
Joan Francesc Ferrer est le premier entraineur à faire monter Huesca en Liga. Il a été l’adjoint de Tito, la Machín de Girona avant Pablo et un adorateur de Pep Guardiola. Portrait de la future hype espagnole .
Il s’appelle Joan Francesc Ferrer Sicilia dit Rubi et il est âgé de 48 ans. Son nom ne vous dit sûrement rien, mais il vient de réaliser un exploit monumental sur le banc des Azulgranas de Huesca. La petite ville coincée au pied des Pyrénées va découvrir la Liga la saison prochaine et son entraîneur est pour beaucoup dans cet exploit. Retour sur le parcours plus sinueux du catalan.
Joueur offensif modeste
Rien ne prédestinait Rubi à finir entraîneur en Liga. Offensif au style fluet, le petit bonhomme d’1m70 n’a jamais été un grand joueur. Meneur de jeu modeste d’équipe de 3e et 4e division, il n’a jamais quitté sa catalogne en tant que joueur. En 2001 à 31 ans il prend sa retraite pour devenir coach, le point de départ d’une folle histoire.
Il débute sur le banc de la ville où il est né et où il a été formé, à Vilasar de Mar en banlieue de Barcelone. C’est là qu’il acquiert son surnom : Rubio qui deviendra Rubi du fait de son physique frêle et de ses cheveux blonds. Le catalan n’a jamais vraiment rayonné mais il a toujours été apprécié partout où il est passé. Avant d’arrivé à Huesca sur la pointe des pieds il a énormément bourlingué.

Avec Vilasar il acquiert deux huitièmes places plus que satisfaisante en Tercera. Il quitte son club formateur pour différents clubs catalans : L’Hospitalet, Sababell ou encore l’Espanyol B. Les résultats sont globalement encourageants, avec toujours au moins des barrages d’accession à jouer et surtout un jeu offensif ambitieux déployé malgré des moyens limités. Après deux échecs à Ibiza et Benidorm, il se retrouve sans emploi durant un an. Pendant son inactivité, il est à deux doigts de tourner le dos au football, il enfile même son costume pour bosser dans l’entreprise de voyage familiale, avant qu’un appel ne vienne tout chambouler et le rappeler à son premier amour.
Girona puis le Barça
Le bon Rubi est chez lui loin du football quand le Girona lui propose un poste. Le club catalan n’est pas vraiment le même que celui présent en Liga actuellement. Le club était très instable et les entraîneurs se succédaient. Les Catalans vivotent en Segunda mais ne sont pas des ogres et sont même régulièrement menacés par la descente. D’abord scout et en charge de l’analyse des adversaires, il finit rapidement entraîneur adjoint, d’abord d’Uribe après le licenciement d’Agne et ensuite de Salamero. En un an sa place et son importance dans le club va réellement évoluée. De simple scout il devient une personne incontournable et un adjoint prépondérant de Salamero.
A la suite du départ du natif de Zaragossa, la question se pose. Rubi a-t’il les épaules pour devenir le coach d’un club professionnel de 2e division ? Lui qui n’a eu que des réussites en D4 et des résultats contrastés en D3 ? Les dirigeants, surtout conscient que le Catalan est un choix peu onéreux lui font confiance et lui confient les clés du camion. 1 an après, Girona sort une saison historique emmené par un football offensif et chatoyant. C’est simple, Rubi vient de mener le club catalan à sa meilleure performance de l’histoire. Une 4e place avec 71 points et donc des barrages d’accession à jouer. Même si Girona s’incline en finale face à Almeria, Rubi vient de réaliser un exploit monumental, son premier avant Huesca.
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La 3e fois fut la bonne avec Tito
Le Catalan qui était à deux doigts de quitter le monde du football il y a deux ans se retrouve pour la première fois sur le devant de la scène. Lui qui était dans les petits papiers de Tito, le fidèle adjoint de Pep depuis 2003. Son 4-4-2 modulable en 4-2-3-1 fait des merveilles et plaît à beaucoup d’observateurs. Le Girona de Rubi comme son Huesca et ses anciennes équipes se reposent sur plusieurs points. Tout d’abord une défense solide souveraine dans les airs, pour lui les joueurs doivent être physiquement et techniquement au point, comme pour Machin par exemple. Ensuite dès qu’ils récupèrent le cuir, l’objectif est d’être au maximum vertical pour toucher les offensifs et générer du danger. Il est un adepte également du jeu de position. De plus, il comprend très bien le football ce qui lui permet de cerner très rapidement les points faibles de ses adversaires et lui permettent d’ajuster son équipe pour appuyer là où ça fait mal. Après 2 refus en 2003 et 2012 il répond favorable aux sollicitations de Tito et le rejoint à Barcelone en 2013.

Aboutissement avec le Barça et nouveaux échecs
Tito apprécie fortement les qualités de Rubi, surtout que son profil de joueur modeste et d’entraîneur qui a connu les petites divisions sans renier son idée du football amène un vrai plus dans les prises de décision de l’ancien adjoint de Guardiola. Il devient le troisième entraîneur avec Jordi Roura. Rubi est très impliqué et apprécié durant ce passage au Barça sauf que la rechute de Tito va ternir ce beau tableau. Pour beaucoup, il est celui qui a ce qu’il faut pour reprendre le flambeau de Tito et devenir numéro 1. Surtout qu’il prend énormément de poids durant l’absence de Tito avec Jordi Roura, il dirigera de nombreuses séances d’entraînement par exemple. Sauf que le board du Barça préfère la solution externe avec Tata Martino. Ce choix va faire reculer Rubi dans la hiérarchie et limiter son influence. En 2014, il ne prolongera pas son aventure avec les Blaugranas et quitte le club catalan par la petite porte. Son passage n’est cependant pas inutile pour lui, en plus de faire une belle ligne sur son CV, il va rencontrer Jaume Torras qui va devenir un de ses fidèles lieutenants.
« Je serai sur le terrain, aiderai à la tactique, faisant partie du groupe, je sais que je vais avoir assez de pertinence dans les séquences de jeu » Rubi sur son rôle au Barça.
Directement après ce départ, il rejoint Valladolid en Segunda. Son CV et sa cote font qu’il est courtisé par beaucoup de monde. Avec les Pucelanos il finit 5e et joue donc une nouvelle fois les barrages d’accession .Cependant, comme avec Girona, il échoue à valider la montée en se faisant éliminer par Las Palmas. Son contrat n’est pas reconduit et il doit une nouvelle fois retrouver un banc.

Rubi et le costume de pompier
Rubi a faim de Liga, il veut entraîner au plus haut niveau en Espagne et montrer qu’il a les ressources et les qualités pour réussir. Ne réussissant pas à faire monter un club de Segunda, il décide de rejoindre des formations en détresse en cours de saison pour se familiariser avec la Liga depuis le banc. Tout d’abord Levante, lors de l’exercice 2015/2016 et Gijon en 2017. Par deux fois les clubs sont dans des situations précaires et Rubi doit bosser dans l’urgence. Ces clubs en situation délicate ne lui permettent pas de mettre en place sa philosophie de jeu. Sa méthode même si elle ne s’étale pas sur un projet de 3 ans, prend un peu de temps à se mettre en place et doit être travaillé en amont. Par deux fois il connaîtra donc la relégation, chose qu’il n’avait jamais connu sur un banc en presque 15 ans d’expériences. La cote du Catalan s’effrite petit à petit..
Une arrivée sur la pointe des pieds à Huesca
Lorsqu’il signe dans le tout petit club de Huesca personne ne s’enflamme. Les supporters pleurent encore la départ d’Anquela à Oviedo, et la cote de Rubi n’est plus très haute. Pourtant très vite il va mettre tout le monde d’accord avec son 4-4-2 évoluant en 4-3-2-1. Sa science tactique et ses diverses expériences font que cette saison en Segunda semble être celle de l’aboutissement pour lui. Emmené par un Cucho de gala et des joueurs fins comme Melero ou Sastre, il va marcher sur la Segunda durant toute la phase aller. La phase retour est pourtant plus compliquée pour Rubi et Huesca, mais il trouvera la force nécessaire pour redresser la barre et valider la monté directement en Liga, 2 journées avant la fin du championnat . Sa gestion du moment de creux de son équipe, qui restera près de 10 journées sans goûter à la victoire et comment il a réussi à les remettre à l’endroit est vraiment incroyable. Il semble réellement être arrivé à maturité pour le haut niveau. Huesca est un tout petit club, un petit budget et un effectif réduit et pourtant le club découvrira la Liga après un championnat long et homogène de 42 matchs : un exploit.

Ce retour en grâce de Rubi fait qu’il est de nouveau fortement courtisé et cette fois à l’étage supérieur. Lui qui ne s’éternise que très peu dans les clubs où il signe (il n’est jamais resté plus de 3 saisons au même endroit et grand habitué des « one shot »). En Liga notamment son nom revient avec insistance dans l’autre club de Barcelone qu’il connaît plutôt bien pour en avoir été le coach de la B, et où il a côtoyé notamment Valverde qui était le coach de la A. Et oui, on parle bien de l’Espanyol qui semble avoir fait de Rubi son favori pour prendre en main son équipe fanion pour la saison prochaine. Un choix intéressant et ambitieux pour l’Espanyol qui possède une Cantera de haut niveau et surtout un effectif plutôt intéressant. Si le mouvement se confirme, Rubi va avoir toute la préparation estivale pour mettre en place sa méthode et souvent ça donne des résultats en fin de saison… Affaire à suivre mais les Pericos ont-si les rumeurs disent vrai- toutes les cartes en main pour devenir l’équipe frisson de la saison prochaine.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13