Marcel Domingo, le Volcan français qui était l’égal de Luis Aragonés et Diego Simeone

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Seulement trois hommes ont remporté le titre de champion d’Espagne avec l’Atlético de Madrid en tant que joueur et en tant qu’entraîneur : Diego Simeone, Luis Aragonés et… Marcel Domingo. Trophée Zamora en 1949, deux fois vainqueurs de la Liga sous les ordres d’Helenio Herrera, le gardien international arlésien est indissociable de l’histoire des Colchoneros.

« Le volcan qui révolutionna l’Atlético ». Au lendemain de son décès, le 10 décembre 2010, El País rend un hommage appuyé à Marcel Domingo. Caractère bien trempé et fringues excentriques pour gêner les attaquants qui font passer Jorge Campos pour un type sobre, le Camarguais (il naît à Salin-de-Giraud) détonnait mais faisait l’unanimité tant par son état d’esprit que par son élégance. Joueur le plus capé de l’histoire colchonera, Adelardo n’a pas tari d’éloges sur son Mister : « C’était un révolutionnaire qui a contribué à moderniser le football, à la fois comme gardien mais aussi en tant qu’entraîneur ». Il faut dire que Marcel Domingo a pu apprendre au contact d’un maître tacticien : Helenio Herrera. Avant d’ériger le catenaccio en art du côté de l’Inter, le Franco-Argentin a connu le succès chez les Indios avec deux Ligas consécutives (1950 et 1951). Dans les bois, « El Volcán » a largement démontré sa valeur en 1949 en remportant le Trofeo Zamora (Zamora était d’ailleurs l’entraîneur de l’Atlético qui remporta ses deux premières Liga, en 1940 et en 1941).

Gardien de l’équipe ultra-offensive d’Helenio Herrera

L’arrivée d’Herrera transforme les Rojiblancos en vainqueurs et en équipe terriblement efficace sur le plan… offensif ! Tandis que l’Atlético avait marqué l’immédiate après-guerre avec sa « Delantera de Seda » (l’attaque de soie, composée de Juncosa, Vidal, Silva, Campos et Escudero, qui reste encore à ce jour le meilleur buteur du club en Liga avec 150 unités), Herrera fait passer à la postérité la « Delantera de Cristal », surnom donné en raison des blessures qui ont empêché de la voir évoluer plus souvent au complet. Cette armada offensive était composée, outre Juncosa et Escudero, de Pérez Payá, du Suédois Carlsson et du Français Larbi Ben Barek, la mythique « Perle noire » qui a fait un jour dire à Pelé : « Si je suis le roi du football, alors Ben Barek en est le Dieu ».

Sur deux saisons, ce quintet a inscrit 80 % des buts de l’Atleti (71 sur 87 en 1950-1951 et 63 sur 80 en 1951-1952). « Nous avons battu le Real Madrid 3-6 au Chamartin avec la célèbre et sensationnelle “Delantera de Cristal”, se rappelle Adrián Escudero. Ben Barek était un artiste, mais il se cachait dans les matches durs. Il ne bougeait pas de son côté parce qu’il disait qu’il était venu en Espagne pour jouer au football, pas pour faire à la guerre. Sa qualité était indiscutable. Pérez Payá était très grand et jouait bien de la tête. Carlsson était un renard des surfaces avec une belle technique. Juncosa avait de grandes qualités et de grandes feintes. Moi, j’étais un ailier classique, qui passait et qui marquait beaucoup de buts ».

Champion avec Aragonés en attaque

Près de vingt ans plus tard, Marcel Domingo se retrouve sur le banc de l’Atlético. Le « Madrid des Yé-Yé » domine le football ibérique. Il est temps que l’hégémonie merengue s’arrête. Vicente Calderón suit l’exemple de Santiago Bernabéu qui avait engagé l’ancien joueur Miguel Muñoz pour retrouver les sommets. Depuis 1966, l’Atlético voit les Madridistes faire la fête à la fontaine de Cibeles. Le président colchonero engage Domingo avec un objectif : devenir le club dominant de Madrid. L’Arlésien met en place une équipe de contre, une tactique qui correspond à l’ADN rojiblanco. À la finition, El Volcán peut compter sur un duo de grande valeur : l’Argentin José Eulogio Garate et un certain Luis Aragonés (meilleur buteur du club toutes compétitions confondues avec 173 réalisations). Au terme de l’exercice 1970, ils facturent 32 buts à eux deux, 16 chacun, pas de jaloux, un Trofeo Pichichi chacun. « Jamais en 17 ans de maison, je n’avais vu un tel Atlético, confie Adelardo dans El País. C’était très moderne. Nous sortions en contre comme des anges ! Je garderai toujours une grande affection pour Marcel. Il fut quelqu’un de très spécial pour moi : l’homme qui me ressuscita après une année pratiquement blanche ». Les Colchoneros scellent leur triomphe à Sabadell. Lorsque Ufarte ouvre le score, El Volcán entre en éruption : « Je n’oublierai jamais sa réaction quand j’ai marqué lors de cette dernière journée, en riait encore l’international espagnol né au Brésil. Ce but nous offrait la Liga. Il fallait voir comment Marcel l’a célébré ! ».

La saison suivante, l’Atlético est à nouveau proche du doublé comme en 1951. Mais lors de la dernière journée, ironie de l’histoire, les Rojiblancos concèdent le match nul contre le Barça. C’est le Valencia de Di Stefano qui coiffe les deux équipes au poteau. Valencia, un club que Domingo a entraîné de 1977-1979 et qui a été remplacé par… Di Stefano après son succès en Copa del Rey.

Figure essentielle mais méconnue de l’histoire colchonera

Inconnu en France, quasiment oublié en Espagne (en 1997, alors qu’il souhaite acheter deux billets pour un match, un supporter le reconnaît et l’accompagne se présenter à la porte des invitations : aucun des employés ne savait qui il était !), Marcel Domingo a pourtant été un personnage crucial dans l’histoire de l’Atlético. À la croisée des époques, il a appris des méthodes d’Helenio Herrera pour ensuite diriger des joueurs qui ont profondément marqué et transformé le football ibérique. Luis Aragonés vient évidemment en premier à l’esprit. « El Sabio de Hortaleza » a, en plus de détenir le record de matches en Liga comme entraîneur, guidé la Roja vers les succès que l’on connaît. Dans son staff figurait Ufarte, son coéquipier à l’Atlético. Enfin, Domingo a lancé dans le grand bain de la Liga Javier Irureta, 21 ans à l’époque. L’attaquant basque, deuxième entraîneur au plus grand nombre de matches de Liga, a fait souffler un vent de folie sur le football espagnol avec le Deportivo de La Corogne, remportant un titre de champion en 2000 (ainsi qu’une Copa del Rey en 2002 et deux Supercoupes d’Espagne) ainsi que trois titres de meilleur entraîneur du championnat (1998 avec le Celta de Vigo, 2000 et 2004).

Que ce soit en tant que joueur ou en tant qu’entraîneur, Marcel Domingo a apporté des trophées aux Colchoneros, mais aussi transmis un héritage. À présent que Luis Aragonés l’a rejoint au Panthéon des légendes rojiblancas, l’élève et le maître peuvent voir ensemble les exploits de leur Atleti. Et se dire qu’en Cholo Simeone, ils ont trouvé un bien beau successeur.

François Miguel Boudet
@fmboudet

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