
Julio Salinas est un joueur particulier, un attaquant au style atypique et à la dégaine surprenante. Il a été un membre de la Dream Team de Cryuff et un montre important de la Furia Roja. De ses débuts à l’Athletic, à la J-League en passant par le Barça et le Mondial 94, retour sur la trajectoire d’un attaquant capable de tout.
L’histoire de Julio Salinas est singulière en Espagne. Attaquant longiligne, il a toujours eu un sens du but sur-développé mais aussi une fâcheuse tendance à frustrer. Le Basque est capable de marquer des buts incroyables, dans des situations ou des positions ubuesques mais de rater des choses toutes simples où un plat du pied suffirait. Il n’a jamais vraiment fait l’unanimité, peut-être parce qu’il n’était jamais vraiment le plus talentueux dans les effectifs, sûrement parce qu’il était d’un naturel plutôt discret. Retour sur le parcours de Salinas, où se télescopent Dream Team de Cruyff, Furia Roja et J-League.
De l’Athletic au Barça
Julio Salinas est un natif de Bilbao, un pur Basque logiquement repéré et biberonné par les Leones. En 1981, il rejoint la filiale du club de Bilbao alors en Segunda. L’équipe fanion vient de signer Javier Clemente qui va conduire l’équipe à 2 titres de champions consécutifs. Pendant que l’équipe une fait des ravages avec un style agressif et une organisation militaire, Salinas se régale à l’étage inférieur. Il conduit le Bilbao Athletic aux sommets de la Segunda et finit même Pichichi en 1983-84. Des performances qui lui permettent de faire la navette avec le groupe pro mais ce n’est qu’en 1984 qu’il s’impose comme un titulaire indiscutable en Liga. Sauf que la période de gloire de l’Athletic est terminée. Bien que performant, les titres ne sont plus au rendez-vous.
En 1986 alors qu’il n’est pas encore le goleador que l’on connaît, Julio Salinas quitte son club formateur pour les tourbillons de Madrid, à l’Atleti. Les Colchoneros alors coaché par Luis Aragonés sont dans une bonne période et sortent notamment d’une finale européenne perdue. Rapidement Salinas explose. Titulaire indiscutable il fait trembler les filets une quinzaine de fois par saison lors de ces deux années dans la capitale espagnole. Il a alors 26 ans et commence enfin à faire parler de lui.
Membre de la Dream Tream de Cruyff
International depuis quelques temps, buteur enfin reconnu, Julio Salinas voit de très grands clubs s’intéresser à lui. Johan Cruyff vient d’être nommé entraîneur du Barça et il recherche des joueurs pour composer son équipe. Salinas est sur cette liste et en 1988, il rejoint les Culés. Cette Dream Team est un savant mélange de joueurs basques, de joueurs catalans et de stars étrangères. Les premières saisons sont excellentes pour Salinas sous les ordres du Hollandais volant : 20 buts en 88-89, 15 la saison suivante. Il marque notamment lors de la finale de la Coupe des vainqueurs de Coupes en 1989 face à la Samp. Il est aussi de la victoire en Copa Del Rey la saison suivante. L’attaquant a 28 ans et semble au sommet de son art, d’autant qu’il a pris part à 3 compétitions majeures avec la Roja.

En 1990 le Barça fait signer Hristo Stroichkov. On se prend à rêver d’une association entre le Basque et le Bulgare, sauf Salinas disparaît petit à petit de la circulation et ne fait plus partie des titulaires pour Cruyff. Surtout, l’Espagne est moins en réussite devant les bois. Il reste cependant une solution de rotation crédible et ses entrées sont souvent intéressantes. On peut prendre en exemple le match face à Albacete où le Barça finit par l’emporter après avoir été mené 1-0 grâce à un doublé de Salinas remplaçant au coup d’envoi. Au total, il glane 4 Liga consécutives avec le Barça et une Ligue des Champions avant de plier bagage en 1994.
Salinas et le Mondial 94
Bien que son temps de jeu soit fortement réduit, Julio Salinas a toujours la confiance de Javier Clemente alors sélectionneur de la Roja. L’Espagne n’a pas réussi à se qualifier pour l’Euro 92 en Suède et est en quête de nouveaux repères. Clemente change beaucoup de choses : fuera la Dream Team de Cruyff et buenos días l’épine dorsale du Real Madrid. Le beau jeu, ce n’est pla ce qui est recherché : Clemente veut de la discipline et des coups. La Furia Roja dans toute sa splendeur. Pour le Mondial 94 aux Etats-Unis, Julio Salinas est titulaire en pointe. L’Espagne ne fait pas partie des favoris mais se hisse en 1/4 de finale.
Dans ce match, qui est celui qui scellera la Furia Roja, l’Italie joue des coudes dans la surface. Luis Enrique s’en souvient encore, lui qui a eu le nez explosé par un codazo de Mauro Tassotti. L’Espagne joue un jeu fort sympathique et semble capable de faire vaciller l’Italie de Roby Baggio. Bien que menée, la Roja réussit à refaire son retard à l’heure de jeu. Salinas rode dans la surface et multiplie les appel sen profondeur entre les deux centraux transalpins. Une passe lobée arrive en direction du Basque qui s’engouffre dans la brèche et s’en va jouer un 1 contre 1 face à Gianluca Pagliuca. L’issue ne peut être qu’un but espagnol qui enverrait l’Espagne en 1/2… sauf que Salinas s’emmêle les crayons, tergiverse et finit son appel avec une frappe molle que le portier transalpin arrête facilement. A la 88e minute, Baggio, lui, ne tremble pas et envoie les siens dans le dernier carré. Salinas vient de montrer au monde entier quel genre de joueur il est : un buteur incroyable mais capable de manquer un gol cantado.
La J-League des années 90 ou le sanctuaire des légendes
Julio Salinas devient rapidement le symbole d’une Roja qui plafonne en quart, incapable de passer le cap malgré des circonstances favorables, victime d’une défaillance mentale. Cette année 1994 sonne aussi le départ de Salinas du Barça. Il rejoint le Depor pour une saison, histoire de retrouver des sensations et de finir 2e de Liga. Ensuite c’est au Sporting de Gijón qu’il pose ses valises. Sa première saison est très bonne, la deuxième très moyenne. Julio Salinas a déjà 35 ans, les jambes commencent à peser et il ne semble plus être vraiment au niveau pour la Liga et le football européen.
A cette époque, un championnat asiatique fait beaucoup parler. Le Qatar n’est pas encore devenu un Eldorado et la ligue US bat de l’aile. C’est le Japon qui devient à la mode. Les stades sont pleins, la ligue a de l’argent et les clubs sont ambitieux. C’est Zico, qui en sortant de sa retraite fait basculer la J-League dans le strass et les paillettes. Pas mal d’entreprises florissantes récupèrent un club local et injectent des yens dans les caisses. Rapidement c’est l’escalade : des joueurs comme Dunga, Dragan « Pixy » Stojkovic, Txiki Begiristain, Michael Laudrup ou encore Bebeto rejoignent le Japon. Parmi cet océan de stars, Salinas pose son baluchon au Yokohama Marinos.
La première saison du Basque en J-League est remarquable. Il trouve le chemin des filets 21 fois. Durant longtemps, il a même détenu le record du nombre de matches consécutifs en ayant trouvé au moins une fois le chemin des filets au Japon avec une série de 8 parties consécutives. Il a un ratio de 0,7 but/match avec son club japonais, ce qui fait encore de lui l’un des meilleurs buteurs de l’histoire du championnat nippon.
Salinas, un homme de média
Après une deuxième saison moyenne, Julio Salinas quitte le Japon et retourne en Espagne, à Alavés. De retour au Pays basque pour deux petites saisons, la magie s’est un peu envolée, même s’il ne franchit pas la barre des 10 buts en championnat et semble de plus en plus court pour le haut niveau, il conserve des statistiques honorables pour un joueur de cet âge. Histoire de boucler la boucle, il dispute son dernier match professionnel face à Athletic, là où tout a commencé.
Dès la fin de sa carrière, il devient consultant et surtout commentateur pour la télé. D’abord pour RVTE et ensuite pour la Sexta, Salinas devient un personnage audiovisuel reconnu. Il participe même au Danse avec les Stars espagnol ! Le Basque a toujours eu une appétence particulière pour les médias. Déjà à Barcelone alors qu’il était joueur, il est recruté par une chaîne pour présenter Fantastic, un programme sur la vie du vestiaire catalan avec notamment Pep Guardiola. Une décision qui rendra fou Cruyff, exigeant que l’émission ne soit jamais tournée sous peine d’exclure totalement l’attaquant de l’équipe.
Julio Salinas reste un joueur connu et reconnu en Espagne sans pour autant être une légende. Il a pourtant disputé 5 compétitions avec la Roja, disputé près de 500 matchs de Liga, a une armoire à trophées plus que garnie mais reste toujours un joueur qui aurait pu faire mieux. L’échec en 94 face à l’Italie reste dans la tête de beaucoup de monde. Salinas a aussi connu la J-League des stars. Bien qu’actuellement plus en retrait face à CSL indienne et les championnats du Moyen-Orient, le Japon semble capable d’attirer de nouveau des stars. Finalement, Andrés Iniesta ne fait que suivre le chemin tracé par Julio Salinas, précurseur au pays du Soleil Levant.
Bruchet Benjamin
@BenjaminB_13