Maroc : Munir El Haddadi, un talent tiraillé entre la Roja et les Lions de l’Atlas

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Crédit Photo : Creative Commons – Clément Bucco-Lechat

Ancien espoir du football ibérique, Munir El Haddadi est devenu le centre d’un imbroglio entre les fédérations marocaine et espagnole de football. Du haut de ses 22 ans, quelques semaines avant le début de la Coupe du monde, cette pépite de la Masia s’est retrouvée tiraillée entre les deux grands amours de sa vie footballistique.

Il avait donné son cœur à la Roja. Alors, quand Munir El Haddadi découvre sa non-convocation avec l’Espagne par le sélectionneur de ses débuts, Albert Celades, pour le championnat d’Europe Espoirs en 2017, l’Hispano-marocain prend la décision de rompre. L’idylle sportive entre Munir et son pays natal est alors ébranlée. Se sentant trahi, le jeune joueur décide de prendre un virage à 180 degrés. Il décide de changer de nationalité sportive, soutenu par la Fédération marocaine de football qui ne cache pas son intérêt pour l’attaquant. Une décision lourde de conséquences car le joueur est finalement privé de Coupe du Monde en 2018, coincé dans un pays avec qui il entretient une relation instable et fragile.

La folie Munir El Haddadi

De ses prouesses en Youth League à son premier but en Liga chez les pros, de son petit passage à Valence pour terminer à Alavés, Munir El Haddadi est un crack qui ne demande qu’à progresser. Enième joyau de la Masia, le jeune homme s’est rapidement imposé comme l’un des joueurs à suivre ces prochaines années. Né à Melilla en 1995 de père marocain et de mère espagnole, l’attaquant a vite montré toute l’étendue de son talent. C’est dans le parc derrière sa maison d’El Escorial, une petite localité dans la commune de Madrid connue pour avoir été la résidence du roi d’Espagne et dont la bibliothèque fut la source de tensions diplomatiques entre… l’Espagne et le Maroc, que son père ne tarde pas à remarquer son sens du but.

Quelques années plus tard, l’aventure débute au Rayo Majadahonda où Munir marque 32 buts en 29 matchs. Attiré par ces belles performances, le FC Barcelone le convainc de rejoindre la Masia en 2011. Une douce folie s’empare alors du FC Barcelone : le voilà le crack en attaque ! Estampillé « future star du football espagnol », Munir El Haddadi ne tarde pas à régaler les supporters Culés. Son éclosion est précoce : 22 buts chez les Juvenil B et la consécration chez les Juvenil A avec en prime une signature et un gros contrat jusqu’en 2017 avec le club Blaugrana. Chez les jeunes, ses éclairs de génie lui ont valu le titre de meilleur buteur (11 buts en 704 minutes de jeu) de la saison 2013-2014 de Youth League, et celui du meilleur passeur (5). Après un doublé spectaculaire pour son premier match en Ligue des Champions contre l’Ajax, c’est en finale contre le Benfica que le petit prodige marque durablement les esprits avec un but lumineux du milieu de terrain, une parabole de toute beauté et d’une précision chirurgicale dessinée avec son beau pied gauche.

Crédit Photo : Creative Commons CC BY-SA 3.0

Le nouveau « Messi » marocain explose aux yeux de la planète football. Souvent comparé à l’Argentin pour ses performances techniques de dribbles courts et de petits pas précis, Munir dispose également de belles qualités de percussion, de vitesse et de vision du jeu. Or, éclipsé par de grands joueurs à ce poste, il n’a jamais réellement su s’imposer au Barça. Pour progresser et convaincre, l’attaquant a dû être transféré vers d’autres horizons. Prêté à Valence en 2016, il effectue un envol raté avec les chauves-souris, avant de signer un retour convaincant toujours en prêt, mais cette fois avec Alavés. Le déclencheur : l’arrivée d’Abelardo sur le banc des Basques. Munir a eu un rôle important à jouer dans la belle deuxième partie de saison de son équipe qui a mené au maintien. Le technicien de la formation basque a fixé Munir dans une position et rôle précis. Là où habituellement il part en ne sachant pas vraiment quoi faire, à  Alaves il sait ce qu’on attend de lui. Associé en pointe à un attaquant qui lui ouvre des brèches, Munir se montre enfin sous son plus beau jour. Il totalise ainsi 10 réalisations et 6 passes décisives en 33 apparitions en championnat et peut s’enorgueillir d’avoir marqué des buts décisifs, comme celui de la victoire 1-0 face au Deportivo, alors rival direct pour le maintien, en février.

Fragile idylle

Crédit Photo : Lionsdelatlas.ma

Le choix d’évoluer en sélection espagnole allait de pair avec son parcours en club. Munir a commencé sa carrière internationale avec l’équipe d’Espagne des -19 ans en mars 2014, lors du Tour Élite du Championnat d’Europe où il brille rapidement et marque 3 buts en trois matchs. C’est le 29 août 2014 qu’Albert Celades, coach de l’équipe d’Espagne des – 21 ans, le jette dans le grand bain en faisant appel à lui pour la première fois afin de jouer 2 matchs qualificatifs pour le Championnat d’Europe espoirs. Deux jours plus tard, c’est Vicente Del Bosque qui lui donne sa chance en vue du match qualificatif pour l’Euro 2016 contre la Macédoine en remplacement de Diego Costa blessé. Une petite semaine est passée et à la 77e minute d’un match où l’Espagne s’imposait 5-1 face à la Macédoine, Munir devient uniquement sélectionnable par l’Espagne. Il ne le sait pas encore mais ce petit quart d’heure aura de très grandes conséquences.

« Jouer avec l’Espagne est un rêve. C’est une décision personnelle que j’ai prise et j’en suis très heureux » Munir El Haddadi, avant le match contre la Macédoine

Seulement, Munir en voulait davantage. Non sélectionné pour le Championnat d’Europe espoirs, il décide de voir plus grand, espérant prendre sa revanche et participer au Mondial avec le Maroc, le pays natal de son père. Si le 21 juin 2017, la FIFA accepte la demande de changement de nationalité sportive du joueur, Munir ne peut néanmoins pas représenter les Lions de l’Atlas, la faute à ces quelques minutes de jeu passées à jouer avec la Roja. Conformément à l’alinéa 2 de l’article 15 du règlement de la FIFA, Munir ne peut jouer pour deux sélections et se retrouve à la croisée des chemins.

Si Munir El Haddadi a quand même déposé un recours auprès du TAS, le Mondial se fera sans lui. Dans l’attente de trouver une solution durable en sélection, très courtisé, Munir peut se consoler et faire le choix de son futur club. L’intérêt le plus prononcé serait celui de l’Espagnol Ramón Rodríguez Verdejo, plus connu sous le surnom de Monchi, directeur sportif de l’AS Rome et grand dénicheur de talents. On l’oublie souvent : Munir n’a que 22 ans et encore tout l’avenir devant lui.

Soledad Arque-Vazquez

@solearquev

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