En 2013, la Rojita réalisait un exploit incroyable, remporter un deuxième Euro U20 consécutivement. Emmené par une équipe de cracks dirigée par Julen Lopetegui, la Sub20 a ébloui tous les suiveurs. Cette Coupe du Monde est le moment parfait pour un passage de témoin et une prise de pouvoir de cette génération 92.
En ce doux mois de juin 2013 à Jérusalem, l’Italie défie l’Espagne en finale de l’Euro U20. Ce tournoi qui avait fait polémique dans le milieu du foot par rapport au pays hôte a laissé une marque bien plus profonde dans le sport espagnol. Les hommes de Julen Lopetegui impressionnent. La Rojita domine toutes ses rencontres. Le toque est maîtrisé, Thiago Alcántara et Isco sont à la manœuvre pour conduire un groupe incroyable vers un deuxième titre consécutif.
Malgré quelques soucis sur la scène mondiale (l’Espagne n’a pas gagné l’or olympique depuis les JO de Barcelone en 1992 ni la Coupe du Monde espoirs depuis 1999, atteignant la finale pour la dernière fois en 1993), la Rojita fait régner sa loi sur le Vieux Continent et s’adjuge un 4e titre. Malgré une opposition de bonne facture en finale contre la Nazionale (Ciro Immobile et Marco Verratti sont titulaires notamment), la Rojita l’emporte 4-2 avec un triplé de Thiago. A la mi-temps, l’affaire était déjà entendue puisque le score était déjà de 3-1.
La domination est nette et cette génération ne demande qu’à éclore chez les grands. Sauf que le chemin fut tortueux. Le titre de 2011 était attendu mais celui de 2013 marque un vrai tournant. Cette Rojita a gagné en s’appuyant sur des principes identiques à la grande : 4-3-3, possession et domination. Désormais, il faut prendre le pouvoir avec la Roja.

2016, la surprise Lopetegui
Le nouvel entraîneur du Real Madrid s’est fait remarquer lors de son passage sur le banc des espoirs espagnols. Julen Lopetegui est arrivé en 2010 à la Fédération, d’abord comme sélectionneur des U19. Après le fiasco des JO 2012 (la Rojita est devancé en phase de groupe par le Japon et le Honduras), l’ancien gardien de but est monté en grade. En 2014, après ce titre à l’Euro espoir, il rejoint Porto, sa première expérience d’entraîneur avec l’équipe fanion depuis son bref passage au Rayo Vallecano en 2013. Les résultats obtenus déçoivent et il est viré début janvier 2016.
Six mois plus tard, la Roja se retrouve sans sélectionneur. Le batacazo de l’Euro 2016 a suivi le marasme du Mondial 2014. Vicente Del Bosque part et paradoxalement, alors que les techniciens font école partout dans le monde, les postulants ne sont pas légion. Míchel González et Joaquín Caparrós sont les favoris. Pourtant, c’est bien le Basque, très discret, qui est nommé. Son passé de Míster de la Rojita a parlé pour lui. La campagne de qualification pour la Coupe du Monde en Russie est aboutie. Lopetegui en s’appuie sur des jeunes qui étaient des cadres de sa Rojita championne d’Europe en 2013. En quelques mois, il a redonné une identité de jeu à la Roja avec un retour aux principes de base, un milieu dominateur et des ailiers qui apportent mais qui savent apporter de la variation, une obligation car après sa période d’ultra-domination entre 2008 et 2012, l’Espagne était devenue prévisible.
Ainsi, combinant à la fois le toque et une dose de furia, Lopetegui a apporté plus de verticalité, notamment grâce à l’incorporation de Diego Costa même si les débuts de la Bestia ont été poussifs. Contrairement à Del Bosque qui naviguait à vue depuis l’Euro 2012, le Basque sait où il va et ça se voit. L’Espagne finit largement en tête de son groupe : 1 seul petit nul et 9 victoires dont une démonstration face à l’Italie à Santiago-Bernabéu (3-0). Signe que Lopetegui a amorcé ce virage générationnel, Thiago est titulaire 7 fois sur 10, Isco toujours dans le groupe, y compris quand il est en galère au Madrid, et auteur d’un partidazo face à l’Italie.
Koke-Thiago-Isco : les chouchous du coach
Parmi les 23 joueurs choisis par le désormais ex sélectionneur de la Roja, 8 étaient du sacre de 2013 et 3 étaient titulaires face au Portugal. Comme d’habitude en Espagne, c’est le milieu qui attire l’attention. Lopetegui comme ses prédécesseurs a construit sa réussite avec un milieu à 3 d’excellente facture. Koke et Thiago étaient associés devant Illaramendi en finale de l’Euro espoirs en 2013, Isco était plus haut et plus libre sur le terrain. Ce schéma est reproduit dans la catégorie au-dessus. C’est la base de travail de Lopetegui qui les a responsabilises grandement. Ce trio montre aussi la variation voulue par le technicien basque. Koke, bien qu’étant un grand nom de la Liga, n’a jamais eu de vrais match référence avec la Roja… jusqu’à vendredi dernier contre le Portugal. Son style « cholista » se marie moins avec celui de la Roja mais son volume de jeu, sa technique, son endurance et son intelligence tactique semble enfin opérer avec la Selección.
Face au Portugal, Koke a été l’un des meilleurs sur la pelouse. Thiago, en revanche, est resté sur le banc avant de remplacer Don Andrés Iniesta à l’heure de jeu. Le joueur du Bayern paraît avoir du mal à franchir le cap malgré sa grande qualité de passe. Isco quant à lui était le vrai chouchou de Lopetegui. Avec les espoirs, il avait totalement les clés du camion ; avec la Roja, il lui a toujours fait confiance, même au fond du trou chez les Vikingos. C’est sans aucun doute cette confiance inaliénable qui a permis au numéro 22 de la Selección de ne pas sombrer. L’Andalou est toujours performant avec la Roja et il l’a une nouvelle fois montré contre les Quinas. Fernando Hierro a remplacé Lopetegui mais la logique reste la même : faire que la transition générationnelle se passe le mieux possible, tout en postulant sérieusement à une deuxième étoile mondiale.
Par rapport à son passé et son expérience, ce noyau dur de l’Euro espoir 2013 éclot enfin avec la Roja et l’Espagne envisage sans trop de craintes le départ progressif des trentenaires (Sergio Ramos, Gerard Piqué, Andrés Iniesta, David Silva, Sergio Busquets, pour citer les principaux). Un autre joueur présent en 2013 peut avoir son mot à dire lors de ce Mondial : c’est Rodrigo Moreno, actuellement numéro 2 de la hiérarchie derrière Diego Costa. Cette génération 92 connaît son rôle pour permettre à l’Espagne de 2018 d’aller chercher une 2e Graal et d’initier peut-être un nouveau cycle vertueux. Le talent est là, mais il s’agit de confirmer, d’autant que des joueurs comme Marco Asensio et Saúl Ñíguez trépignent déjà d’impatience. Quoi de mieux qu’une Coupe du Monde pour frapper un grand coup ?
Benjamin Bruchet