La saison 2017-2018 a été désastreuse pour le club canarien qui est descendu en Segunda División seulement trois ans après y être monter. Pour tenter de remonter, la directive s’est lancé dans un projet ambitieux et prometteur.
22 avril 2018. L’Unión Deportiva Las Palmas est mathématiquement reléguée en deuxième division espagnole suite à sa défaite 0-4 contre Alavés. Difficile de relever de bons aspects de cette saison catastrophique à tous les niveaux, en commençant par la direction et ses décisions irréfléchies, qui finit par se mettre à dos une grande partie des supporters. Sportivement, les amateurs de Liga ont pu observer une équipe molle, sans personnalité ni envie, qui voit partir à mi-saison son meilleur élément, Jonathan Viera. Son supposé remplaçant, Tana, est loin d’être à la hauteur et finit par se brouiller avec le troisième (!) entraîneur de la saison, Paco Jémez, ce qui le condamne à une série de non-convocations. Le situation est affligeante, le stade de Gran Canaria fait des entrées ridicules pour un club de Liga, et pour finir, Paco Jémez n’arrive pas à relever l’équipe et s’effondre avec elle.
Un nouveau souffle
“Cae en la tentación”, laisse-toi tenter, c’est le message que le club a lancé aux supporters pour la campagne d’abonnements. Dans le spot publicitaire, on voit l’humoriste Kike Pérez, déguisé en diable, qui accueille l’UD Las Palmas en enfer. La vidéo se termine par la phrase: “¡ Poco tiempo aquí eh !” (Reste peu de temps ici !). Pour la directive l’objectif est clair depuis le début de l’été: monter en Primera División. Pour y arriver, le président du club Miguel Ángel Ramírez prend la décision de placer Toni Otero au poste de directeur sportif. Le Galicien a notamment travaillé pour le Celta Vigo comme responsable du centre de formation, d’où sont sortis entre autres Rodrigo Moreno, Iago Aspas, Hugo Mallo… Toni Otero a également été recruteur pour le FC Barcelone, autant dire que Ramírez savait qu’il mettait un homme expérimenté et avec beaucoup de contacts à la tête de la direction sportive. Et on ne peut pas dire que Las Palmas a été inactif sur le mercato, l’une des premières grandes arrivées a été l’argentin Sergio Araujo, qui est revenu à Gran Canaria après un prêt en Grèce. Acteur principal de la montée en Primera División en 2015, son transfert à Las Palmas avait une valeur symbolique importante. Mais ce n’est que le début d’une longue liste d’arrivées sur l’île (transferts et prêts) : Nauzet Pérez, Mantovani, Fidel, Álvaro Lemos, Deivid, Juan Cala, Rubén Castro, Raúl Fernández, Rafa Mir, Hadi Sacko, Christian Rivera, Iñigo Ruiz de la Galarreta, Tomás Pekhart, Maikel Mesa et plus récemment Alberto De La Bella et Danny Blum. 16 joueurs. Le nombre est impressionnant surtout lorsque l’on se rend compte que dans l’équipe actuelle il reste seulement 7 joueurs de l’année passée. En plus, le club chercherait à recruter encore un milieu qui pourrait être David Timor du Girona FC. L’équipe a été transformée en profondeur, un grand ménage nécessaire pour donner une impulsion vers l’objectif qu’est la montée. Certains jugent ces 16 nouvelles arrivées excessives, mais au point où en était le club en fin de saison, des mesures radicales s’imposaient.
Un mercato intelligent
Nous avons affaire à un mercato digne d’une équipe de Liga, non seulement par rapport aux bons joueurs qui arrivent, mais aussi par rapport à l’intelligence du recrutement de Toni Otero. Nous parlons quand même d’une majorité de joueurs qui connaissent bien la première division et qui y ont joué très récemment. Juan Cala, Mantovani et De La Bella sont des défenseurs expérimentés qui savent gérer les duels contre des attaquants au jeu musclé. On dit souvent qu’une défense solide est essentielle dans la compétition très égalée qu’est la deuxième division espagnole. L’expérience et la solidité sont accompagnées par des jeunes joueurs prometteurs que représentent par exemple l’attaquant Rafa Mir et le milieu Christian Rivera, 21 ans chacun, qui trouvent à Las Palmas l’occasion de progresser dans un environnement compétitif aux ambitions claires. Le rôle de Rafa Mir et son 1m89 a pu être observé durant les premiers matchs, il va permettre de recevoir de longs ballons en hauteur et les orienter de la tête ou de les contrôler et les passer vers un coéquipier offensif, souvent Rubén Castro. Quant à Christian Rivera, ses premières minutes en “amarillo” ont laissé entrevoir un joli potentiel déjà remarqué à Eibar, mais le Gijonés sait faire plus et doit faire plus. Puis arrive indétrônable Rubén Castro qui a déjà fait parler son sens du but unique en marquant trois fois en deux matchs. Malgré ses 37 ans, il n’y a pas de doute sur le fait qu’il est un attaquant de haut niveau qui va briller en Segunda División. Il faut aussi souligner le fait que presque tous les postes sont doublés avec des joueurs qui seraient sans doute titulaires dans d’autres clubs de Segunda. Rien n’est laissé au hasard, le club a sorti le portefeuille.
Manolo Jiménez aux commandes
Le chef d’orchestre chargé du bon fonctionnement de ce groupe n’est autre que le sévillan Manolo Jiménez. Ceux qui suivent la Liga depuis plusieurs années se souviendront de son passage à Séville entre 2007 et 2010 et au Real Zaragoza entre 2011 et 2013, club qu’il sauve de la relégation dès son arrivée, puis avec lequel il descend en Segunda División l’année suivante. Après un passage au Qatar, l’entraîneur andalou s’est retrouvé à l’AEK Athènes avec qui il a gagné le championnat grec la saison passée. L’AEK de Jiménez s’est caractérisé par une défense solide et une bonne efficacité en attaque. La compétitivité et le franc parler de ce dernier sont des éléments indispensables pour relever le morose Las Palmas qu’on a vu l’année passée. Parfois catégorisé comme défensif, Jiménez cherche surtout la compacité de l’équipe et le travail de groupe, c’est un entraîneur pragmatique et travailleur qui sait s’appuyer sur la magie du football canarien lorsqu’il le faut et être plus direct et vertical si le contexte le demande. “Pour être en haut du tableau il faut être une équipe de gagnants et une équipe de gagnants doit avoir la balle. La seule manière de dominer un match est avec la possession du ballon, en regardant le but d’en face et, quand on ne peut pas, en regardant derrière. […] La UD [Las Palmas] est une équipe pour attaquer et doit attaquer”, a déclaré Jiménez après le match contre Reus, ce qui laisse entendre que l’équipe canarienne gardera une part de son identité du jeu de combinaison, même si la verticalité a été privilégiée sur presque tous les matchs. Quant à la prochaine saison, l’entraîneur des Pío Pío a été clair: tout ce qui n’est pas la montée en Primera serait un échec. Le premier palier à franchir est certes la montée, mais à travers ses choix de joueurs et d’entraîneurs l’Unión Deportiva Las Palmas montre que son projet s’inscrit sur plusieurs saisons.
Projet à l’arrière goût canarien
L’un des gros défis du club de ces dernières années a été d’intégrer des joueurs canariens à la première équipe sans tomber dans le piège de recruter uniquement par rapport à l’origine. Même si Manolo Jiménez a dit qu’au moment de choisir les onze titulaires il ne regarderait pas la carte d’identité, la direction sportive a quand même fait le choix de faire venir des joueurs canariens de qualité afin de redonner une certaine identité locale à l’équipe. Le gardien Nauzet Pérez a atterri cet été en provenance de Chypre pour retourner jouer sur son île natale tout comme la légende Rubén Castro. A ces deux s’ajoute Maikel Mesa, originaire de Tenerife, qui connaît bien la Segunda División après ses passages au Gimnàstic de Tarragona et à l’Osasuna notamment. Et l’arrivée estivale la plus controversée est celle de Deivid, formé au club, qui avait quitté l’Unión Deportiva en 2013 après le douloureux échec de la montée en Liga en barrages contre le Córdoba C.F. Le défenseur central est peu apprécié par une partie des supporters qui le considère comme un traître qui n’a pas hésité à quitter Las Palmas pour jouer en Liga en rejoignant le… Córdoba C.F. Au niveau du centre de formation, trois jeunes ont intégré la première équipe, l’attaquant Edu Espiau, l’ailier Benito et le latéral Diego Parras, reste à voir le temps de jeu que leur donnera Jiménez. Le club envisage tout de même les prêts de Benito et Espiau. Malgré les efforts du club pour garder une identité canarienne, il reste du travail pour améliorer la liaison entre le centre de formation et la première équipe et il est vrai aussi que les canariens arrivés cet été se situent tous vers la trentaine, voir plus.

Entre le réalisme et le rêve de Primera
La direction a de l’ambition et investit, l’effectif est l’un des plus talentueux et complet de Segunda División, l’entraîneur travaille beaucoup pour perfectionner le jeu de l’équipe, l’Unión Deportiva Las Palmas a décidément tous les ingrédients pour monter en Primera. La déception serait énorme si l’équipe échoue et reste en Segunda, le projet du club prévoit la Primera comme suite logique. Un projet solide sportivement et financièrement, sinon un entraîneur du calibre de Jiménez, qui était pisté par des clubs de Primera, n’aurait pas accepté le poste, tout comme certains joueurs comme De La Bella. Mais si la montée ne se réalise pas, combien de joueurs resteront ? Est-ce que Jiménez continuera au poste d’entraîneur ? Est-ce qu’il n’y a pas trop d’expectatives sur cette équipe ? Il est encore très tôt pour répondre à ces questions, mais une chose est sûre: il faut déjà franchir cet énorme défi qu’est la Segunda, une compétition compliquée, riche en rebondissements et aux fins de saisons très serrées. Cela n’empêchera pas chaque supporter “amarillo” de rêver avec son UD Las Palmas en Primera, menée par son désormais historique capitaine David García qui est devenu ce week-end le joueur du club ayant disputé le plus de matchs officiels (454). Le défenseur central porte le maillot Pío Pío depuis 2003, il a vécu la Segunda B, la Segunda et la Primera sous ses couleurs et pourrait vivre sa troisième montée de catégorie. Le chemin est encore long, mais si la direction, l’équipe et les supporters s’unissent au long terme Las Palmas peut rêver de tout. Unión.