Surprenant mais compréhensible: analyse du mercato du Barça

Barça

Alors que le Real Madrid prend son temps sur le marché des transferts, le Barça s’est activé vite et bien. Analyse des arrivées qui paraissent jusque-là cohérentes. 

Les voies de Josep Maria Bartomeu sont impénétrables. Du moins, en ce qui concerne Paulinho, dont il a réussi la performance de le renvoyer à l’expéditeur tout en faisant une plus-value. À vrai dire, dès le moment où la rumeur a commencé à circuler sur l’arrivée du Brésilien jusqu’à son départ un an plus tard, pas grand monde n’a saisi les tenants de l’affaire. Cette saison, le Barça fait des choses que l’on comprend. À commencer par avoir jeté son dévolu sur Clément Lenglet.

Lenglet, évidemment

Il y a des choses qui paraissent évidentes. Lenglet au Barça en était une, même pour Vincezzo Montella, son ancien entraîneur à Séville. « Il peut jouer dans un grand club comme le Barça dans le futur » avait déclaré l’Italien. Le Barça lui, a jugé que le futur, c’était immédiatement. Là où recruter pour n’importe quel poste s’avère un casse-tête pour des dirigeants catalans en difficulté, le cas Lenglet a été d’une simplicité inédite. Au-devant de la volonté du joueur de venir à Barcelone, il a suffi de verser le montant équivalant à sa clause libératoire, soit 36 millions d’euros. Premier avantage, le joueur connaît le championnat domestique. 52 matches en Liga, cela fait office de sacrée garantie. De plus, à 23 ans, il a encore tout le temps de progresser. Au fur et à mesure que Lenglet s’aguerrira, Gerard Piqué sera de moins en moins apte à tenir son rang. Avec cette venue, le Barça pense déjà à l’après Piqué.

Crédits : FC Barcelone

Autre point à créditer au compte du Français, son profil semble fait pour le jeu des Culés. Comme Umtiti et Piqué, Lenglet n’est pas un monstre de vitesse. Il compense ce déficit par une anticipation et un positionnement idoines, des caractéristiques indispensables au jeu de position. Impossible que les défenseurs passent leur temps à courir vers l’arrière, si l’on entend développer un tel jeu. Au contraire, ces derniers doivent être placés d’une façon à pouvoir défendre en avançant, ne laissant pas l’adversaire sortir de son propre camp. Lenglet est meilleur en défendant en avançant qu’en reculant, tout ce que son nouveau club chérit. À cela, il faut également ajouter une relance qui fait partie de ses meilleures armes. Tout semble déjà au vert à son propos. C’est là ce qui le distingue d’un autre nouveau venu : Malcom.

Malcom, tout reste à faire

Soyons clairs : le Brésilien a un grand potentiel, mais pour le moment, il n’a rien d’un joueur apte à briller sous le maillot barcelonais. Excessivement individualiste, son football n’est doté que de peu de variables : sa vitesse permise par un physique puissant, ses crochets la plupart du temps vers l’intérieur du terrain, et une bonne frappe aux 16m. « Il peut jouer des deux côtés, bien qu’il ait plus joué à droite. En quelque sorte, et il est similaire à Messi sur ce point, il repique du côté vers le centre » analyse son entraîneur à Bordeaux, Gustavo Poyet pour le journal As. Recevoir le ballon dans les pieds loin des buts, accélérer côté droit, rentrer à l’intérieur et dribbler ce qui se présente sur sa route, telle est l’action de prédilection de l’ancien bordelais. Problème, pour la mener à bien, il a besoin de deux composantes : de l’espace à attaquer et un couloir central accessible. Au Barça, il n’aura ni l’un, ni l’autre. Les adversaires ont tendance à réduire l’espace dans leur dos en reculant très bas et le couloir central est la propriété de Lionel Messi. Les choses s’annoncent corsées. Rajoutons alors une bribe d’amertume pour donner à la situation la saveur en bouche chiadée qu’elle mérite.

Tandis que Malcom a sévi à ses meilleures heures sur le côté droit, cette portion du terrain sera dévouée à Dembélé de prime abord. Il y a des les chances que le Brésilien doive s’exiler à gauche. Peu de mètres à attaquer, la nécessité de recevoir le ballon dans l’espace plutôt que dans les pieds, l’impératif de s’associer plus que jamais avec ceux qui l’entourent, rester écarté pour créer de l’espace à l’intérieur du jeu et ne pas pouvoir rentrer sur son pied gauche, Malcom va vivre dans un monde nouveau dès les prochains jours. Pour lui, tout est à apprendre, à l’instar de Dembélé, qui malgré son talent hors-norme, ne s’est pas encore intégré pleinement dans la structure de jeu des siens. Mais alors, les prédispositions de Malcom avec le style blaugrana étant aussi faibles, pourquoi diable l’avoir recruté ? 21 ans seulement, du talent, un prix de 40 millions qui suppose un faible risque et qui aurait valu le triple dans deux ans, font partie de la réponse. Tout élément arrivant au Barça a dû s’adapter longuement. Pour leur part, les offensifs gagnent du temps à coups de buts. Si Malcom arrive à le faire tout en s’accoutumant aux formes, il aura tout gagné.

Le roi/guerrier/versatile Arturo

Comme pour Malcom, le Barça a surpris et doublé tout le monde. Dès qu’il voit une opportunité sur le marché, Bartomeu dégaine. « Les mouvements du Barça sont conditionnés par sa précarité économique et sa haute masse salariale […] Malgré ce qui en a l’air, il ne peut pas signer ce qu’il veut« . 20 millions pour un joueur du pédigree de Vidal, c’était un cadeau venu du ciel. Il a coûté moins cher en émoluments de transfert que Paulinho, c’est dire… D’ailleurs, c’est bien le Brésilien que Vidal vient remplacer numériquement, et un peu aussi dans le profil. Peut-être que Valverde n’avait pas demandé Paulinho la saison passée. Peut-être… En ce qui concerne Vidal, pas de doute, le technicien basque l’a vu d’un bon œil. Paulinho a donné satisfaction dans son rôle, les Catalans continueront donc à exploiter la même veine. Cette veine, c’est celle du llegador, ce joueur qui affectionne arriver en second rideau aux abords de la surface, afin de marquer des buts aussi inattendus que bienvenus.

Cette description, c’est Guardiola lui-même qui l’a fait : « Il arrive très bien dans la surface. C’est celui qui apparaît, qui arrive. Arturo n’est pas un joueur très rapide entre les lignes. Il n’a pas l’habileté pour se mouvoir dans de petits espaces« . Malgré ses carences pour évoluer au centre du jeu, qui elles aussi peuvent rappeler Paulinho, la comparaison s’arrête là. Vidal a joué 48 matchs sous Guardiola, et ça, ça vous change un joueur. Avec ballon, il est loin d’être préoccupant (alors que Paulinho l’était). Si le poids de la création sous pression et sans espace lui retombe malencontreusement dessus, il souffrira. En revanche, si l’équipe arrive à l’extraire de l’exigence de l’élaboration, et qu’il peut apporter sa pierre à l’édifice ça et là, les rivaux peineront à le gêner et le Barça en ressortira grandi. Pourtant, c’est dans le jeu sans ballon que le Chilien va être le plus utile aux Blaugranas. 

Car Vidal est un presseur tout-terrain. C’est là que son apparence de guerrier trouve une résonance dans son football. À la perte, il presse en allant de l’avant. Dans ce collectif où Valverde a ressuscité la pression, l’incorporation de Vidal fait sens. On peut imaginer qu’il aidera Busquets dans un double-pivot défensif sans ballon, afin de couper les transitions offensives adverses. Pour le joueur formé à la Masia, ces dernières années ont été synonymes de tourments grandissants à l’heure de défendre dans de grands espaces, esseulé qu’il est devenu. Vidal pourrait être un allié de poids.

Indépendamment du rendement du Chilien qui reste une énigme, sa dernière saison ayant été mauvaise, son arrivée est une nouvelle illustration d’un mal pour beaucoup de socios : le Barça ressemble toujours moins à ce que Cruyff aurait voulu. Vidal, c’est encore un pas vers la dénaturation du style. Mais pour compenser cet élan vers l’étrange, le Barça a signé Arthur Melo, un garant du style.

Arthur, enfin le successeur ? 

Arthur Melo, dont on connaît finalement peu de choses. L’approche pourrait néanmoins être résumée comme suit : le Barça a désespérément besoin d’un remplaçant et successeur à Busquets. Les dirigeants estiment qu’un tel joueur n’existe pas à la Masia, ou n’est pas encore prêt. Sur le marché européen, il n’y a guère que Weigl ou Rabiot qui incarneraient ce profil, mais le Duc refuse de jouer à un tel poste. La solution choisie est ainsi de se tourner vers le Brésil, où un jeune joueur de Grêmio se distingue dans ce registre. Pourtant, là encore, un travail important va être nécessaire, tant ce milieu n’a encore rien du mediocentro ou pivote typique du club culé. À moins qu’Arthur soit un interior (milieu relayeur) et pas un mediocentro…

Crédits : barcablog.com

Pour l’instant, le doute est permis. Lors de ses premiers matches sous le maillot bleu et grenat, il a joué comme interior. Par contre, au Brésil, sa position rappelle celle du mediocentro. Il convient toutefois d’émettre une réserve. Dans le Brasileirão, Arthur se baladait un peu partout sur le pré, quitte à se retrouver dans des zones parfois incongrues pour un milieu de son genre. Le côté désordonné du championnat brésilien a fait de lui un joueur assez peu positionnel. Le garçon qui affectionne le jeu de passes courtes, et selon ses dires « gérer le rythme du match« , fait preuve d’une initiative au départ des actions qui sera bienvenue dans son nouveau club. Il est enclin à dribbler puis accélérer balle au pied en attaquant l’espace laissé libre pour faire progresser son équipe. C’est d’ailleurs une de ses actions caractéristiques, où il résiste victorieusement au corps à corps avec son adversaire avant de passer le ballon. À défaut d’avoir une passe qui casse les lignes, il a dans son attirail un autre mouvement très barcelonais : le giro. Ses nouveaux supporters sauront apprécier les séquences que Busquets et Xavi font si bien, qui consiste à se défausser de la pression du rival en effectuant un demi-tour avec le ballon collé à son pied. Trouver des joueurs qui plairont aux supporters, ça aussi ça fait partie d’un mercato réussi. L’ancien de la maison, Deco, va dans ce sens : « ils vont être heureux avec Arthur parce que c’est un joueur qui a l’ADN blaugrana à 100%. C’est avant tout un footballeur qui aime avoir le ballon et c’est ce qu’on valorise au Barça« .

Elias Baillif 

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