
Helenio Herrera n’est pas celui que vous croyez. Il n’est pas que le metteur en scène d’un football résolument défensif devenu, à tort, la carte de visite du football transalpin. Le Franco-Argentin est un entraîneur qui a révolutionné le travail et la reconnaissance des coachs en plus d’être une grande gueule. HH ou El Mago c’est aussi un enfant du monde, polyglotte et globe trotter principalement connu surtout pour son passage à l’Inter. Avant l’Italie, Herrera avait mis avant l’Espagne à ses pieds avec un style diamétralement opposé. Cette deuxième partie est consacrée avec qui il remportera 4 titres mais sa relation avec Kubala le poussera au départ.
En 52 après une saison sans trophée il quitte l’Atleti à la surprise générale. Il reprend Malaga, le club de la région natale de son père alors tout juste promu en Liga qu’il réussit à maintenir en Liga. C’est le début d’un petit tour d’Espagne du football pour Helenio Herrera. Après l’Andalousie c’est brièvement en Galice et à la Corogne qu’il pose ses valises et pour finir 3 saisons avec Seville. Sous la présidence de Sanchez Pizjuan Helenio s’épanouit en Andalousie mais il ne remporte aucun trophée mais finit notamment 2e en 1957. À la mort de la légende du Nervion il plie bagage et signe chez un géant, le Barça de Kubala avec un passage rapide au Portugal entre temps.
Le Barça avant la gloire à l’Inter
Après cet intermède de 6 ans sans titre, HH a soif de victoires et une volonté farouche de faire fructifier sa légende. Selon Sid Lowe un spécialiste du HH, à Barcelone, Herrera a commencé avec trois séances d’entraînement rigoureuses par jour. Après le premier, les joueurs ont vomi. À la fin de son mandat, il avait remporté deux titres de La Liga dont un lors de sa première saison. La légende HH était lancée.
« A barcelone je disais aux catalans qu’il jouait pour la Catalogne, aux étrangers je parlais d’argent »
Comme à son habitude, dès son arrivée dans un club HH comprend très vite son fonctionnement et adapte sa posture. Le Barça est l’emblème du le République avec Seville et Valence. Il est en guerre avec le Real et l’imbroglio avec Di Stefano est encore dans toutes les têtes. Le Barça est un club fier et très important dans le catalanisme. Logiquement il s’appuie sur ça, il lance des piques au Real et tance Di Stefano. Ses relations avec la légende de la maison blanche sont vraiment mauvaises. Quand il coachera la Roja, il sortira en poule à cause de cette non entente avec l’attaquant star de l’époque.

Herrera retrouve Luis Suarez le meneur de jeu qu’il mènera au ballon d’or (le premier milieu à recevoir la distinction). Avec lui, il avait une méthode particulière qui résume plutôt bien quel genre de coach était Herrera. Luis était superstitieux, pour lui si son verre se renversait avant son match il allait être bon. HH s’arrangeait pour toujours faire basculer son auge avant un gros match… Ne rien laisser aux hasards.. Rien rien.
« Il n’y a pas de magie dans le football : tout est affaire de passion et de combat »
Pour sa première année sur le banc des blaugrana, il remporte un titre de champion et même un doublé avec la Copa Del Rey. L’année suivante un nouveau titre de champion et un nouveau doublé avec une coupe des villes de foire soulevé à Birmingham. Tournant à plus de 3 buts par matchs et près de 76% de victoires le Barça de HH affole les compteurs mais ne réussit pas à soulever une C1 alors que le Real survole la compétition. Son bilan est meilleur que la grande équipe de Pep, mais rien n’y fait la maison blanche est trop forte. Pourtant son équipe composé de jeunes du cru comme Vergés et Tejeda, ou d’étrangers comme Kocsis et Kubala et les sud-américains Villaverde ou Martinez étaient une escouade irrésistible.
« Dans le football actuel, un joueur tout seul ne fait rien. Il faut gagner en équipe, c’est ça la consigne »

Lazslo Kubala, le caillou dans la chaussure de HH
La méthode militaire de HH fonctionne mais des dissensions apparaissent dans l’effectif. La discussion est surtout tumultueuse avec la star du Barça de l’époque, Laszlo Kubala. Le joueur qui a été sélectionné dans 3 équipes nationales différentes est une véritable star, une idole. Un Messi avant l’heure ou presque en somme. Sauf que les entraînements et la vie encadrée, très peu pour Lazslo qui préfère descendre des bières et se saouler régulièrement. L’anecdote raconte même qu’il avait un chauffeur qui le suivait partout pour éviter qu’il conduise saoul.
« Le football moderne est la vitesse. Défile avec vitesse, passe la balle avec vitesse, marque et rétrograde avec vitesse, pense avec vitesse «
De plus le style de jeu d’El Mago ne convient pas vraiment à Kubala. Même si on est loin du HH de l’Inter qui ferme le jeu au possible il veut un football vertical sans énormément de touches de balles. Pour lui le foot doit aller vite alors qu’à l’époque les entraîneurs laissent de très grandes libertés aux stars alors que lui leurs inculque un projet de jeu. Herrera commence à être une star quand Kubala est un dieu vivant en Espagne. Une histoire raconte que Kubala attirait tellement les foules qu’il a conduit à la construction du Camp Nou. HH n’arrivant pas à dompter Lazslo, il quitte le Barça et l’Espagne pour l’Inter pour devenir un géant. HH voulait être la star, être regardé et acclamé. Kubala c’était pareil, et c’est très compliqué d’avoir deux diamants dans le même écrin. Pour ne rien arranger, Kubala était venu au Barça avec son beau-père en coach. La relation avec HH ne pouvait que tourner au vinaigre.
«Je suis fort, calme, je ne crains rien, je suis beau.» La routine matinale de HH.
Helenio Herrera était une éponge
HH était un être entier, une éponge dotée de capacité intellectuelle au dessus de la moyenne. Rapidement il comprenait ce qu’on attendait de lui et les spécificités des clubs où il était. En Espagne il a perfectionné son schéma offensif. La verticalité, le management de grands talents, son 3-5-2 ou 4-3-3 avec énormément de mouvement et surtout marqué le plus possible. En Italie il apprendra la rigueur défensive. Il est par exemple sur le banc lors du match nul le plus prolifique en Espagne avec ce fameux 6-6 entre l’Atleti et l’Athletic loin du catenaccio ..
« Je ne sais pas si je suis le meilleur au monde, mais je sais que je fais tout pour l’être »
Au Barça sa marque est moins grande même si c’est là où il finira sa carrière en remplacement de… Kubala .En Italie il perfectionnera le verrou suisse et cela donnera un Inter légendaire. Réduire HH au catenaccio est une hérésie. Il finira tout de même sa carrière d’entraîneur avec un goal average de plus de 500 buts et près de 50% de victoire en moyenne, une broutille n’est ce pas ?. Souvent en France on oublie qu’il est Français, en Espagne ses prises de bec avec Di Stefano et Kubala font qu’il n’est pas vraiment honoré à sa juste valeur mais il aura trouvé sa place en Italie.
HH est un entraîneur mythique et la première légende du coaching. Il avait tout : le phrasé de Mourinho, l’aura du Cholo et la science tactique de Pep Gardiola. HH était tout ça et encore plus comme le résume très bien le journaliste italien très connu Gianni Brera, qui a théorisé le poste de « libero » et ex-rédacteur en chef de La Gazzetta dello Sport, » Herrera c’est un clown et un génie, vulgaire et ascétique, sultan et croyant, rustre et compétent, mégalomane et obsédé par la santé… Il était tout cela et même plus« . Et Helenio Herrera résume plutôt bien son apport au métier d’entraîneur : « Grace à moi les entraineurs ont commencé à gagner de l’argent. Avant il portait les valises ». Une chose est sûre, HH avait 30 ans d’avance dans tous les domaines, un géant de notre sport.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13