Quand Chicharito est devenu ChichariDios le temps d’une soirée au Real Madrid

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Crédits : L’Equipe.

Son Mexique affronte le Brésil pour une place en 1/4 de finale dans ce Mondial 2018. Chicharito est enfin le titulaire en pointe, celui qui doit finir les actions. À 30 ans et après avoir porté la tunique de Manchester United et du Real Madrid, il était temps. Retour sur son passage dans la capitale espagnol et ce soir magique où Javier Hernández a terrassé el eterno rival en Ligue des Champions.

L’histoire du footballeur Chicharito est peu commune. Le qualificatif qui nous vient directement à l’esprit quand on revient sur la carrière du « Petit petit pois » est : comte de fée. Pourquoi ? Parce qu’il a joué et a été champion avec son club de cœur des Chivas, que son premier club européen fut Manchester United, son deuxième le Real Madrid, qu’il a marqué lors de 3 Coupes du monde et qu’il fait partie des Mexicains les plus connus de ce côté-ci de l’océan Atlantique. Cependant, dans les faits, les choses sont différentes. Javier Hernández semble vivre une carrière sans en prendre les rênes, incapable de s’imposer dans un grand club alors qu’il a le talent et les stats pour. À Manchester United, il a un des meilleurs ratio buts/minutes et pourtant il n’a jamais vraiment fait l’unanimité, toujours dans l’ombre de Robin Van Persie et Wayne Rooney, dans un rôle de Super Sub à la Ole Gunnar Solskjaer. Pire : quand un Falcao convalescent est envoyé au vert chez les Red Devils par Jorge Mendes, c’est lui qui est prié de plier bagages pour lui faire la place.

La panic buy du Real Madrid ?

Alors qu’il est plus ou moins sur le marché, cela ne se bouscule pas vraiment au portillon. Javier Hernández traîne son étiquette de remplaçant de luxe comme un fardeau. Le Mexicain ne fait pas de vague sur le banc et répond toujours présent quand il rentre ou est titulaire après 3/4 matchs à ronger son frein. Ce caractère trop lisse lui a sûrement joué des tours. Chicharito n’est pas un joueur qui va taper du poing sur la table. Il subit sa situation, quitte à se morfondre pour ne pas créer de malaise dans l’effectif. Ce 1er septembre 2014 quand il rejoint le Real Madrid, on se dit qu’il pourrait enfin éclore dans la peau d’un titulaire malgré la rude concurrence.

« C’est un rêve qui devient réalité » Chicharito lors de sa présentation à Madrid.

Sauf que c’est la même rengaine qui se reproduit. Comme un disque rayé qui bloque sur le même passage d’une chanson, l’attaquant prend place sur le banc et attend patiemment son heure. Le Real Madrid sauce 2014/2015 sort d’un titre en Ligue des Champions sous la houlette de Carlo Ancelotti. Année de Coupe du monde oblige, certains joueurs auteurs de performance de haut niveau voient leur destin basculer. C’est le cas de Keylor Navas qui rejoint la Maison Blanche et de James Rodriguez qui quitte la tranquillité de Monaco pour devenir un rouage majeur des Vikingos. Toni Kroos, tout juste champion du monde, rejoint lui aussi la capitale espagnole. Bien qu’orphelin d’Ángel Di María et Xabi Alonso, l’effectif s’est considérablement renforcé.

« J’ai été très patient, j’ai gardé la foi. Ça a toujours été ma vie, ramer à contre-courant. J’ai vécu des mois très difficiles. Plus que déprimé, j’étais frustré parce que je voulais aider l’équipe. Je me suis demandé si j’avais le talent pour jouer à Madrid » Chicharito dans AS.

Chicharito arrivé en toute fin de mercato n’a pas pris part à la préparation d’avant-saison. Il doit se mettre dans le bain. Il dispute ses premières minutes lors d’un derbi de Madrid face à l’Atleti. Lors de son deuxième match, il trouve le chemin des filets 2 fois en 13 minutes, face au Depor. Javier Hernández semble en forme et, comme en Angleterre, il est décisif dès qu’on fait appel à lui. Mais comme à Manchester United, il n’est pas un titulaire pour Carlo Ancelotti. En janvier 2015, Chicharito a débuté un seul match de Liga, 2 de Ligue des Champions et 2 de Copa del Rey. Durant cette période où bien souvent il se contente d’une poignée de minutes en toute fin de match, ses 4 buts et 3 passes décisives sont des statistiques plus qu’intéressantes.

Proche de la dépression avant la libération

En ce premier mois de l’année, Chicharito traîne son blues. La presse espagnole s’inquiète même de sa santé mentale. Et s’il tombait en dépression ? Le Mexicain ne semble pas préparé pour le top niveau européen, Sportivement, il a le niveau mais aucun de ses coachs n’a vu en lui un titulaire incontournable. Le mois d’avril 2015 est un tournant dans son passage à Santiago-Bernabéu.

Crédit : l’Equipe.

Karim Benzema et Gareth Bale enchaînent les petits pépins physiques. Javier Hernández en profite pour débuter le plus de match : 4 en Liga et 1 en Ligue des Champions. Comme à son habitude, il saisit sa chance. Il trouve les filets 3 fois et adresse 3 passes décisives en Liga.

Idole d’un soir au Bernabéu

L’histoire du Mexicain à Madrid aurait pu s’arrêter là, se limiter à ce remplaçant pas très bien dans ses crampons qui a juste fait un bon mois d’avril quand on a eu besoin de lui. Sauf que durant ce fameux mois, le Real Madrid affronte l’Atleti en 1/4 de finale retour de C1. Absent de la première manche qui s’est soldée par un score nul et vierge, il est titulaire dans l’antre des Vikingos. L’histoire récente du derbi de Madrid est particulière. En championnat, le Cholismo domine la Maison Blanche, la cadenasse. En Europe en revanche, les Merengues sont les seuls à prendre le dessus sur les Indios.

Cette match retour est conforme aux attentes. C’est un remake de la dernière finale de C1. Le Real Madrid ne réussit pas à prendre l’avantage. Oblak sauve la maison rojiblanca. Chicharito est plutôt discret dans ce duel. Peu tranchant, il multiplie les déplacements mais est peu servi. C’est Cristiano Ronaldo le réel protagoniste de cette affaire. Le match est serré et les coups pleuvent. Sur une intervention trop rugueuse et pour l’ensemble de son œuvre, Ardan Turan est exclu à la 76e minute.

Le match se tend encore plus. Personne ne veut lâcher et commettre la faute qui les éliminera. Sur une combinaison entre James et Ronaldo, le Portugais se retrouve en bout de course au point de penalty. Il ne peut pas frapper, il s’arrache pour tacler le cuir en direction de Chicharito. Le Mexicain reprend le ballon assez bizarrement. Une fois n’est pas coutume, Oblak est en retard et… but ! Le numéro 14 exulte, court, hurle et en oublie même de saluer le passeur qui lui a permis de trouver l’ouverture. Une célébration que Thierry Henry n’avait pas apprécié des masses.

« Pour moi, c’est le but de Ronaldo. A cet instant-là, il ne pouvait pas tirer donc il n’a pas pris le risque de faire quelque chose de stupide. Il a vu quelqu’un en meilleure position. C’était Chicharito. Et il lui a donné le ballon. Ce que je n’aime pas, c’est qu’après le but, Chicharito avait l’air d’avoir gagné la Coupe du monde. Il n’avait qu’à mettre le ballon au fond, se retourner et célébrer avec Ronaldo. Il peut remercier Ronaldo » Thierry Henry sur la BBC, un peu énervé.

L’histoire de Javier Hernández au Real Madrid prend un tournant surprenant. Avec ce but, il enfile le costume du sauveur lors d’un match symbolique. Le Mexicain fait la une des journaux madrilènes, les socios vont jusqu’à demander son transfert définitif, comme pour le remercier de ce but si important pour eux. Or, le statut Chicharito ne change pas. Il retrouve son statut de remplaçant face à la Juventus en 1/2, duel perdu par les Vikingos.

« Ma famille et mes proches m’avaient dit d’être patient, de continuer à travailler parce que tôt ou tard, les opportunités arriveraient. Et elles sont arrivées »
Javier Hernández qui résume sa carrière.

Bien que titulaire lors des derniers journées de championnat et encore décisif, le prêt de Chicharito ne se transforme pas en transfert sec et le Mexicain retourne en Angleterre avec le sentiment du devoir accompli mais pas totalement achevé. Son nom reviendra régulièrement dans les transferts possibles pour suppléer Karim Benzema, toujours critiqué mais toujours indéboulonnable chez les Vikingos. Depuis, il a connu deux autres maillot, celui de Leverkusen (76 matches, 39 réalisations, une moyenne de 0,55 but par match toutes compétitions confondues) et West Ham (33 matches, 8 buts, une moyenne de 0,26 but par match toutes compétitions confondues). Malgré son étiquette d’éternel remplaçant, Chicharito doit désormais assurer son statut d’arme numéro 1 à la pointe d’El Tri. Contre le Brésil, c’est le moment ou jamais pour retrouver le parfum de ce match d’avril au Bernabéu.

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

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