Ce dimanche après-midi, le Real Madrid et le FC Barcelone, les plus grands rivaux du football espagnol, s’affrontent pour le compte de 10e journée de Liga. Alors que les deux équipes ne sont pas au meilleur de leur forme et ne jouent pas leur meilleur football, aussi bien Julen Lopetegui qu’Ernesto Valverde sont sous le feu des critiques. Une défaite lors du Clásico laisserait les deux hommes dans une situation très délicate.
Le football peut être capricieux et bourré de coïncidences. Est-ce le fruit du hasard si Julen Lopetegui et Ernesto Valverde sont tous deux basques, si leurs équipes sont dans une mauvaise passe, si tous les deux sont dans l’œil du cyclone et voient leur poste remis en question et si dimanche une défaite pourrait leur être fatale? Certains diront que ce ne sont que des coïncidences, d’autres que ces anecdotes font le sel de l’histoire du foot. Une chose est sûre, les deux rivaux traversent parallèlement une mauvaise passe en Liga. Malgré la victoire face au FC Séville le week-end dernier, le bilan des derniers 6 derniers matchs est de 4 nuls et 1 défaite, un bilan indigne des Blaugranas, à peine maquillé par le large succès en Ligue des Champions face à Tottenham. Côté Real Madrid, c’est un enchaînement de 4 défaites et 1 nul, et entre deux un revers humiliant en Ligue des Champions face au CSKA Moscou. La dernière victoire des merengues remonte au 22 septembre face à l’Espanyol. Un mois sans gagner c’est une éternité pour un club de l’exigence du Real. Les deux mastodontes du football espagnol se retrouvent donc en même temps dans une position délicate. C’est dans ce contexte particulier que se jouera dimanche un Clásico ô combien important, que ce soit pour l’avenir des deux entraîneurs ou pour la dynamique des deux rivaux.
Lopetegui dans l’ombre de Zidane
Débauché en urgence cet été par Florentino Pérez à la suite du départ surprise de Zinédine Zidane, Lopetegui voyait son rêve d’entraîner le Real Madrid se concrétiser. Mais sur le moment, l’ancien sélectionneur n’avait peut-être pas pris la réelle mesure de l’aventure dans laquelle il s’est embarqué ni du potentiel traquenard qui l’attendait : chez les Vikingos, l’intéressé devait succéder à un Zidane vainqueur de neuf trophées en deux ans et demi de carrière! Autant le dire à l’avance : égaler ce palmarès était une mission impossible pour le Basque. Pour ne rien arranger, après quatre semaines au sein du club, il voit Cristiano Ronaldo, principal artilleur du club avec 450 buts en 438 matchs sous le maillot merengue, rejoindre la Juventus. Avec ce départ et malgré le manque de renforts offensifs en dépit de ses demandes, Lopetegui entame comme il le peut la reconstruction d’une équipe et essaye d’imposer sa patte à un effectif qui de toute évidence semble usé mentalement et repu de titres. Le changement de style nécessite du temps, une denrée rare au sein du Real Madrid. Et lorsque l’équipe perd, cela mine d’autant plus le processus de changement. Peu à peu le rêve de Lopetegui d’entraîner le Real s’est alors progressivement transformé en cauchemar.
Après deux mois de compétitions rien ne va plus au Real Madrid. Si les premiers pas de Lopetegui se sont voulu rassurant malgré la défaite en Supercoupe d’Europe face à l’Atlético de Madrid, aujourd’hui le club de la capitale espagnole passe par l’une des pires crises de résultat de son histoire et n’arrive toujours pas à s’en sortir. Une situation alarmante qui pourrait se retourner contre Julen Lopetegui, le coach espagnol du club. Un point sur les douze derniers en Liga et la défaite à Moscou en Champions League ont laissé l’entraîneur très touché et au bord du licenciement. Le problème le plus marquant se situe en attaque. La Casa Blanca n’avait plus inscrit le moindre but depuis la courte victoire face à l’Espanyol (1-0), soit 4 matches. Un mal auquel Marcelo à remédier avec son but en fin de match face à Levante. Une statistique humiliante qui met en évidence le vide laissé par le départ de Cristiano Ronaldo et le manque de recrutement dans la parcelle offensive. Ni Karim Benzema ni Mariano n’ont pris le relais du Portugais, et aussi bien Gareth Bale que Asensio déçoivent.
Lopetegui quasi condamné
De quoi augmenter la pression sur le coach Julen Lopetegui, qui subit de plein fouet la mauvaise planification sportive de son président et le manque de renfort et de sang neuf dans une équipe qui vient de gagner 3 LDC, ce qui a pour conséquence directe l’affaiblissement de l’équipe depuis 2 ans. De plus, il est contesté par une partie de son vestiaire et défendu par le clan espagnol avec Sergio Ramos en tête. Certains cadres de l’équipe comme Toni Kroos, Modric ou Keylor Navas ne comprennent pas le système de rotation de l’entraîneur et semblent peu satisfait de leur rôle dans l’équipe. Kroos, pourtant hors de forme et loin de son meilleur niveau a déclaré récemment qu’il n’était pas un Casemiro et que son poste n’était pas celui de milieu défensif. Un message directement adressé à son entraîneur qui l’a fait jouer à plusieurs reprises dans cette position cette saison. Même chose avec Keylor Navas, portier titulaire lors des trois dernières Champions league remportée par le Real et déçu de s’être fait « voler » la titularisation par Thibaut Courtois arrivé cet été alors que le poste de gardien était bien couvert. Pas de sang neuf, un effectif limité et le manque de buteur qui handicape l’équipe sont des conséquences directes des mauvais choix de Florentino Pérez. Comme un symbole qu’il a perdu une partie de son vestiaire, les préceptes de jeu que Lopetegui a essayé de mettre en place en début de saison semblent avoir totalement disparu. Plus de changements de positions constants, plus de fluidité dans le jeu, plus de pressing à la perte et plus de sécurité défensive. Si les problèmes de jeu du Real sont la responsabilité de l’entraîneur, la mauvaise planification de l’équipe semble pouvoir expliquer en grande partie les problèmes actuels des merengues.
Soyons clair: Lopetegui n’est maintenu que par la perspective du Clasico et la prudence de ne pas changer d’entraîneur juste avant une telle échéance. Le sort de l’entraîneur basque au Real Madrid semble lié aux résultats des matchs contre Plzen, mardi en Ligue des Champions (victoire 2-1 des merengues), et surtout à Barcelone, dimanche lors du Clasico. La direction du club aurait d’ores et déjà contacter l’italien Antonio Conte pour le remplacer. Ce serait Santiago Solari, le coach du Real Madrid Castilla qui assurerait l’intérim. Ce qui joue en faveur de Lopetegui pour le moment c’est la situation insolite de la Liga et le fait que son équipe n’a que quatre points de retard au classement sur le leader Barcelone. La seule bonne nouvelle, pour le Real, c’est que les écarts au classement restent limités: derrière Barcelone (1er, 18 pts), Alavés (2e, 17 pts) et Séville (3e, 16 pts) restent en embuscade, au même titre que l’Atlético Madrid (4e, 16 pts). Et la Casa Blanca (5e, 14 pts) n’est qu’à quatre longueurs de la tête malgré un mois sans victoire et en dépit d’une pénurie offensive hallucinante.
Sans Messi l’espoir demeure
L’ancien gardien du Real et du Barça sait néanmoins l’importance que revêt le Clasico, match de clubs le plus regardé sur la planète: c’est une humiliation 4-0 qui avait scellé le destin de Benitez au sein du Real. Si une victoire dimanche au Camp Nou pourrait rendre un peu de crédit à Lopetegui, une défaite l’enverrait définitivement dans les limbes. Cependant, même avec une victoire au Camp Nou, il semblerait que Lopetegui ne sauverait sa tête que momentanément. En effet, d’après certaines sources en Espagne il semble peu probable qu’il continue très longtemps sur le banc. C’est l’idée qu’envisagerait Florentino Pérez, convaincu depuis des semaines que son pari sur l’ex-sélectionneur espagnol a été un échec. Madrid traverse sa pire crise depuis le licenciement de Rafa Benitez et Lopetegui semble être le fusible idéal. Seule lueur d’espoir pour le Real, l’absence de Lionel Messi, qui souffre d’une fracture du radius du bras droit, synonyme de trois semaines d’indisponibilité. Sa blessure rééquilibre (un peu) le rapport de forces pour le premier Clasico sans Ronaldo ni Messi depuis 2007. S’il est bien connu que dans ce genre de rencontres les écarts au classement et la dynamique du moment importent peu, ce match atypique demeure la seule planche de salut de l’infortuné Julen Lopetegui.
La gestion de Valverde remise en cause
S’il est légèrement moins en danger que son homologue, depuis le début de la saison, le Barça de Valverde traverse une zone de turbulences. Malgré une première année plutôt réussie avec le titre de Liga et la Copa del Rey, l’entraîneur basque continue d’essuyer les critiques pour le jeu proposé et ses choix souvent incompris. Lorsqu’il a repris l’équipe il a insisté sur la solidité défensive avec un 4-4-2 et avec un joueur au milieu comme Paulinho loin de l’ADN Barca. Après une année à la tête de l’équipe, les supporters blaugranas estiment qu’il devrait être capable d’offrir un jeu plus attrayant au vu de l’effectif. A l’instar du Real, l’entraîneur basque connait certaines difficultés qui durent depuis plusieurs années maintenant. Premièrement, l’effectif barcelonais est mince et la concurrence au sein de l’équipe est quasiment inexistante. A titre d’exemple Denis Suarez et Malcom n’ont toujours pas joué une seule minute, et Arturo Vidal joue trop peu à son grand mécontentement et étale ses états d’âme. A l’inverse, Busquets joue presque tous les matchs puisqu’il ne dispose pas de remplaçant attitré et ce depuis de nombreuses année maintenant. De plus, les changements en court de match sont pratiquement toujours les mêmes, c’est quasiment toujours du poste pour poste et sont souvent tardifs à l’image du match face à Valence ou le premier changement arrive à la 80e. Au final, la récente titularisation d’Arthur Melo reste la seule bonne nouvelle côté Barca qui trouve en lui un joueur qui a des allures de Xavi. Deuxièmement, le rendement de nombreux cadres laisse à désirer depuis maintenant plusieurs mois, voire de nombreuses années et ils ne sont pas remis en question ni mis en concurrence à l’image de Luis Suarez, de Gerard Piqué ou encore d’Ivan Rakitic pour ne citer qu’eux, qui jouent peu importe leur état de forme. Troisièmement, son Barca est plus dépendant que jamais des merveilles de Messi et des parades spectaculaires de Ter Stegen qui ramènent des points et maquillent trop souvent la pauvreté du jeu blaugrana.
A sa décharge, il est vrai que Valverde n’est pas aider par les blessures. En effet, il y a de gros problèmes d’effectifs notamment en défense. avec les blessures de Samuel Umtiti et Thomas Vermaelen, ce qui laisse l’entraîneur basque avec les seuls Piqué et Lenglet en centraux valides. Le recrutement d’un défenseur central a même été envisagé lors du prochain mercato estival. Et comme le football est capricieux, le joueur dont dépend le plus Valverde s’est également blessé. Et c’est un sérieux contretemps pour le Barça qui aborde sans Messi une semaine décisive face à l’Inter en Champions League (victoire 2-0 des culés) puis contre un Real Madrid en pleine crise de résultats. Lors du match contre Séville, après sa blessure, le Barça a toute de suite été moins dominateur et moins brillant de le jeu, symbole de la dépendance de l’équipe d’Ernesto Valverde à son génie argentin.
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Valverde, trois semaines pour convaincre
Alors que d’habitude le basque peut compter sur les éclairs de génie de sa star pour combler les lacunes tactiques et le jeu plus que moyen, Valverde devra trouver la clé pour armer une équipe cohérente qui puisse remporter les prochaines rencontres et surtout convaincre. En conférence de presse, résigné, l’entraîneur barcelonais s’est tout de même voulu rassurant sur les capacités de son équipe à jouer sans Messi. « Il est clair que c’est une perte notable. Nous savons qui il est, nous savons ce qu’il nous apporte, nous savons ce que pense l’adversaire quand il est là. (…) Nous nous préparons pour cela, mais évidemment que nous allons ressentir l’absence de Messi. Nous l’assumons, nous avons assez de ressources pour faire face ». Cette absence est un vrai test pour l’entraîneur basque afin de montrer qu’il a une capacité de réaction et de gestion de l’équipe sans sa star ainsi que les épaules taillées pour le poste. Valverde dispose de trois semaines pour prouver que son Barca à une structure et qu’il peut exister sans Messi. Fortement remis en cause et en fin de contrat en juin prochain, l’ancien coach de l’Athletic Bilbao pourrait décider de quitter le club à la fin de son contrat.
Peut-être pour la première fois dans l’histoire des Clasico, les regards seront plus tournés vers le banc de touche que vers les 22 acteurs sur le terrain. Aussi bien Lopetegui que Valverde (un peu moins ce dernier) jouent leur avenir dans un match très particulier. Les deux équipes abordent cette rencontre loin de leur meilleure forme, remplies de doutes et avec la nécessité de gagner pour se rassurer et entamer une dynamique positive. Une chose est sûre, malheur au perdant.
Miguel Hernández