Aujourd’hui à Marseille où il espère faire avancer le fameux OM Champion Project avec Albert Valentín, Andoni Zubizarreta s’est surtout fait connaître par la planète football à Barcelone. Avec le club de la cité comtale, Zubi a tout gagné (Liga, Copas del Rey, Supercopas et C1) mais il a aussi vécu des moments très difficiles comme la finale à Athènes et le lendemain fatidique…

En tant que directeur sportif, l’ancien gardien espagnol n’arrive pas à faire l’unanimité (mème si on peut se demander si cela est possible dans le football). En tant que gardien, il est plus difficile de remettre en question sa magnifique carrière même si certaines erreurs sont devenues des symboles de sa personne. Andoni Zubiarreta a tout de même raccroché les gants après avoir disputé deux Euros, quatre Coupes du Monde, 622 rencontres de première division espagnole (un record absolu) et 126 sélections avec la Roja. S’il jette un œil dans le rétroviseur, le Basque est sûrement très fier de ce qu’il a pu accomplir avec les casaques assez extravagantes des années 80 et 90. Il garde cependant un souvenir plus qu’amer de son départ du FC Barcelone et de la Dream Team d’un Johan Cruyff qui aurait plus fait pour le pousser vers la sortie que l’inverse lors de son passage à Barcelone.
En février dernier, Julio Maldonado plus connu sous le surnom de « Maldini » est revenu dans son programme de documentaires sur le football « Fiebre Maldini » sur la sale soirée de Zubi à Athènes, celle qui a totalement scellé son sort avec le club culé. ¡FuriaLiga! a décidé de vous faire parvenir une adaptation écrite de ce document visuel plutôt intéressant sur la sortie par la petite porte d’une légende du club et du pays avec explications et anecdotes.
La relève venue de Bilbao
La défaite du Barça en finale de la Coupe d’Europe 1986 face au Steaua à Séville a poussé les dirigeants culés à mettre fin au cycle du portier basque de Saint-Sébastien, Javier Urruticoechea. Un autre gardien basque, Andoni Zubizarreta, a été choisi après une prestation de haut vol à la Coupe du Monde mexicaine notamment. Zubi préférait rester à Bilbao mais les dirigeants des Leones n’ont pas voulu payer les 25 millions de pesetas demandées par le dernier rempart. La relève était nécessaire pour remplacer un Urruti de 33 ans en fin de parcours. Un Zubi de 24 ans vient donc prendre sa place avant de devenir un emblème du FC Barcelone qui a fini par lui donner le brassard. Huit ans, 490 matches toutes compétitions confondues et neuf titres (11 si on compte les Coupe de Catalogne 90/91 et 92/93) plus tard, le Barça montre la porte au natif de Vitoria d’une façon très amère…

C’est à Athènes, le soir du 18 mai 1994 que la carrière de Zubizarreta dans la ville catalane allait prendre fin. « Eux recrutent Desailly et nous Romario » a lâché Cruyff à la presse avant de prendre une rouste contre le Milan de Fabio Capello en finale de la Ligue des Champions avec un dernier but signé Desailly d’ailleurs (4-0). Après la claque, le vestiaire culé est brisé. Aucun joueur n’ose ouvrir la bouche jusqu’à ce que le gardien – qui avait cependant vu Cruyff donner le brassard à Bakero pour remplacer Alexanco pour ce match – ne décide de remonter le moral des siens : « On est champion de Liga, la saison prochaine on aura une nouvelle opportunité ! » a notamment lâché l’un des leaders de cette équipe de rêve. Des mots qui feront du bien mais qui n’allaient plus jamais sortir de sa bouche dans le vestiaire avec le maillot du Barça après cette soirée grecque fatidique.
Des petites attentions absentes
Si la rude soirée vécue par tous les Culés en Grèce a été celle qui a décidé de l’avenir de Zubizarreta au Barça, son sort paraissait scellé depuis un moment comme l’a confirmé le gardien à Fiebre Maldini : « Il n’y a pas de grands moments de reconnaissance de mon étape au Barça avec Johan, il n’y a pas de phrases d’éloges à mon égard. Une fois lors d’une interview d’avant-saison les journalistes lui ont demandé qui était le meilleur gardien du monde et il a répondu Stanley Menzo, le gardien de l’Ajax ». La relation a souvent été difficile sur le point de penser qu’il était victime de bullying de la part de l’entraineur néerlandais. « Je pense que Johan a été plus souvent intéressé par me voir partir que par me voir rester rester ». Ça a souvent été très clair dans la tête de Zubizarreta qui a cependant toujours répondu présent malgré des moments difficiles.
« Lors de la préparation il voulait nous voir, nous les gardiens, au milieu des toros entre les joueurs. Là où moi je ne pouvais pas être performant. C’était un peu sa façon de nous montrer la différence qu’il y avait entre le gardien qu’il aimerait avoir et celui qu’il avait à disposition. »
En effet, avec son style de jeu porté vers l’avant, Cruyff a toujours voulu un gardien doté d’un excellent jeu au pied, ce qui a souvent fait défaut à l’actuel directeur sportif de l’OM même s’il a beaucoup travaillé sur cette facette. 13 saisons après ses grands débuts en première division avec l’Athletic Club Bilbao de la main de Javier Clemente, Zubizarreta s’est vu seul, perdu et sans repères footballistiquement parlant.
L’insistance avant le coup de massue
La nuit qui suit la défaite barcelonaise sera l’une des plus difficiles pour Zubizarreta malgré la présence de sa femme et ses deux enfants à l’hôtel Pentelikon d’Athènes. Le gardien le savait et l’a d’ailleurs dit à sa femme Ane le lendemain dans le jardin de l’hôtel : « Tiens regarde, derrière cette fenêtre là-bas notre futur est en train d’être décidé ». Le vice-président Joan Gaspart, l’entraineur Johan Cruyff, son assistant Charly Rexach et le président Josep Lluis Nuñez décidaient la suite de sa carrière derrière la fameuse fenêtre. Avant de partir à l’aéroport pour rentrer en Espagne, Zubi tente alors d’en savoir plus et espère un geste de son ami Joan Gaspart pour mettre fin à cette incertitude sur son avenir. L’entraineur avait décidé de ne plus compter sur lui et a finalement lâché la bombe dans le bus, assis à côté du gardien international. « Je ne voulais pas lui dire, pourquoi c’était à moi de lui dire ? Je n’étais personne pour lui dire. Il a tellement insisté que finalement j’ai dû lui dire » assure Gaspart dans le documentaire. Voilà, c’est dit, son contrat qui prend fin en juin 1994 ne sera pas prolongé et les deux ans en options ne seront pas exécutées.
« Je le vois moins dur, un peu plus nerveux. Pour moi il n’est pas à son niveau normal et dans cette équipe personne n’est indispensable et on a des bons joueurs pour les remplacer. Si Laudrup, Romario ou Koeman peuvent être remplaçants les gardiens aussi ». Cruyff décide de titulariser Busquets contre le Racing lors de la 10e journée de Liga 1993/94, mettant ainsi fin à 123 matches consécutifs titulaire de Zubizarreta.
Zubizarreta encaisse difficilement un coup qui va hanter ses pensées lors de son retour en Espagne « Je me souviens du voyage retour en avion qui fut traumatisant. Je n’avais pas d’agent, je n’en ai jamais eu d’ailleurs. Oui ce fut vraiment traumatisant. C’est beaucoup plus simple de le dire aujourd’hui même si c’est encore difficile ». Pas la meilleure manière de préparer son avant-dernière Coupe du Monde, celle aux États-Unis. Le portier se devait désormais de trouver un point de chute et son ami Joan Gaspart a joué un rôle clé pour ça. Celui qui s’est vu obligé de lui donner la pire nouvelle possible au retour de Grèce a finalement œuvré pour son transfert à Valence peu après. « En tant que vice-président de la fédération espagnole je suis aussi allé aux États-Unis et j’ai négocié avec Valence comme si j’étais le manager de Zubi. Mais ce fut très triste pour moi aussi car Zubi je l’aime beaucoup ». La suite, on la connait : Zubi revient en tant que directeur sportif et repart avec cette même sensation mitigée entre succès comme Neymar ou Jordi Alba et échecs comme Douglas, son serpent de mer à lui…
Nicolas Faure
@Nicommentator