Portugal : Quand Pauleta est devenu l’Aigle des Açores en Espagne

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Crédits : Stadiosport

Partout où il est passé, Pedro Miguel Pauleta a laissé une marque indélébile, que ce soit avec les Girondins de Bordeaux, au PSG ou avec Portugal dont il a longtemps été le meilleur buteur. Mais c’est véritablement en Espagne que l’attaquant-gentleman a pris son envol. Retour sur le passage en Espagne de l’aigle des Açores, sa première période dorée.

Quand Pauleta signe aux Girondins de Bordeaux en l’an 2000, le Portugais est un buteur reconnu et un international portugais prolifique. Et si depuis près de deux décennies, il fait partie du paysage footballistique français, l’attaquant a fait ses gammes chez le voisin de la péninsule ibérique. Arrivé à 23 ans à l’UD Salamanca en provenance d’Estoril-Praia où il n’a joué qu’une seule saison, l’Aigle des Açores a pris son envol en Espagne.

Des débuts en montagnes russes

Pauleta est un insulaire, il vient des Açores, un archipel au milieu de nulle part. Une vie forcément différente de celle du continent. L’histoire personnelle de Pauleta ne déroge pas à la règle, et bien que la vie n’ait pas toujours été facile, il reste attaché à cette terre. Très vite il tombe amoureux du football et c’est son père, un Benfiquiste convaincu, qui l’initie au balompié. Il est rapidement passé dans les catégories de jeune de Benfica, mais la séparation avec ses parents était trop compliqué à gérer pour lui. Il retourne une nouvelle fois à Santa Clara, un des clubs majeurs aux Açores. Sa formation n’est pas linéaire et les aller-retour entre la péninsule et son île sont fréquents.

« Tout le monde aux Açores me disait : « Ton père était meilleur que toi. S’il avait eu des opportunités … »

Quelques années plus tard, il tente de nouveau le grand saut, au FC Porto cette fois. L’expérience est un succès pour lui : il tient une saison mais ne parvient pas à se faire une place chez les pros. Avec l’équipe B, Pauleta enchaîne les performances de très bon niveau mais Artur Jorge, le coach de l’équipe fanion, ne lui donne pas sa chance. Il est mis sur la liste des prêts mais lui refuse, casse son contrat et retourne à Santa Clara.

« Je me suis marié le 8 juillet, je suis allé à Estoril le 9 juillet et le 10 je m’entraînais »

Il commence à enchaîner les petits boulots pour se faire de l’argent mais ne lâche pas le football et joue sur son île. Pauleta profite de ses permissions lors de son service militaire pour continuer de s’entraîner. Il signe son premier contrat pro avec Micaelense. Une saison après, une fois marié, il s’envole pour Estoril alors en D2. C’est le déclic : il enchaîne les pions et commence à voir sa cote grimper. On est en 1996 et Pauleta sort d’une saison à 18 buts. Les coups de fils se succèdent et le voilà qui débarque à l’UC Salamanca, fraîchement relégué en Segunda.

L’explosion à Salamanque

L’arrivée de Pauleta en Espagne est plus que rocambolesque. Sa saison à Estoril a marqué les esprits et a fait de lui un homme courtisé au Portugal, notamment par João Alves alors coach de Belenenses. En fin de contrat à Estoril, le buteur pense qu’il va pouvoir faire le grand saut en D1 sans trop de problèmes. Sauf que voilà, Belenenses doit quand même payer une indemnité à Estoril. L’arrêt Bosman ne s’applique pas encore au Portugal et Belenenses n’est pas au mieux financièrement. L’affaire capote et Pauleta est de nouveau sur le marché.

Brito et Pauleta, de retour à l’Helmantico. Crédits : lagacatadesalamanca

Pendant ce temps, João Alves a quitté le Portugal et vient d’être nommé entraîneur de Salamanque en D2 espagnole. En plus d’emmener avec lui énormément de Portugais de sa période Belenenses, il n’oublie pas Pauleta et le fait signer malgré une pubalgie qui lui est diagnostiqué lors de la visite médicale. Dans une équipe qui parle portugais, Pauleta s’épanouit et finit sa formation. Rapidement, Cesar Brito le prend sous son aile et le conseille. Bien que remplaçant aux débuts, l’attaquant saisit sa chance et devient un incontournable très rapidement. Avec Barragán et Catanha, Salamanque déjoue les pronostics et s’offre un retour immédiat dans l’élite. Pauleta termine Pichichi de Segunda avec 19 buts. L’un des plus importants est celui face à Badajoz à la 95e, une réalisation qui a permis au club de croire toujours à la promotion.

« Je devais être le seul joueur qui a été appelé dans l’équipe nationale sans jamais avoir joué dans une première division. Avant le match à Badajoz, il avait beaucoup plu et j’ai marqué un penalty à la 95ème minute. Nous avons gagné 1-0. A l’époque, le sélectionneur était Artur Jorge. Quelqu’un m’a dit que son adjoint Rui Aguas était en Espagne. Pour moi c’était … Je veux dire, je joue en Segunda en Espagne. Après ce match, j’ai été convoqué avec l’équipe nationale en août 1997. J’ai fait mon premier stage et j’ai participé au premier match à Setubal, face à l’Arménie. C’était un match de qualification. Je suis entré 10 minutes de la fin, à la place de Domingos »

En Liga, dans un championnat alors très homogène, l’UD Salamanca termine 15e avec 45 points. Encore une fois, Pauleta éclabousse l’Espagne de son talent. Pour sa première expérience en D1, il marque 15 buts. La formation est spectaculaire et les scores fleuves ne sont pas rares. Par exemple, le Portugais marque 2 buts lors de la victoire 6-0 face à Valence ainsi qu’un autre doublé lors de la victoire 4-1 face au Barça. L’attaquant marche littéralement sur l’eau.

Ce passage à Salamanque structure l’avenir de Pauleta, lui permette de rester les pieds sur terre tout en tutoyant le haut niveau et en s’habituant au monde professionnel. Le club maintenant disparu (après la faillite de l’UDS, deux clubs constitués d’anciens se sont créés et sont aujourd’hui rivaux, ndlr) a un fonctionnement amateur et familial. Une atmosphère qui permet à Pauleta de se développer sans être trop mis sous pression. Là-bas, il touche son premier salaire qui lui permet de construire sa maison dans sa région natale. Son premier enfant grandit à Salamanque et il s’offre sa première BMW en guise de prime pour ses 15 buts en D1. Ce passage est réellement très important dans la vie et la carrière de Pauleta. Son association avec Cesar Brito en est le symbole.

Pauleta et le SuperDepor

Après deux saisons, Salamanque devient bien trop petit pour l’Aigle des Açores. Eh oui ! C’est en Espagne que Pauleta a choisi sa célébration mythique sur les conseils d’un cousin ! De grands clubs sont intéressés par le Portugais, notamment Porto. Mais l’attaquand adore l’Espagne et choisit donc d’y rester en signant au Deportivo de la Corogne. Bien vu : il se rapproche énormément du Portugal tout en restant dans un championnat où il a ses marques et qui lui réussit. En plus, le Depor de cette époque va devenir mythique. Emmené notamment par Djalminha, Maakay et Fran, les Turcos deviennent l’équipe frisson de la Liga et surprennent tout le monde. En Galice, Pauleta connaît tout : les buts, les périodes de trous, le banc, la découverte de la coupe d’Europe et son premier trophée. Sa carrière décolle totalement.

Crédits : Squawka

Sa première année est cependant tronquée à cause d’une blessure. Le Depor termine tout de même bien placé et se qualifie pour la coupe de l’UEFA. La saison 99/2000 est celle de l’explosion pure et simple pour lui et celle de l’ivresse pour le Depor. Pauleta marque son premier but européen face à Montpellier. Puis c’est l’escalade. Il marque 8 buts en 10 matchs de championnat dont un triplé monumental face à Seville. S’il ne trouve plus le chemin des filets en Liga par la suite l’important est ailleurs : le Depor remporte le titre de champion lors de la dernière journée, 4 points devant le Barça et Valencia. Les Blanquiazuis viennent d’écrire leur plus grande histoire et Pauleta célèbre son premier et seul titre de champion national.

En Espagne, Pauleta a appris sur le plan sportif, a inauguré son armoire à trophée mais a surtout grandi en tant qu’homme. Toujours accompagné de son épouse, l’Aigle des Açores a compris qu’il pouvait vivre de sa passion. A Salamanque puis à La Corogne, il est devenu l’homme que l’on connaît si bien France pour ses exploits à Bordeaux et au PSG. Première sélection, première parmi l’élite, premier titre de Pichichi : Pauleta s’est forgé son instinct de buteur en Espagne où il reste très apprécié. Et même s’il a joué la quasi-totalité de sa carrière à l’étranger, Pauleta est resté connecté au Portugal et dans chaque club où il est passé, il y avait un lien avec son pays et son archipel natals, notamment grâce à cette célébration iconique. Et puis surtout, même pour ses rivaux, Pauleta a toujours conservé cette image de gentleman sur et hors des terrains. L’Aigle des Açores a toujours eu plus d’ergots que d’ego.

Benjamin Bruchet 

@BenjaminB_13

Les citations sont tirées de l’incroyable interview de Pauleta disponible par là -> Ici

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