Netflix a Narcos, l’Espagne et ¡FuriaLiga! ont Fariña et Juventud Cambados. Ce petit club galicien s’est fait un nom en Espagne. Entre 1986 et 1989 son président ne fut autre que José Ramón Prado Bugallo a.k.a Sito Miñanco, le narco gallego qui a soupoudré l’Europe à la fin des années 80.
Sito Miñanco a fait l’objet de nombreuses opérations policières depuis 1990 et a passé plusieurs années derrière les barreaux. Le natif de Cambados a encore été arrêté, à Algeciras, par la police espagnole le 27 février dernier lors de l’opération Mito (Mythe). Un nom à la hauteur du personnage qui a fait les beaux jours d’un petit club de ses terres par le passé. Comme un certain Pablo Escobar, José Ramón était très populaire chez lui, en payant notamment des opérations et traitements médicaux aux familles ou encore des études aux enfants. Mais c’est surtout pour son passage à la tête du petit club local de Cambados qu’il s’est gagné le cœur des habitant des magnifiques Rías Baixas. Sito Miñanco était passé par les équipes de jeunes du club mais n’a jamais vraiment réussi à briller sur le terrain et c’est finalement depuis les bureaux que le narcotrafiquant le plus important d’Europe dans les années 80 à mené son club de cœur vers les sommets.
Dans le sillage de Pablo
« Il voulait gagner le soutien des voisins donc c’est lui qui finançait par exemple les fêtes du village. Le football avait bien sûr le même objectif. Beaucoup de narcotrafiquants cherchaient à imiter les grands capos étrangers comme Pablo Escobar, Sito était l’exemple parfait ». Ce sont les mots de Nacho Carretero, un journaliste galicien à l’origine du livre Fariña (farine en galicien) qui est aujourd’hui devenu une série TV qui marche plutôt bien en Espagne. La ressemblance avec le fameux bandit colombien est flagrante. Trois ans avant le polémique titre de Copa Libertadores de l’Atlético Nacional du Patrón, Sito Miñanco décide de devenir président du Juventud Cambados, le petit club de son village de 12 000 habitants. Il faut savoir que l’emplacement stratégique du village, au centre des Rías Baixas, était parfait pour la contrebande de tabac dans les années 80. C’est d’ailleurs en passant du tabac (des paquets de Winston depuis le Portugal) que Sito se fait rattraper par la patrouille la première fois en 1983.

Son passage par la prison de Carabanchel (Madrid) a tout changé. Il établit alors des contacts avec des membres de la famille Ochoa du fameux Cartel de Medellín de Pablo Escobar et commence à changer le tabac par de la cocaïne et de l’héroïne. Une fois que ces deux substances nocives inondent la zone, les riverains commencent à se méfier des pratiques de Sito. Le narco décide alors de faire plusieurs gestes pour apaiser les tensions en plus de se lancer dans une croisade avec le club local. C’est en 1986 que José Ramón débarque dans les bureaux du modeste club de la Ría de Arousa. La Juventud Cambados végète alors en division régionale espagnole, au cinquième échelon du pays. Son idée était claire, guider le club du village vers les sommets afin de faire sourire le peuple et éviter ainsi de les voir se poser des questions sur ce qu’il fait en dehors. Pendant trois ans, ça a plutôt marché…
L’ascension avant la détention
Rapidement, le petit club galicien allait passer de la cinquième division du pays à flirter avec le deuxième échelon. D’entrée, Sito fait venir des joueurs importants du Depor, alors en D2, de Pontevedra ou encore d’Avilés. Le budget du club était presque celui d’une équipe de l’élite espagnole. « Ils avaient un soutien social énorme et ils étaient largement supérieurs. Chaque match était une promenade pour eux, ils étrillaient tout le monde, surtout à domicile » avait déclaré Benito Leiro, journaliste galicien. Les salaires mirobolants qu’offrait le baron de la drogue de Galice ont permis au petit club de la ville de survoler les débats. Et puis les « stars » vivaient tout confort : équipe de masseurs, les meilleurs ballons du marché ou encore un bus de luxe pour les voyages. Et puis parfois c’est en yacht que voyageaient les joueurs de son équipe. « Il y a eu une série de circonstances qui ont fait que plusieurs très bons joueurs ont terminé à Cambados » disait l’ancien milieu du club Carlos Bericat. Pas besoin d’être un génie pour comprendre de quoi il parle. Tout devient tout de suite plus simple pour un club qui milite dans une catégorie amateur.

Le club gallego monte en Tercera División le quatrième échelon espagnol pour y passer deux saisons avant de grimper en Segunda B après une saison historique, la meilleure de l’histoire du club. Champions avec 13 points d’avance, meilleure attaque avec 77 buts marqués mais aussi meilleure défense et seulement trois points de perdus à domicile sur toute la saison. Cette mémorable campagne sera récompensée par Sito. Un voyage tous frais payés en Amérique Latine pour un stage plutôt tranquille. Au Panama, Sito va rencontrer l’une de ses femmes, Odalys Rivera, nièce d’un ex ministre du général Antonio Manuel Noriega, avec qui il se promenait en Galice au volant de sa Ferrari Testarrosa. Entre quelques amicaux, les joueurs pouvaient profiter de bateaux de luxe, prostitués, fruits de mer et champagne. Les jours de paie, Miñanco débarquait dans les vestiaires avec des sacs poubelle remplis de billets. Les Galiciens vont ensuite manquer de peu la montée en D2 (4e) lors d’une saison pleine d’adversaires de gros calibre comme Getafe, le Depor et le même le Real Madrid Castilla d’Alfonso et Ismaël Urzaiz au Bernabéu. Ce sera la dernière saison de Miñanco à la tête du club.
Le club comme outil
Peu après avoir financé un nouveau stade pour 2 000 spectateurs pour remplacer le vieux A Merced, l’emblématique président du club plie bagage. En 1990, Miñanco se rend compte que ses activités sont suivies de très près et décide de se faire oublier. Pendant son mandat il a réussi à passer entre les gouttes, aidé par plusieurs personnes au sein du club. Notamment un groupe des supporters les plus radicaux qu’il utilisait comme espions. « À cette époque, les ultras du club de Cambados étaient en même temps des espions de Sito. Ils notaient des plaques d’immatriculations, espionnaient la police et s’informaient de tout ce qui se disait et se passait au sein du village pour ensuite avertir Sito » assurait Nacho Carretero. Cela n’a cependant pas empêché la police espagnole de le mettre à nouveau derrière les barreaux en 1994 lors de l’opération Nécora (étrille) qui avait débuté trois ans plus tôt au Pazo Baion. Une opération qui va laisser Sito à l’ombre pendant quatre ans avant d’être remis en liberté conditionnelle même s’il allait retrouver la prison trois ans plus tard.

À 63 ans, et après plus de 23 ans passés derrière les barreaux tout au long de sa vie, Miñanco profitait de sa semi-liberté pour travailler dans un parking d’Algeciras avant d’aller dormir tous les soirs au poste. La justice espagnole lui est une nouvelle fois tombée dessus en février dernier accusé d’être le cerveau d’un réseau de traffic de drogue en Italie, Pays Bas et Albanie. Miñanco avait d’ailleurs un scénario de la série Fariña chez lui lors de sa détention. Alors qu’aujourd’hui son personnage fait les beaux jours des amateurs de la série espagnole, son ancien club et ses supporters ont eux retrouvé les profondeurs du football. Deux ans après son départ des bureaux de la Juventud Cambados le club a sombré à nouveau et végète aujourd’hui en sixième division. D’ailleurs, plus personne n’a vraiment entendu parler du club si ce n’est quand la pornstarMaría Lapiedra est devenue l’image publicitaire du club en 2014…
Nicolas Faure
@Nicommentator