Samedi soir, le Real Madrid a gagné face à Liverpool, sa 3e Ligue des Champions de suite et sa 5e depuis 2001. Cette année, l’Espagne fera encore le triplé en compétition européenne car l’un des deux clubs madrilènes remportera la Supercoupe d’Europe. Depuis 18 ans, les clubs espagnols imposent leur hégémonie sur le Vieux Continent. Omniprésents dans le dernier carré des compétitions européennes chaque saison, ils dépassent de loin leurs concurrents anglais, allemands ou italiens. Cette saison, les équipes de Liga remporteront leur 30e titre depuis le début du XXIe siècle. Ce règne ne s’est pas bâti en un jour car il est le fruit d’un travail coordonné et d’une remise en question des dirigeants espagnols à la fin des années 90.Nous sommes le 20 mai 1998 à Amsterdam, le Real Madrid vient de gagner la Ligue des Champions en battant 1 à 0 la Juventus de Turin sur un but de Mijatovic. Le Madridisme célèbre la Séptima, attendue depuis 1966. Son dernier trophée européen remontait à 12 ans, une Coupe de l’UEFA en 1986. Entre temps, seul le Barça de Cruyff a pu rivaliser sur la scène européenne en remportant la Ligue des Champions en 1992. Durant cette décennie, le Calcio attire toutes les stars. L’AC Milan, l’Inter, la Juventus, Parme et beaucoup d’autres sortent des millions de lires pour acquérir les meilleurs joueurs du monde. Dès lors, le championnat italien est logiquement le plus relevé en Europe.

Au milieu des années 90, des clubs comme le Séville ou le Celta de Vigo sont en Segunda. Le SuperDepor de Bebeto rivalise avec les deux ogres. Pour autant, le championnat espagnol est relégué au 3e rang des championnats européens. Au début des années 2000, deux présidents ambitieux, Florentino Pérez et Joan Laporta, vont donner un nouvel élan à la Liga en développant l’image et les structures du Real Madrid et du Barça, porté par un recrutement de stars internationales (Zidane, Ronaldo, Ronaldinho…).

Une nouvelle ère commence…
L’Atlético de Madrid entame les années 2000 en Segunda et reprendra le bon wagon avec Quique Sanchez Flores à partir de 2009. Le champ est donc libre pour les deux locomotives qui propulsent le Clásico au firmament des meilleures rencontres de football au monde. La Liga devient attractive et propose un football moderne, technique et spectaculaire. Dans le sillon du Real Madrid et du Barça, plusieurs clubs se distinguent sur la scène nationale et européenne : Athletic, Valencia, Alavés ou Villarreal. Revenus des bas fonds, Séville et l’Atleti de Madrid se mêlent à la bagarre dans les années 2010.

Les dirigeants de la Liga ont eux aussi contribué au développement du championnat en l’ouvrant à l’international avec des partenariats (récemment en Arabie Saoudite et en Thaïlande), des rencontres amicales et des stages de préparation en Asie ou en Amérique du Nord. De plus, la Liga profite du duel Messi-Ronaldo pour en faire un feuilleton et survendre ses deux poules aux oeufs d’or, quitte à délaisser le reste des protagonistes. La Liga s’exporte et est regardée par des millions de fans à travers le monde quitte à n’envisager l’Espagne qu’à travers le prisme Real Madrid-Barça. Le cercle vertueux est alors créé et les titres engendrés ne font que l’agrandir. Cependant, elle accuse un retard énorme par rapport à la Premier League qui a très tôt su développer son leadership mondial. En parallèle, la Serie A a perdu de son lustre et de son influence stylistique. Le football espagnol va s’emparer de cette position privilégiée.
Un style copié dans le monde
Outre l’aspect économique, le jeu pratiqué en Liga dans les années 2000 et par la Roja lors des compétitions internationales devient le modèle à suivre. Le Barça ,sous l’influence de Rijkaard puis de Pep Guardiola, en est le fondateur. Déplacements sans ballon, jeu à une ou deux touches de balle, relance et récupération haute : toute cette philosophie devient une vitrine en faveur de la Liga. Fini le football physique à la vocation défensive encore très présent à la fin des années 90. Le style offensif qui gagne est copié. Ce style, c’est l’Espagne qui le pratique et il triomphe dans les compétitions de clubs et nationales. Le toque devient le football à imiter mais il est quasi-impossible à imiter et à dépasser. Récemment, Giorgio Chiellini a évoqué ce « problème », cette volonté de copier à tout prix le style de Guardiola et Aragonés, au mépris des particularismes locaux.
Même si le jeu typique du Barça est pratiqué exclusivement par les Culés eux-mêmes, ce rayonnement éclaire le pays, y compris les clubs plus modestes. En effet, ces derniers attirent des joueurs qui, il y a quelques années, auraient préféré l’Angleterre. Reconnue pour tailler des diamants bruts venant de pays moins développés footballistiquement, l’Espagne est devenue une référence dans un jeu plus technique. Réputation qui ne fait qu’agrandir le cercle vertueux.
L’Europe, objectif vital pour exister
Dans un article écrit par notre confrère de Furia Liga, Maxi Franco Sanchez, paru dans FootMercato en 2016, le journaliste espagnol Ivan Vargas donne un début d’explication à cette hégémonie sur la scène européenne :
« Je crois que les équipes espagnoles donnent beaucoup d’importance aux compétitions européennes. Par exemple, les Anglais considèrent que la Premier League est beaucoup plus importante que la Coupe d’Europe, alors qu’en Espagne, on considère que l’Europe est toujours une priorité. Par exemple, Florentino Pérez répète à l’envi que la Ligue des Champions est la compétition du Real Madrid. Il ne parle jamais de la Liga, alors qu’il en a plus de 30 à son palmarès.
La Liga se divise en deux catégories, 8 équipes (les 3 grands plus 5 autres) étant très supérieures aux autres. Cela permet à ses équipes (hormis l’Athletic qui a des limitations en termes de recrutement) de pouvoir prendre le meilleur sur le reste des équipes en championnat.
L’Athletic, Villarreal et Séville sont de très bonnes équipes. Seulement, en Espagne, face au niveau affiché par les trois grands, il est impossible pour eux de se battre pour le titre en championnat, alors ils se reportent sur l’Europe.
On comprend mieux le train « Liga » qui roule à pleine puissance sur le Vieux Continent emmené par ses trois motrices.
L’hégémonie en chiffres
Sur les 18 dernières finales de Ligue des Champions, il y a eu 12 représentants espagnols pour 9 victoires.
Sur les 18 dernières finales d’Europa League, il y a eu 12 représentants espagnols pour 8 victoires.
Sur les 18 dernières finales de la Supercoupe d’Europe, il y a eu 17 représentants espagnols pour 12 victoires.
Le Real Madrid comptabilise 5 titres en Ligue des Champions et 4 Supercoupes d’Europe.
Le FC Barcelone comptabilise 4 titres en Ligue des Champions et 3 Supercoupes d’Europe.
Le Séville FC comptabilise 5 titres en Europa League et 1 Supercoupe d’Europe.
L’Atlético de Madrid comptabilise 3 titres en Europa League et 2 Supercoupes d’Europe.
LIGUE DES CHAMPIONS | EUROPA LEAGUE | SUPERCOUPE D’EUROPE | ||
2001 | VICTOIRE | ![]() |
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FINALISTE | ![]() |
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2002 | VICTOIRE | |
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FINALISTE | ![]() |
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2003 | VICTOIRE | ![]() |
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2004 | VICTOIRE | ![]() |
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2005 | VICTOIRE | ![]() |
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FINALISTE | ![]() |
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2006 | VICTOIRE | ![]() |
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2007 | VICTOIRE | ![]() |
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2008 | VICTOIRE | ![]() |
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2009 | VICTOIRE | ![]() |
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2010 | VICTOIRE | ![]() |
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2011 | VICTOIRE | ![]() |
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2012 | VICTOIRE | ![]() |
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2013 | VICTOIRE | ![]() |
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2014 | VICTOIRE | |
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2015 | VICTOIRE | ![]() |
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2016 | VICTOIRE | |
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2017 | VICTOIRE | |
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2018 | VICTOIRE | |
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Jé Pintio