L’Atlético et la crainte de redevenir El Pupas

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L’Atlético Madrid est devenu un club qui compte ces dernières années. Pourtant, tout a tendance à s’écrouler au moment crucial. Au pire instant, le souvenir d’El Pupas ressurgit…

Plus que jamais, dans la nuit milanaise, l’Atlético s’est érigé comme le grand contradicteur du Real Madrid. 120 minutes durant, il a supporté les coups du décuple champion d’Europe, lui renvoyant au visage des années d’affronts éprouvés. L’Atlético ne subit plus. Désormais, il a appris à frapper en retour. Pour une fois, ce Real, éternellement supérieur, il le regarde droit dans les yeux jusqu’au bout. Pas d’humiliation, pas de but de Ramos à la dernière minute. Ce soir-là, l’Atlético n’a jamais failli. Jusqu’à ce quatrième tir au but… Juanfran, originellement Madridista, devenu porte-étendard du peuple du Calderón, honore ses responsabilités. En échange de son courage, il reçoit de la part du football une salve d’horreur en retour. Keylor Navas n’a rien fait, seulement, le poteau recrache le tir. L’Atlético est maudit, une fois encore. L’histoire aurait dû les faire gagner ; dépouiller le grand Real pour venger une Europe du ballon rond lasse de voir ce seigneur de guerre garder tout le butin pour lui. Les règles implacables d’un destin inévitable ont pourtant fait foi. Les Colchoneros sont les damnés du football, ils sont redevenus El Pupas.

Heysel 1974, l’acte fondateur 

Certains fans de l’Atlético aiment se penser comme partisans d’un club de travailleurs, défavorisé par le pouvoir franquiste. En réalité, il n’en est rien. Les supporters colchoneros ne sont ni moins bourgeois ni plus prolétaires que ceux du Real et Franco a aussi fait de l’Atleti un fer de lance de sa propagande durant un temps. Finalement, la plus grande différence entre le Real et l’Alético, c’est que l’un a pris l’habitude de gagner alors que l’autre s’est familiarisé avec la défaite. Souvent même, le géant merengue triomphe aux dépens de son voisin rouge et blanc. Au fil des décennies, le club de Manzanares a appris à perdre. Plus précisément, à partir de 1974, date à laquelle la légende d’El Pupas prend vie.

L’année précédente, les Colchoneros remportent la Liga, ce qui leur ouvre les portes de la Coupe d’Europe pour la troisième fois. Au terme d’un parcours immaculé, ils atteignent la finale. Au stade du Heysel, le grand Bayern de Beckenbauer, d’Uli Hoeness et du Torpedo Müller les attendent. Ni plus ni moins que la substantifique moelle de l’équipe d’Allemagne. Loin de se liquéfier, les hommes de l’Argentin Juan Carlos Lorenzo font un grand match. Ils tiennent en échec les Bavarois, jusqu’à les emmener en prolongation. À la 114e minute, coup-franc pour les Madrilènes. Le futur plus grand homme de l’histoire du club, un certain Luis Aragonés s’exécute. El Zapatones de Hortaleza fait fi de la prestance du gardien Sepp Maier et ferme sa jambe droite pour battre l’Allemand superbement. Il reste six minutes à jouer, le club du Calderón est momentanément sur le toit de l’Europe.

L’allégresse ne fera pas date. Le sablier n’a beau avoir plus que d’insignifiants grains à écouler, Schwarzenbeck tente une frappe de 30 mètres apparemment vaine. Les espoirs bavarois s’accrochent à ce ballon flottant, lequel finit par tromper Miguel Reina (père de Pepe Reina) bien malheureux pour l’occasion. C’est inconcevable, le titre vient de glisser des doigts de l’Atleti. L’afición surnomme ce match « La Casi », la fois où les Indios ont presque dominé l’Europe. Pour départager les deux prétendants, un match d’appui a lieu deux jours plus tard, une première dans l’histoire de la Coupe d’Europe. Une nouvelle chance s’offre aux Espagnols. Mais là, la rédemption fuira le club de Madrid, sèchement corrigé 4-0. La souffrance vient d’être cousue à l’écusson madrilène. Le président Vicente Calderón déclare « nous sommes El Pupas », autrement dit, les maudits, ou « le blessures », traduit littéralement.

Herrldo Bezerra et Gerd Müller lors de la finale de 1974. /Crédits : RTL.fr

Le Real, ultime pourfendeur 

Dans les années qui suivent, Hugo Sánchez, le meilleur joueur de l’équipe part direction le Nord de la ville, où il rejoint le rival honni merengue. En 92, un jeune espoir du centre de formation atlético, décide de porter les couleurs blanches. La raison ? Jesus Gil, président des Colchoneros, a tout simplement décidé de fermer les portes de l’académie. Elle coûtait trop cher disait-il. Le nom de ce garçon n’est autre que celui de Raúl, qui deviendra l’un des plus grands joueurs de l’histoire de la Casa Blanca. Pour ne rien arranger, la relégation happe les Matelassiers en 1999.

En plus de ce châtiment, l’Atlético sera frappé d’une autre peine. Pendant 14 ans, il ne gagnera aucun derby contre le Real. Se faire malmener par le grand-frère, une douloureuse habitude qui ne prendra fin qu’en 2013.

Car une année plus tôt, Diego Simeone ravive les attentes de toute l’afición. Le fatalisme, c’est fini ! Plus question de gésir au sol avant même d’avoir sorti les flèches de son carquois. Les Indiens se révoltent contre l’ordre établi, une décennie cauchemardesque s’achève. Quand le Cholismo gagne les coeurs, l’Atlético gagne des titres. Le Real tombe face à la bande d’El Cholo après ces fameuses 14 années d’invincibilité. Au Bernabéu, en prolongations, en ayant été sauvé quatre fois par les poteaux, la malchance les a préservés. La réalité est à nouveau supportable. Jusqu’à ce qu’El Pupas ne réapparaisse…

92:48 le timing où Ramos a fait reprendre vie à El Pupas. /Crédits : SofaScore.com

Libéré par une tête terrible de Sergio Ramos à une minute de la fin dans la finale de Lisbonne en 2014, le douloureux souvenir revient spolier les rêves rouge et blanc. Les mémoires peuvent être enterrées, elles ne meurent pas pour autant. Comme face au Bayern 40 ans plus tôt, l’Atlético ne s’en remettra pas. Succède à cela la finale de 2016 perdue aux tirs au but et l’élimination en demi-finales en 2017 pour un petit but, face au Real évidemment, pour ce qui sera le dernier match européen au Vicente-Calderón.

Bientôt, ce stade mythique ne sera plus que ruines. Reste à savoir si El Pupas retournera lui aussi à la poussière, ou alors s’il demeurera vivant, scrutant chaque espoir de l’Atlético pour mieux le décimer. Pour l’instant, il n’a pas encore frappé en Europa League…

Elias Baillif 

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