On aime tous les histoires incongrues relatives au football. Voici celle de Kevin Moran, une légende urbaine qui n’en est pas vraiment une, si on se réfère aux dires des joueurs de l’époque. Plongeon dans un autre football, dans une autre décennie, au Sporting de Gijón de la fin des années 80.
Un Irlandais pro de tous les footballs

Avant l’arrêt Bosman, le nombre de joueurs qui évoluent hors de leur pays n’est pas énorme. Encore moins quand on parle d’insulaires britanniques ou irlandais débarquant dans des championnats réputés plus techniques. Kevin Moran est un Irish, qui après des débuts en junior au Bohemian FC puis Pegasus, décide de pratiquer le football gaélique et ce au plus haut niveau, dans le club du comté de Dublin. Il y remporte en 1976 et 1977, deux championnats d’Irlande et intègre l’équipe All-Stars. En 1978, Billy Behan, recruteur de Manchester United, le remarque et lui propose d’incorporer l’effectif des Red Devils en tant que défenseur central. Il y fait ses débuts le 20 avril 1979 face à Southampton. Pendant ses 10 années dans le club mancunien, il remporte un Charity Shield, deux coupes d’Angleterre et est d’ailleurs le premier à avoir été expulsé en finale suite à un carton rouge. En 1988, à 32 ans, las du championnat anglais, il décide de rejoindre l’Espagne et les rangs du Sporting de Gijón.
Un Irlandais en Espagne
A cette époque, l’équipe asturienne veut renforcer sa défense et Kevin Moran a le profil de joueur rugueux que le Sporting de Gijón recherche. Cependant, le défenseur central n’a jamais quitté les îles britanniques et ne connait pas la langue de Cervantes. Son adaptation à un pays à la mentalité asturienne est très compliquée. Pire, son niveau technique est tel qu’à l’entraînement, ses coéquipiers n’hésitent pas à le moquer. Pourtant, lors de la première saison, malgré ses lacunes et sa mauvaise intégration, il participe à 27 matchs de Liga, formant un bon duo avec Jiménez dans l’axe de la défense. La seconde année est plus compliquée et il ne joue que 6 matchs. En 1990, il revient en Angleterre, finissant sa carrière au Blackburn Rovers, 4 saisons plus tard.
No Spanish, no Loto
A Gijón, les relations entre Kevin Moran et ses coéquipiers sont très tendues. Si bien qu’après les entraînements ou les matchs, il ne participe pas aux sorties ou soirées organisées par le club ou ses coéquipiers. Il ne fait aucun effort pour parler la langue et préfère rester dans son coin. Il passe son temps libre à regarder les programmes TV des chaînes britanniques via sa parabole. Il est vrai que dans les années 80, la création de l’Union Européenne en est encore à ses balbutiements et les mentalités espagnoles post-franquisme n’aident pas à l’intégration des étrangers. Kevin Moran est donc le seul joueur de l’effectif asturien mis à l’écart. Notamment, lors du mois de décembre 1988 où, pour les fêtes de fin d’année, la coutume du club est d’acheter un billet de loterie en commun. Tous les joueurs, tout le staff technique et médical prennent un ticket pour le traditionnel loto de Noël. Tous sauf Kevin Moran. Selon la légende, c’est le billet de l’équipe asturienne qui est ressorti gagnant. Tous ce sont vus partager le gros lot. Tous sauf un…

Malgré une carrière au plus haut niveau dans deux sports différents et dans des clubs britanniques prestigieux, l’Irlandais gardera à vie un goût amer de son passage en Espagne. Lorsqu’il évoque son parcours, il ne parle pas ou peu du Sporting de Gijón. Comme quoi, l’Irish Coffee Robusta n’a jamais concurrencé le Café Arabica Bombón de Gijón…
Jé Pintio
(@JePintio)