Le Pérou, pays d’Amérique du Sud jadis sous l’empire Inca puis sous royauté espagnole, a connu son indépendance il y a 2 siècles. Le football y a tenu et tient toujours une place de choix. Absente de la Coupe du Monde depuis 36 ans et sa dernière apparition lors des phases de poules en 1982 en Espagne, le Pérou se retrouve dans le groupe C avec la France, l’Australie et le Danemark pour son retour en phase finale. Portrait de trois joueurs péruviens qui ont évolué en Espagne.
Hugo « El Cholo » Sotil
Cholo : personne d’origine indienne au sang espagnol

Un recrutement inattendu
« Monsieur, quatre gringos sont là pour vous rencontrer », a murmuré sa gouvernante un soir de 1973.
« C’est bizarre, il n’y a que des Indios qui viennent ici », pensa Hugo Sotil.
« Nous sommes venus voir Nene Cubillas, nous pensions le recruter. Puis nous avons été impressionnés par vos dribbles, votre audace, vos crochets… « .
Ce soir-là, ils lui proposent sans hésitation un contrat pour venir jouer en Liga. Hugo Sotil accepte immédiatement avant même de savoir pour quelle équipe il allait jouer. Ils ont signé des papiers, payé le Deportivo Municipal pour le transfert et deux jours plus tard, El Cholo était en route pour écrire sa légende.
À l’atterrissage en Catalogne, à sa grande surprise, deux cents journalistes l’attendent à l’aéroport. Il est stupéfait de voir l’intérêt qu’il suscite. Quelques heures plus tard, au Camp Nou, subissant la visite médicale de routine, il est amusé d’entendre les médecins déclarer qu’il avait «le physique de l’ancien roc Blaugrana : Kubala».
« Ils pensaient que tous les Péruviens étaient frêles. Ils ne s’attendaient pas à avoir affaire à un mec costaud comme moi « , a-t-il déclaré à un journaliste espagnol, quelques années plus tard.
Les premiers mois : régalade et fiesta
Au départ, Sotil a du mal à s’adapter à son nouvel environnement européen et à comprendre les exigences tactiques de Michels. Mais tout a changé lorsque l’Hollandais Johan Cruyff a rejoint le Barça. Il l’avait déjà rencontré lors d’un match amical entre le Pérou et les Pays-Bas l’année précédente. Cruyff a très vite été impressionné par la technique du Péruvien. « Le gars est comme un 4×4: il est fatigué et quelques instants plus tard, il est dans la surface adverse. Il est très rapide. Les médias disent que c’est un chien sur le terrain, mais c’est l’équivalent de deux joueurs . Il ne marque pas beaucoup, toutefois, il dirige l’équipe. Il est notre manager sur la pelouse »( El País, 2015 ).
Une amitié entre les deux joueurs se développe spontanément, notamment parce qu’ils sont les deux seuls étrangers de l’équipe, bien qu’ils soient d’origines et de cultures très différentes. De plus, ils ont la même curiosité pour la politique et la société espagnole. Ils deviennent alors des âmes sœurs.
La situation dans le pays reste un peu tendue car l’Espagne vit encore sous la rigueur du régime franquiste. Cependant le Péruvien et le Néerlandais réussissent à s’éloigner du centre d’entrainement et à aller en ville, surtout le dimanche après les matchs; soit pour acheter des chemises à fleurs et des pantalons à pattes d’éléphant, soit pour fréquenter les boîtes de nuit. Parfois, ils partent en balade en moto ou dans la Ferrari jaune de Sotil.

« Nous avons passé de très bons moments cette saison-là. Nous l’avons vécu comme une aventure sans lendemain à cause de l’incertitude causée par le gouvernement militaire. Hugo et moi, nous sommes très bien entendus. Il y avait beaucoup de respect mutuel. C’est pourquoi il appelé son fils Johan » Johan Cruyff ( El Comercio, 2013 ).
« Mamita, campeonamos! »
« Je n’ai jamais pensé que la victoire aurait un tel impact. Quand nous sommes rentrés à Barcelone, il y avait des gens qui pleuraient à l’aéroport. Le seul point négatif était que Cruyff ne m’a pas laissé célébrer mon but. Il m’a attrapé par le cou et a crié: « Nous sommes à Madrid. » Je lui ai dit : « Arrête ! Tu veux qu’ils nous tuent tous? « (El País, 2015).
Comme les Catalans s’en souviennent encore, l’équipe a remporté le championnat à cinq matches de la fin, grâce à une victoire sur le Sporting de Gijón. Ce jour-là, un Sotil euphorique, trophée à la main, a crié une expression péruvienne que les fans répètent encore aujourd’hui: « Mamita, campeonamos! ».

La disparition
Il est difficile de savoir ce qui est arrivé à Sotil après cette première année époustouflante. Comment a-t-il perdu sa place dans l’équipe alors qu’il avait été un tel joueur? La version officielle, corroborée par Cruyff, est qu’il a été victime de la restriction sur le nombre de joueurs étrangers autorisés à jouer. Ayant recruté le Batave Johan Neeskens la saison suivante, ses amis du club convainquent Hugo d’obtenir la nationalité espagnole pour jouer sans restriction.
Il accepte, mais le processus se révéle insupportablement lent, et il est tenu à l’écart de l’équipe par la paperasserie bureaucratique. Ils l’ont même envoyé jouer des matchs d’exhibition en Belgique et en Hollande pour le garder en forme, mais il n’était plus le même. À la fin, Neeskens (qui était aussi le beau-frère de Cruyff) a pris sa place sur le côté.

La débauche
L’autre explication, peut-être celle qui est la plus vraie, suggère que Sotil s’est perdu à cause de la célébrité, des femmes, de l’alcool et de son attrait pour le luxe comme avec sa Ferrari jaune achetée après un mois de paie à son arrivée au Barça.
Bouteille de champagne sur bouteille de champagne, Ferrari jaune devant les discothèques barcelonaises chaque soir : voilà le quotidien du Péruvien durant ces années en Catalogne. Sa mauvaise hygiène de vie est la cause de son déclin footballistique. Mais indépendamment de sa fortune personnelle et de la manière dont il a géré les choses, le Péruvien reste une figure sacrée en Catalogne et dans l’histoire du football espagnol.

Flavio « Maestro » Maestri

Au milieu des années 90, un attaquant péruvien du nom de Flavio Maestri débarque au Herculés alors en première division. Il est précédé par sa réputation de goleador. Il y joue 2 saisons, une en Liga,une autre en Segunda et restera à jamais un héros dans le club d’Alicante.
Un début péruvien en fanfare
Maestri commence sa carrière au Sporting Cristal au Pérou en 1989. Il y remporte trois titres nationaux et a un ratio de 0,6 buts par match, soit 78 buts en 130 matchs. Depuis plusieurs années, les sirènes du vieux-continent tentent de l’attirer mais ce n’est qu’en 1996 qu’il décide de passer le cap et poser ses valises dans la communauté valencienne, au Herculés Alicante.
Un début espagnol en trombe avorté
Avec l’aide de son agent Augusto Olivares (directeur d’IMAGE, International Managers Agency), le transfert est devenu effectif en 1997, Flavio faisait déjà partie de l’effectif et commence son aventure espagnole de la meilleure des façons. Il marque plusieurs buts montrant sa grande efficacité offensive. Cependant, les problèmes sont arrivés assez rapidement. La sélection péruvienne dispute les éliminatoires pour le Mondial en France en 1998 et Flavio est indiscutable dans l’équipe blanquirroja. Le technicien d’Herculés, Quique Hernández, voit d’un très mauvais œil les nombreux voyages effectués par son joueur entre l’Europe et le continent sud-américain. Il lui demande même de ne plus jouer pour l’équipe nationale. L’attaquant ignore cet ordre et cela provoque une attitude hostile envers lui. Pour aggraver les choses, le club est relégué et descend en Segunda. Maestri marque 6 buts lors de sa première année et 6 autres en deuxième division, la saison suivante. Ensuite, il est reparti sur le continent sud-américain pour finir sa carrière dans le club de ses débuts au Sporting Cristal.

Maestri, ce maestro
Les supporters sont très nostalgiques et retiennent les dates des moments marquants de leur club. Si vous parlez de Maestri à l’afición du Herculés, ils vous diront : 6 avril 1997. La tension dans le stade José Rico Pérez est à son comble, nous jouons la 87e minute de jeu, Herculés affronte la Real Sociedad et le score est de 1 à 1. Alfaro a ouvert le score pour les locaux à la 2e minute et Pikabea a égalisé à la 67e. On se dirige vers un match nul. Quique Hernández a effectué ses 3 changements. Maestri est le dernier à rentrer à la 84e. Quelques minutes plus tard, Varela déborde et centre au point de penalty. Maestri surgit et place une tête imparable. Le stade exulte, le joueur court sans arrêter, ivre de joie. Maestri, le maestro, ce héro! Score final 2 buts à 1, Herculés en mauvaise posture au classement espère encore se sauver et ce résultat met du baume au cœur à tout le club.
« C’est le but qui m’a apporté le plus de joie lors de mon séjour en Espagne. Je ne jouais pas, je suis sorti du banc et quelques minutes plus tard, j’ai marqué le but vainqueur. La joie était immense. « Ce sont des buts dont tu te rappelles toute ta vie » Flavio Maestri
Il n’y a d’ailleurs pas que lui pour s’en souvenir. Sur tous les forums, les récits du club d’Alicante, les souvenirs de ces années 90, toute l’afición se rappelle au bon souvenir de ce buteur péruvien.
Sergio « Futuro » Peña

Une fausse arrivée

La révélation
Lors de la pré-saison, il effectue avec toute la plantilla un stage aux Pays-Bas. C’est à cette occasion qu’il va montrer l’étendue de ses qualités et tape dans l’œil du coach Oltra. En septembre, il signe un contrat professionnel et se retrouve appeler en sélection. Le joueur commence à prendre progressivement de l’importance au sein de Grenade comme dans l’équipe nationale. D’abord sur le banc, il se fait une place en tant que titulaire à la mi-saison. lorsque les cadres ont besoin de souffler. Il saisit alors sa chance et réalise de très bonnes prestations en marquant notamment un golazo face à Tenerife.
La confirmation
Grenade joue alors les premiers rôles en Liga123 et espère monter à l’étage supérieur. Toutefois, une dynamique négative les fait redescendre hors des places de play-offs et rempileront une année de plus en Segunda la saison prochaine. Quand on discute avec les supporters de la Peña GCF Francia (@GranadaCFFR), ils sont unanimes : Sergio Peña est un très bon milieu offensif avec un excellent abattage défensif et une très bonne vision de jeu. C’est la révélation de Grenade cette saison. Ses principaux défauts viennent aussi de son jeune âge : il doit apprendre à se canaliser et à gérer les temps forts/faibles. Sergio Peña s’est très bien intégré au groupe, c’est un joueur discret. Les supporters l’ont pris en affection car même s’il n’est pas Espagnol, il sort du « cru » à leurs yeux. En revanche, ayant pris une autre dimension depuis quelques mois, beaucoup craignent qu’il parte dans un club plus huppé. Lui, espère tout simplement monter en première division avec son club de Grenade.

Panini que nenni !
Pour l’anecdote, le célèbre magazine aux étiquettes de collections a publié son album pour la Coupe du Monde bien avant l’annonce des listes des sélections. Sergio Peña n’a pas eu la chance d’y être incorporé, Panini ayant anticipé les effectifs des équipes nationales. Qu’à cela ne tienne, sa petite amie en a confectionné une pour lui et l’a exhibé sur les réseaux sociaux, faisant rire aux passages les fans de la Blanquirroja. Cela montre aussi la fierté qu’ont ressenti la famille et l’entourage du joueur à l’annonce de son nom dans la liste.
Néanmoins, il y a quelques jours, à l’issue d’un match amical gagné face à l’Arabie Saoudite (3 à 0), le sélectionneur Gareca a du faire un choix sur les 24 joueurs qui seront du voyage en Russie, avec le retour de son attaquant vedette Paolo Guerrero après sa suspension. Le seul qui n’ira pas au Mondial est donc malheureusement Sergio Peña. Très attristé par la nouvelle, il l’a d’ailleurs publié sur son compte Instagram : « Je dois vivre le pire moment de ma carrière… ». Le jeune joueur devrait pouvoir rebondir et prendre cette grande désillusion comme une force. Comme dirait l’autre, en tous cas, on lui souhaite.
Programme du Pérou à la Coupe du Monde :
16/06 à 18:00 : Pérou – Danemark
21/06 à 17:00 : France – Pérou
26/06 à 16:00 : Australie – Pérou
Jé Pintio (@JePintio)