
Révélé en Europe au RCD Mallorca, confirmé au Valencia CF avec qui il a disputé deux finales de Ligue des Champions, Héctor Cúper a connu une traversée du désert qui a duré plus d’une décennie. Sélectionneur de l’Egypte, l’Argentin veut faire des Pharaons l’équipe frisson de ce Mondial.
Comment être l’un des entraîneurs les plus cotés de la fin des années 1990 et du début des années 2000 et effectuer une traversée du désert pendant plus de 15 ans ? Héctor Cúper a attendu 2017 pour retrouver la lumière en accrochant une finale de la CAN et une qualification pour le Mondial avec l’Egypte. Pendant 4 ans, entre 1997 et 2001, l’Argentin se révèle en Espagne, à Mallorca puis à Valencia. Il réalise un double exploit : accéder à 3 finales consécutives (Coupe des Coupes 1999 avec Mallorca, Ligue des Champions 2000 et 2001 avec Valencia)… et les perdre toutes les trois. Réputé pour perdre toutes les finales qu’il dispute (il a tout de même remporté une Coupe Conmebol avec Lanús et deux SuperCoupe d’Espagne avec Mallorca et Valencia), Héctor Cúper se fait véritablement connaître en 1997. Pour sa première expérience en Europe, il débarque en terres baléares, au RCD Mallorca.
Merci Valdano

Quand le président Bartolomé Beltrán convainc Héctor Cúper, Mallorca signe son retour au sein de l’élite du football espagnol. Deux fois vice-champion d’Argentine et vainqueur de feu la Copa Conmebol avec Lanús, le coach argentin de 41 ans a du potentiel et il ne met pas longtemps à le prouver. Ironie de l’histoire, son premier passage à Mallorca est étroitement lié au Valencia CF. Pour bâtir une équipe de Primera, Mallorca fait son marché chez le club che. A l’époque, c’est un autre Argentin, un certain Jorge Valdano, qui est sur le banc blanquinegro. Plusieurs joueurs ne correspondent pas ses exigences. Mallorca flaire la bonne affaire et récupère… 6 joueurs : Gabi Moya, Xabier Eskurza, Enrique Romero, Vicente Engonga, Iván Campo et Pepe Gálvez. De plus, Cúper emmène dans ses bagages le gardien Carlos Roa et le défenseur Oscar Mena. Le club recrute également, contre la somme record d’un million de pesetas, l’international brésilien Palhinha, également connu pour être un « athlète de Dieu » et dont le passage sera éphémère avec seulement 9 matches joués en 4 mois, éclipsé par la montée en puissance d’un jeune joueur très talentueux : Juan Carlos Valerón.
La ensaïmada mecánica
Le jeu prôné par Héctor Cúper est à l’image de ce que renvoie son physique sec : ordre et discipline. Son équipe est parfaitement organisée et quadrillée, chaque joueur doit s’occuper rigoureusement de sa zone. Le retour de Mallorca en Liga est réussi : les Barralets battent… le Valencia de Jorge Valdano. En 3 journées, l’équipe prend 7 points sur 9. Cependant, la suite est moins florissante et en décembre 1997 Cúper est au bord du licenciement. Le natif de la province de Santa Fe joue sa peau au Vicente-Calderón contre l’Atlético de Madrid. C’est le tournant de la saison de Mallorca et peut-être même de la carrière du Míster. Sous le déluge, ses joueurs l’emportent 3-2. Lors de la phase retour, la méthode de l’Argentin porte ses fruits et le promu termine 5e et dispute la finale de la Copa del Rey à… Mestalla. Au terme d’une séance de tirs au but étouffante, Mallorca cède contre le Barça alors que ce sont les insulaires, par Jovan Stankovic, qui avait ouvert le score avant que Rivaldo n’égalise. L’arbitrage avait d’ailleurs été largement remis en cause après les expulsions de Mena et Romero. Défait par des Blaugranas qui signent un doublé, le Mallorca de Cúper gagne un surnom : la « ensaïmeda mecánica », en référence à la pâtisserie emblématique de l’île de Palma faite à base de sucre et de saindoux.
Les Bermellones auront leur revanche quelques mois plus tard, débuts parfaits de la meilleure saison de l’histoire du RCD Mallorca. Au stade Lluís Sitjar, les hommes de Cúper remontent le score et l’emportent 2-1 grâce à des buts de Dani et Stankovic. Et à la surprise générale, pour la première fois de son histoire, le club insulaire bat le Barça au Camp Nou grâce à un but de Dani, Catalan formé à la Masia et qui sera recruté par les Culés en 1999. Cette victoire est le seul titre majeur du club créé en 1916.
SuperCopa, Liga, Recopa : la plus belle saison de l’histoire de Mallorca
La saison 1998-1999 lance la carrière d’Héctor Cúper. Car après la révélation vient le temps de la confirmation. Et quelle confirmation ! Après la SuperCoupe d’Espagne, Mallorca continue sur sa lancée et sur deux tableaux. Les Barralets se qualifient pour les barrages de la Ligue des Champions en terminant 3e de Liga. Mieux : ils disputent la dernière finale de la Coupe des Coupes. Cette fin de saison ressemblait déjà à une fin de cycle puisque les insulaires ont dit adieu au stade Lluís Sijtar inauguré en 1945 pour entrer dans une enceinte flambant neuve : Son Moix (23.000 places). De plus, avant de disputer la finale de C2 contre la Lazio à Birmingham, Cúper avait déjà signifié aux dirigeants et aux supporters qu’il ne prolongerait pas et qu’il serait le prochain entraîneur du Valencia CF, comme une évidence.
A la fin des années 1990, le football transalpin règne sur l’Europe et la Lazio aligne une équipe incroyable avec notamment Alessandro Nesta, Sinisa Mihajlovic, Roberto Mancini, Pavel Nedved, Marcelo Salas et Christian Vieri. Les Biancocelesti disputent leur deuxième finale européenne consécutive après celle de C3 perdue contre l’Inter de Ronaldo et Youri Djorkaeff. La saison suivante, ils seront même couronnés champion d’Italie. Pourtant, les Majorquins vendent chèrement leur peau. Malgré l’ouverture du score de Bobo Vieri dès la 7e minute, les Bermellones égalisent grâce à Dani mais le futur Ballon d’Or Nedved donne la victoire et l’ultime Recopa aux Laziali. Quelques jours plus tard, Héctor Cúper dirige son dernier match de la saison à… Mestalla, forcément. La défaite est anecdotique, les deux équipes se qualifient pour les barrages de la C1. Le coach argentin les disputera avec les Murciélagos et confirmera qu’il peut entraîner dans un club avec une énorme pression institutionnelle et populaire. Mallorca vivra sa meilleure époque jusqu’en 2003 et la victoire en Copa del Rey sous les ordres de Gregorio Manzano. Son Moix verra également des joueurs comme Samuel Eto’o, Diego Tristán, Albert Luque ou encore Dani Güiza.

Quand t’es dans le désert depuis trop longtemps…
De son côté, Héctor Cúper n’a jamais réellement confirmé ses 4 premières années en Espagne et à partir de 2001, il se fait de plus en plus discret, au point de vivre une traversée du désert prolongée. Après un passage mitigé de 2 saisons et demi à l’Inter, l’Argentin a enchaîné les choix douteux, y compris un retour d’un an et demi à Mallorca entre 2004 et février 2006 où il laisse les Barralets à la dernière place. Hormis une finale de la Coupe de Grèce agrémentée d’une qualification pour les 1/16 de finale de la Coupe de l’UEFA avec l’Aris Salonique en 2010 et un passage anonyme à Orduspor entre 2011 et 2013, il n’a connu que des échecs au Betis, à Parme où il n’est resté en poste qu’une semaine, avec la sélection de Géorgie, le Racing de Santander et Al-Wasl. C’est finalement grâce aux Pharaons que Cúper s’est rappelé à notre bon souvenir. Pour la première fois depuis 1990, l’Egypte dispute une Coupe du Monde A cette époque, Mohamed Salah n’était même pas né. Et si ce tandem improbable était à la base de l’équipe frisson du Mondial ?
François Miguel Boudet