L’histoire d’Antonio Cassano avec le ballon rond est aussi irréelle et qu’incompréhensible. Talent précoce, lunatique, attachant et complément idéal de Francesco Totti à la Roma, le fantasque attaquant a connu l’apogée de carrière en signant au Real Madrid, au moment où il était au fond du trou dans sa vie privée. Ou l’histoire de Peter Pan sur le trois-mats Vikingo.
Désormais, Antonio Cassano fait plus de conférences de presse pour annonce sa retraite qu’il ne marque de but. Hellas Verona, Virtus Entella : à 36 ans, Fantantonio a joué les rappels…en attendant un nouvel épisode ? On sait qu’il était proche de signer à Ibiza pour rejoindre Marco Borriello. Quasiment deux décennies après avoir débuté sa carrière, le buteur qui a régalé l’Italie et l’Europe par ses folies footballistiques et ses histoires abracadabrantesques s’est assagi et il peut tirer sa révérence en accord avec lui-même. Car rien ne fut simple dans la vie d’Antonio Cassano. Le natif d’un quartier très pauvre de Bari dans les Pouilles a très peu connu son père. Mais le gamin a de l’or dans les pieds. Comment pourrait-il en être autrement ? : il est né le 12 juillet 1982, le lendemain de la victoire de la Nazionale lors du Mondial en Espagne. Ses 24 carats, il les monnaye pour ramener faire bouillir la marmite à la maison. Avant d’être un adolescent qui ne voulait pas grandir, Cassano a d’abord été un adulte précoce.
Cassano, l’éloge du romantisme
Antonio Cassano est l’un des joueurs qui se rapproche le plus de la conception du romantisme dans le football. Forcément, Francesco Totti et lui étaient faits pour se rencontrer. Mais leur conception du romantisme s’est construit différemment.
« Je ne sais pas où j’aurais pu finir sans le football » Cassano, écorché vif
Pour Cassano, le romantisme c’est celui d’un garçon qui a souffert durant les 17 premières années de sa vie et qui s’est rattrapé par le football. Le ballon rond a changé profondément la vie de Fantantonio, il est le premier à le reconnaît. Cassano c’est le football tango, celui de Maradona, c’est être tout en haut de l’affiche mais aussi être au fond du trou, tomber 7 fois et se relever 8. Son premier coup d’éclat, il le fait avec le maillot de Bari son premier amour. Il n’a que 17 ans quand la classe de Cassano s’étale au grand jour. Il n’ouvre pas la porte, il la fracasse. D’un simple contrôle il mystifie la défense Blanc-Panucci de l’Inter pour offrir la victoire à son équipe. Le joyau du Vieux Bari vient de réaliser son premier exploit…
Tous les plus grands d’Italie se l’arrache. Quand on lui demande d’évoquer ce but, son ressenti quand le ballon a fait trembler les filets, la réponse de l’Italien fuse, limpide : « Je vais devenir riche« . Courtisé, adoré par sa ville et son club, Cassano opte pour l’AS Roma pour composer un duo lumineux avec son idole, ami et mentor : Francesco Totti. S’il n’avait eu le football, Cassano aurait pu devenir un voleur. Il sera un jouer-frisson.

Entre Totti et Cassano, l’alchimie est immédiate. Le binôme enchante les Romanisti. Fantantonio soulève même le trophée du meilleur jeune lors sa première saison avec la Lupa. Rapidement cependant on voit apparaître l’autre Cassano. Sa face cachée émerge. L’Italien devient ingérable, s’embrouille avec des arbitres, des adversaires, son coach. Il sort et n’écoute personne. Son niveau de jeu décline et alors qu’il pousse pour avoir une augmentation de salaire, la Roma cherche à le mettre dehors. Celui qui a pour l’instant toujours évolué en équilibre sur un fil est en train de basculer du mauvais côté et met sa carrière en péril.
Le Real Madrid, fiasco total
La carrière d’Antonio Cassano s’effrite mais le Real Madrid, à défaut de Francesco Totti, s’offre l’enfant terrible et lui propose un défi à la hauteur de sa folie. Car malgré ses frasques, Cassano garde l’image d’un garçon capable de changer le court d’un match sur une accélération ou un contrôle de génie. Il n’est pas Galactique comme Zinedine Zidane, Ronaldo Fenómeno ou David Beckham : à lui de le devenir. Le mariage avec la Casa Blanca commence mal avant même d’avoir débuté : il insulte la personne qui lui parle de l’intérêt des Vikingos. C’est un coup de fil de Florentino Pérez qui finit de convaincre Fantantonio.
Pourtant, Totti lui déconseille d’y aller et lui suggère d’accepter moins d’argent pour jouer dans une équipe où il a plus de chance de s’épanouir. Cependant, jamais personne n’a réussi à raisonner Cassano qui signe au Real Madrid en janvier 2006. Avant de quitter la Ville éternelle, il se brouille avec Totti pour une peccadille.
« Si j’avais écouté à peine 10% de tous les conseils positifs que Totti m’avait donnés, j’aurais eu une carrière très différente »
Et ce qui devait arriver arriva : c’est la pire version de Cassano que l’on voit en Espagne, sur le terrain comme en dehors. Pourtant l’Italien est soutenu dans le vestiaire, notamment par Raúl González Blanco et David Beckham. Mais Fantantonio ne pense qu’à s’amuser et laisse filer les opportunités.
Plateau de viennoiseries et une fille différente par nuit : Cassanate à Madrid
Comme tous ceux qui ont beaucoup manqué dans leur jeunesse, Cassano ne pense qu’à une chose : rattraper le temps perdu. Il n’a pas cicatrisé cette blessure, surtout avec la gent féminine. Il n’est pas plus beau mais a un statut et beaucoup d’argent, ce qui lui facilite grandement la tache pour multiplier les conquêtes. Cassano va jusqu’à passer un marché avec un employé d’un grand hôtel madrilène où il a ses habitudes.
« J’ai eu de la chance. Cassano était un joueur du Real Madrid. Si j’avais eu un autre travail, personne n’aurait voulu de moi. Ni même ma mère ! (rires). Je suis bon, mais je ne suis pas beau. » Cassano parle de… Cassano
Du grand art : quand l’Italien ramène une femme dans sa chambre, un ami employé de l’hôtel lui ramène un plateau garni de viennoiseries en tous genres. En « échange », il a le droit de draguer et de s’amuser avec l’histoire d’un soir de Fantantonio. On est très loin du romantisme du terrain… Tout le monde y trouve son compte sauf le physique de Cassano qui accuse 10kg de trop sur la balance. « Je suis toujours accroc à la nourriture, même maintenant, a-t-il récemment concédé. Quand vous mangez de bonnes choses, vous grossissez. J’ai été un fou durant 20 ans, mais je ne peux plus le faire maintenant. Je suis arrivé à 93 kilos au Real ! Mon poids idéal était 83 (pour 1,75m, ndlr). J’y suis aujourd’hui et je ne vois pas comment je peux en perdre plus. Mais je peux prendre sept ou huit kilos en un mois. J’aime tout, le gorgonzola, la polenta… »
Cassano habla en AS tras su fracaso en el Madrid… "Hice el tonto pero me lo pasé perfecto". Y tanto… pic.twitter.com/K27CXWLlg0
— Røger Wilcø (@rogerwilco866) February 12, 2016
Cassano ne ressemble plus du tout à un footballeur pro et ses prestations sont indigestes. Dans un effectif qui met la barre très haut au niveau technique, il fait tache. Très peu utilisé, l’Italien s’enfonce dans les ténèbres et ne fait rien pour s’en sortir. Il continue de sortir et d’enchaîner tous les excès. Quand Fabio Capello, un entraîneur qui le connait signe, il paraît avoir trouvé sa planche salut, surtout que le mister aime énormément le trequartista et se donne pour mission de le sortir de sa spirale négative. Sauf que Cassano préfère se moquer de son entraîneur au lieu de saisir cette main tendue. La séquence où il imite Capello sort dans les médias. L’entraîneur étant plus connu pour sa passion pour l’art moderne que pour les one-man-show undergroud ça ne loupe pas : Capello coupe les ponts, d’autant que le ton était déjà monté quelques semaines plus tôt.
L’envol loin de la Casa Blanca
L’histoire avec le Real Madrid prend fin un an et demi après son commencement. Prévisible et inéluctable. Cassano ne ressemble plus du tout au Cassano de ses débuts à Bari ou de sa grandeur à la Roma. Beaucoup pensent qu’il est perdu pour le foot et qu’il finira ruiné et seul à force de vouloir profiter. Ses débuts à la Sampdoria le remettent sur pied. Il loge chez un ami à lui et sa mère vieille sur lui. Il se reconstruit, perd du poids et redevient un joueur incroyable. Mieux : il trouve l’amour, le vrai, avec Carolina Marcialis, championne de water-polo avec qui il a deux fils. Et même si Madame concède qu’être l’épouse de Cassano n’est pas simple, le mariage tient depuis 2010 et un 3e enfant serait au programme.
« Ce que je regrette le plus, c’est d’avoir quitté le Real Madrid. J’étais dans la meilleure équipe de l’histoire, j’aurais pu rester longtemps et gagner beaucoup, j’aurais pu faire l’histoire du football et au lieu de cela, j’ai suivi mon instinct et fait des erreur » Cassano, lucide.
Malgré tout, l’attaquant reste un habitué des Cassanate (mélange de Cassano et de « cazzate », conneries en italien, ndlr) mais il répond maintenant sur le terrain. On lui passe plus de choses et lui s’assagit aussi. Comme Marco Boriello, ses problèmes de santé cardiaques qui ont failli lui coûter sa carrière en 2011 le calment définitivement. Cassano devient religieux et fait de moins en moins de vagues. Pour beaucoup, le Real Madrid est l’accomplissement d’une carrière. Or pour Cassano, c’est l’endroit où il a touché le fond et ce qui lui a sûrement permis de remonter la pente. Cette rencontre avortée entre son génie et les Vikingos, essentiellement par son manque de professionnalisme, reste une blessure pour Cassano. Il aurait pu s’inscrire dans la durée, devenir une légende car il avait tout ou presque pour réussir : le talent, le caractère et un brin de folie. Sauf qu’à Madrid, on ne se souvient de lui que pour son surnom : El Gordito. Le petit gros. Et ça, malheureusement, ce n’est pas une Cassanata.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13