Jenni Hermoso fait partie des joueuses emblématiques en Europe. Passé notamment par le Barça et le PSG, la Madrilène est revenue cette saison à l’Atlético, là où elle a été formée. A la veille de la qualification historique des Colchoneras en 1/8 de finale de la Ligue des Champions acquise sur la pelouse de Manchester City, l’internationale espagnole est revenue sur le début de saison tonitruant des Indias et sur ses expériences en France et en Suède.
L’Atlético de Madrid est double championne d’Espagne et vous avez démarré la saison tambour battant. Et en plus, vous avez déjà marqué à 3 reprises !
C’est vrai qu’on ne pouvait pas mieux commencer ! Tout se passe très bien et ces 3 premières journées sont très positives. Et à titre personnel, si je peux aider l’équipe à prendre des points, c’est tant mieux.
Vous êtes canterana colchonera et vous revenez à l’Atlético. Comment s’est passé votre retour ?
C’est ici que j’ai vraiment commencé à jouer, c’est là où je suis passée professionnelle. C’est vraiment ma maison et je suis ravie de repasser du temps à l’Atlético mais aussi de revoir mes amies. Entre mon départ et mon retour, il s’est écoulé près de 10 ans et on s’aperçoit que le club a énormément travaillé pour arriver au niveau qui est le sien aujourd’hui.
Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas, comment vous décrieriez-vous en tant que joueuse ?
Je suis une joueuse offensive qui joue dans les pieds, qui aime évoluer entre les lignes et faire la dernière passe pour offrir le but à une coéquipière. J’aime influer sur le jeu de mon équipe quand elle en a besoin.
Vous êtes plus buteuse que par le passé ?
Au Barça, je marquais régulièrement mais pas autant que ces dernières années. J’évolue dans des équipes qui pratiquent un jeu d’attaque, qui veut marquer des buts. Si je marque, c’est très bien mais mon principal souhait c’est aider l’équipe pour la faire gagner.
La Liga Iberdrola est de plus en plus compétitive et les affrontements en Ligue des Champions sont un très bon miroir pour constater du haut niveau atteint
L’Atlético de Madrid a changé d’entraîneur à l’intersaison. Ángel Villacampa a été remplacé par José Luis Sánchez Vera. Comment sentez-vous l’équipe au quotidien ?
Nous avons beaucoup travaillé depuis son arrivée, nous avons des objectifs élevés et toutes les filles se donnent à 100%. Je crois que le changement d’entraîneur sera bénéfique à tous points de vue, à la fois pour l’équipe mais aussi pour le club. Lors des entraînements, nous sommes toutes au maximum et très concentrées.
Le calendrier de l’Atlético est chargée : les 1/16 de Ligue des Champions, l’Athletic et Tenerife en Liga Iberdrola. Ça arrive un peu vite ?
En début de saison, nous avons affronté Málaga et Logroño qui sont deux équipes promues. Contre l’Athletic (victoire 4-2, ndlr), j’ai pu me rendre contre que la Liga Iberdrola est de plus en plus compétitive et les affrontements en Ligue des Champions sont un très bon miroir pour constater du haut niveau atteint. A l’aller, en termes de jeu et de possession, l’Atlético était meilleur que Manchester City mais nous avons encaissé un but sur coup de pied arrêté. En fin de match, nous avons arraché l’égalisation et c’était mérité.
Cette saison, l’Atlético de Madrid compte deux Françaises dans ses rangs : Aurélie Kaci qui entame sa 2e saison et Aïssatou Tounkara arrivée cet été. Vous avez joué au PSG, vous communiquez avec elles en français ?
Non, elles se débrouillent mieux en espagnol que moi en français. Je suis beaucoup plus à l’aise avec ma langue maternelle.
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Le combat contre le machisme est très important en Espagne et nous sommes en train de le remporter
Comment s’est passée votre saison au PSG justement ? Vous n’y êtes restée qu’un an finalement.
Sur le plan sportif, la saison a été très bonne et très enrichissante. J’ai joué quasiment tous les matches, aussi bien en championnat qu’en Coupe, et d’ailleurs nous l’avons eu le bonheur de la remporter. Cela faisait des années que le club courrait après ce trophée et ça a été un cap de franchi. Après, j’ai réfléchi, fait le bilan et tout compte fait, l’Espagne c’est chez moi et revenir ici à l’Atlético était mon objectif.
Quelle est la différence majeure entre les championnats français et espagnols ? En France, le haut de tableau est supérieur à la Liga Iberdrola, que ce soit l’Olympique Lyonnais, le Paris Saint-Germain, le Montpellier HSC. Mais on a l’impression qu’en-dessous de ces clubs très structurés, le fossé est immense avec les autres.
Entre la France et l’Espagne, la différence se fait sur le physique. En France, c’est vraiment plus intense. En Espagne, nous évoquons beaucoup ce sujet afin d’atteindre nos objectifs au niveau européen. En D1F, c’est vrai que ce sont principalement l’OL et le PSG qui se disputent le titre en championnat. Il y a aussi de bonnes joueuses à Montpellier. La différence se fait principalement sur le physique et que ces équipes travaillent très bien. Mais effectivement, entre elles et le reste, il y a un écart conséquent.
En Espagne, on se rend compte que depuis quelques années, des clubs majeurs chez les hommes développent de plus en plus leurs sections féminines. Le dernier en date, c’est le Málaga CF qui veut bâtir un projet sur le long terme et qui a énormément recruté à l’intersaison.
Je crois qu’à présent, tous les clubs de haut niveau disposent d’une équipe féminine. Pour la Liga Iberdrola comme pour les joueuses, ce sera toujours le mieux. Cela attire les télévisions, il y a de plus en plus d’images disponibles pour faire notre promotion. Tout contribue pour que le niveau augmente.
A propos, que pensez-vous de la couverture médiatique de la Liga Iberdrola ? Chaque journée, Gol diffuse 2 matches en canal ouvert, BeIN Sports propose également 2 matches et les télévisions locales voire carrément les clubs eux-mêmes émettent en direct. Ça contraste totalement avec le peu de littérature disponible puisque, hormis quelques journalistes comme David Menayo chez Marca ou encore Sphera Sports, il y a très peu d’articles disponibles.
Ce qui augmente chaque saison, ce sont les matches télévisés et ça développe notre image publique. Nous avons d’articles comme par exemple ceux de Menayo qui écrit énormément sur le sport féminin en général mais ce qui nous permet de toucher le plus de monde possible, c’est évidemment la télévision. On peut voir nos matches à la maison et c’est une très grande avancée.
L’Espagne a l’image d’un pays machiste mais on constate que le football féminin gagne en popularité, peut-être plus qu’en France d’ailleurs.
Le combat contre le machisme est quelque chose de très important en Espagne et je crois que, petit à petit, nous sommes en train de le remporter. Nous luttons pour qu’il y ait de moins en moins de problèmes dans un futur proche et que plus de gens viennent nous voir jouer.
Vous avez observé des différences entre le PSG et l’Atlético ?
Ce sont deux très grands clubs qui travaillent très dur et dont la gestion est au top. Les deux équipes sont en Ligue des Champions, avec le PSG qui s’est déjà hissé en finale et l’Atleti qui bosse d’arrache pied pour atteindre un tel niveau.
Vous avez porté les couleurs de Tyresö en Suède, en compagnie de deux grandes stars. Malheureusement, l’équilibre du club était précaire…
J’ai eu le grand privilège d’évoluer avec la Brésilienne Marta et Vero Boquete (internationale espagnole qui a également joué au PSG, ndlr.) J’ai beaucoup appris de cette expérience. Tyresö avait fait un pari économique, celui d’attirer les meilleurs joueuses du monde. Or, quand le budget a baissé, elles sont parties et le club a disparu.
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Le Real Madrid est un club immense et notre championnat y gagnerait énormément s’il fondait une section féminine mais il est évident que Florentino Pérez ne veut pas miser sur le football féminin
C’est un aspect problématique du football féminin actuel : l’instabilité économique, y compris dans les grands clubs puisque Tyresö avait remporté la Ligue des Champions avant de couler.
De nombreux clubs essaient de bâtir de grandes équipes en allant chercher l’essentiel de ses joueuses hors de ses bases. C’est une politique qui coûte beaucoup d’argent et au final, ils oublient les joueuses locales, celles de la base.
Vous avez également porté les couleurs du FC Barcelona. Quel souvenir en gardez-vous ?
Mon passage au Barça a été le meilleur de ma carrière. Comme joueuse, j’ai passé mes meilleures années là-bas. Chaque fois que je me remémore cette époque, j’en garde un excellent souvenir, pour tout ce que j’y ai vécu. C’est un club pour lequel j’ai toujours beaucoup d’affection.
Mais aujourd’hui, c’est le principal rival de l’Atlético !
Il y a toujours eu de la rivalité entre les deux équipes et j’espère bien que cette saison encore l’Atleti conservera son titre en Liga !
Est-ce qu’il ne manque pas une rivalité en plus en Liga Iberdrola : celle du Real Madrid ? Est-ce que vous pensez que la licence du Madrid CFF sera rachetée par le club merengue ? C’est un des rêves du président fondateur qui est Madridista.
Le Real Madrid est un club immense et notre championnat y gagnerait énormément s’il fondait une section féminine. Pour autant, ça fait des années que la question se pose de manière récurrente et il est évident que Florentino Pérez ne veut pas miser sur le football féminin. Cela n’empêche pas d’autres grandes institutions de le faire et de se battre pour que la Liga Iberdrola gagne en importance chaque année.
Récemment, le président de la Fédération Luis Rubiales s’en est pris à Javier Tebas à propos des horaires des matches en Liga, en raison des trop fortes chaleurs qui sont dangereuses pour les joueurs, les arbitres et les spectateurs. Pourtant, les horaires de la Liga Iberdrola sont gérés par la Fédération et ils sont proprement scandaleux.
Si nous voulons que les matches soient télévisés, nous devons nous faire à ces horaires, aussi bien les joueuses que les staffs, les arbitres et les spectateurs. Mais il y a aussi une question de santé et d’intégrité physique. En plus, jouer à 11h, midi, 13h, ce n’est bon ni pour nous ni pour le spectacle. Si on joue sous 38 degrés comme cela a pu être le cas lors de matches à Séville, on ne peut pas être à 100%.
En fin de saison, il y a la Coupe du Monde en France. Quelles sont les chances de la Roja de bien y figurer ? Les attentes sont élevées après votre parcours parfait en qualifications.
On a fait une très belle campagne mais le Mondial ce sera un autre niveau. Le degré de difficulté est plus élevé mais il nous reste quelques mois pour arriver dans les meilleures conditions à la Coupe du Monde. Nous y allons pas à pas.
Vous êtes impressionnée par le niveau atteint par les catégories de jeunes de la Roja ?
C’est vrai que l’Espagne est dans une très belle dynamique, avec des joueuses jeunes et compétitives très tôt. Ça veut dire que ça travaille bien, qu’on prépare un futur qui s’annonce radieux. Il manque encore un titre avec la Selección Absoluta mais nous y travaillons.
Propos recueillis et traduits par François Miguel Boudet