre le développement du football féminin, et en particulier de l’Athletic. C’est d’ailleurs peu de temps après l’annonce du partenariat, en mai 2016, que les féminines ont fini championnes de la Liga.

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Avec l’arrivée de Joseba Agirre à la tête de l’équipe féminine, Urrutia a choisi un personnage attaché au club basque et prêt à tout donner pour la section féminine. Tout ceci est très important pour le président, qui a été réélu d’office cette même année 2015, car manque de candidats. Malgré son goût pour le développement de la section féminine, Josu Urrutia ne s’est pas montré favorable à la mise à jour de l’hymne de l’Athletic, censée le rendre inclusif. Eh oui, le désir d’authenticité peut aussi prendre le dessus.

L’équipe féminine de l’Athletic, avec face à elle Joseba Agirre [Crédits : El Correo]
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Josu Urrutia, le prêtre qui faisait taire la Catedral ?

C’est sous la direction du Biscayen que le stade San Mamés Barria s’est concrétisé et qu’il a accueilli son premier match, en septembre 2013. Mais c’est aussi avec Urrutia qu’ont eu lieu les premières contestations dans les tribunes.

Les premières polémiques débutent pendant l’été 2014, lors de l’ouverture de la tribune Sud, censée animer le stade. Les abonnements pour cet espace du stade étaient alors les moins coûteux – environ 350 euros, soit deux à trois fois moins chers que dans le reste des tribunes. Par conséquent, de nombreux supporters y ont pris place, mais majoritairement dans un but économique. Ainsi, l’ambiance à San Mamés s’est détériorée, tout comme les rapports entre les groupes animateurs – tels que Herri Norte Taldea ou Piratak Athletic – et la direction de l’Athletic. Des mesures officielles avaient dû être prises et un communiqué expliquant clairement que « le but des gradins d’animations est d’ANIMER » avait été publié.

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En septembre 2017, les tensions entre Josu Urrutia et le groupe Iñigo Cabacas Herri Harmaila (ICHH) étaient au plus fort. À la 20e minute du match contre Girona (2-0 pour l’Athletic), des centaines de supporters quittent la tribune de l’ICHH. Quelques instants auparavant, la sécurité de la Catedral del fútbol leur avait demandé de retirer les drapeaux et pancartes qu’ils agitent à chaque rencontre. En effet, ces derniers gênaient alors une caméra de télévision installée très récemment devant leurs gradins. Une décision qui n’a pas du tout plu à ces supporters. Depuis, la caméra a été retirée mais les tensions sont toujours fortes entre la direction de l’Athletic et l’ICHH.

La tribune de l’ICHH vide [Crédits : KIROL]

L’animation à San Mamés, un sujet polémique jusqu’au bout

En octobre dernier, Josu Urrutia a participé à sa dernière assemblée en tant que président. Les représentants d’Iñigo Cabacas Herri Harmaila l’ont alors questionné sur les problèmes d’ambiance persistant à San Mamés. Ces derniers ont mis en avant la politique du Deportivo Alavés et de la Real Sociedad, souhaitant favoriser la mise en place de gradins d’animations. Il faut d’ailleurs noter que le Mendizorroza dispose de 2 000 places avec ce type de gradins, malgré la capacité totale du stade n’atteignant pas les 20 000 personnes (un projet de renouvellement est en cours). Bien que 2.5 fois plus grand, l’actuel San Mamés ne dispose que de 1 400 places pour les « animateurs ».

L’ICHH a aussi montré ses velléités de déplacer les gradins d’animations derrière les cages, comme ce fut le cas dans l’ancien San Mamés. Sur toutes ces questions, le président Urrutia s’est montré des plus imprécis. Se contentant d’expliquer que « l’animation du stade est de la responsabilité de tous », il a cependant affirmé que le déplacement des gradins est très difficile. En effet, il impliquerait de déplacer de nombreux socios. Une telle décision pourrait amener à de nouvelles polémiques mais peut néanmoins être étudiées avec les supporters concernés. Quoi qu’il en soit, ces décisions dépendront désormais du successeur d’Urrutia.

Le groupe Herri Norte [Crédits : El Español]

La protection des joueurs [Partie 1]

Grâce à ses réussites sur le plan financier, Urrutia ne court pas après l’argent. Autrement dit, ses meilleurs joueurs doivent rester à l’Athletic. Il n’a plus l’intérêt de les revendre pour mettre les finances dans le vert. Si un club veut l’un de ses éléments, il doit payer sa clause libératoire.

Le premier cas qu’il a eu à gérer fut celui du milieu de terrain – pouvant jouer en défense central – Javi Martínez. Josu Urrutia s’est battu jusqu’au bout pour empêcher ce transfert. La première offre qu’il a reçu n’était pas mince, 30 millions d’euros. Mais ce n’était pas suffisant pour le président de l’Athletic qui en demande dix de plus, soit la clause libératoire du joueur. Finalement, après avoir passé un accord salarial avec le joueur, le Bayern Munich s’est résolu à déposer le chèque au siège de la Liga. Il s’agit du premier transfert polémique de l’ère Urrutia, début d’une liste conséquente. Le dernier de ce type avait eu lieu en 2005 avec le départ d’Asier del Horno pour Chelsea.

Une demi-année plus tard Urrutia subit sa plus grosse défaite sportive. Le cas de Fernando Llorente fait encore polémique aujourd’hui. En janvier 2013, il signe un pré-accord avec la Juventus, le liant aux Italiens dès l’été de la même année. Le transfert est estimé… gratuit puisque le joueur est en fin de contrat. En désaccord salarial avec Urrutia, et en pleine opposition avec Marcelo Bielsa – l’entraîneur de l’époque – il accepte volontiers l’intérêt que lui porte la Juve. Après le départ de l’attaquant basque de la Juventus en 2015, la question d’un possible retour aux sources a souvent été posée. Mais il a toujours semblé clair qu’Urrutia est opposé à revoir Llorente sous un maillot zuri-gorriak. Le président ne l’a d’ailleurs jamais démenti.

Llorente et Ander Herrera maintenant [Crédits : ElDesmarque]

La protection des joueurs [Partie 2]

Comme la majorité des personnes censées, Josu Urrutia apprend de ses erreurs. C’est sûrement pour cela qu’aucun autre joueur de cette importance n’a quitté l’Athletic gratuitement.

Mais ce n’est pas pour autant que tous les départs seront acceptés par Urrutia, et ce, mentalement parlant. Le cas d’Ander Herrera le montre notamment. Le milieu de terrain aurait pu rejoindre Manchester United un an plus tôt, mais un désaccord salarial lui avait redonné l’envie de rester en Pays Basque. Pourtant, ce 26 juin 2014, c’est bien le joueur en personne qui paie sa clause de départ, pour rejoindre les rangs du club anglais. Les sources proches de l’Athletic avaient annoncé que les Basques ont refusé l’offre de 36 millions d’euros faite par United. Ander Herrera a alors préféré prendre les choses en main et entamer lui-même les mesures pour rompre son contrat. L’Athletic s’en était alors sorti avec un chèque de 36 millions d’euros mais accompagné d’un sentiment de trahison égal à celui du départ de Llorente, si ce n’est pas pire.

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Les plus grandes victoires de Josu Urrutia sur le mercato de la vente se sont faites grâce au défenseur Aymeric Laporte et au gardien Kepa Arrizabalaga. Respectivement cédés à Manchester City pour 65 millions, et à Chelsea pour 80 millions d’euros. Urrutia s’est battu jusqu’au bout pour que ses joueurs phares ne rejoignent pas de plus grosses équipes gratuitement. Son successeur devra continuer sur cette voie.

Ziganda et Urrutia [Crédits : EFE/LUIS TEJIDO]

L’ère Urrutia : une belle période sportive

Au final, ce qu’on retient d’un mandat présidentiel, ce sont surtout les résultats. Pour Josu Urrutia, ces derniers sont positifs. L’Athletic Club s’est qualifié pour une compétition européenne – Europa ou Champion’s League – à cinq reprises, ce qui démontre des résultats satisfaisant en championnat. La finale d’Europa League de 2012, qui a vu les Basques s’incliner par 3-0 contre l’Atlético de Madrid, a montré leur niveau à l’européenne, notamment cette masterclass contre Manchester United avec Bielsa en chef d’orchestre. On pourrait aussi rajouter les deux finales de la Copa del Rey mais c’est uniquement la victoire en Supercopa qui restera dans les mémoires.

Cette année 2015, l’Athletic s’incline par 2-1 face au Barça, en finale de la Coupe d’Espagne. Trois mois plus tard, en août, les Basques ont l’occasion de se venger, grâce à la double finale de la Supercopa. Avec une victoire 4-0 à San Mamés, et un match nul 1-1 au Camp Nou, l’Athletic d’Ernesto Valverde met fin à 31 années sans titre.
Sur les 20 saisons précédant l’arrivée d’Urrutia, les Leones n’ont disputé qu’une finale de Copa, et une autre de Supercopa. Pas de doute, sur le plan sportif, l’ère Urrutia est une pure réussite.

Iker Muniain avec la Supercopa, en 2015 [Crédits : ALBERT SALAMÉ]

Bilan global

Tout bien considéré, il va de soi de dire que Josu Urrutia a réalisé un très bon mandat. Au terme de plus de sept ans à la tête de l’Athletic, il a réussi à relever les finances du club, promouvoir le football féminin à Bilbao et à protéger ses joueurs. Le tout avec des résultats sportifs qui suivent, chez les hommes mais aussi chez les Neskak (surnom donné aux joueuses de l’Athletic). Nous pouvons aussi rajouter sa très bonne gestion de Lezama, le centre de formation, et des contrats avec les joueurs. Néanmoins, les problèmes qu’il a rencontré dans les tribunes de San Mamés font tâche. Malgré tout, il est avéré que son successeur devra soutenir la comparaison et renforcer le modèle unique de l’Athletic.

Jérémy Lequatre-Garat
@Euskarade

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