Nolito est un joueur particulier, un footballeur d’un autre temps qui continue de nous éblouir par séquences. Ce samedi, à 21h30 il va disputer une finale de Copa face à son club, le FC Barcelone. Portrait de l’un des derniers représentants d’une espèce bientôt disparue dans le football moderne : les footballeurs de rue.
Le 15 octobre de l’année 1986, Manuel Agudo Duran voit le jour dans une petite bourgade andalouse. Il n’est pas élevé par ses parents, incarcérés au moment de sa venue au monde. Il est donc recueilli par ses grands-parents et il rejoint l’arche de Noé familiale où il s’entasse avec oncles et cousins dans la banlieue de Cádiz. La vie n’est pas facile pour le tout jeune Manuel et rien ne le prédit à embrasser une carrière de footballeur.
« Avec la Playstation, les jeunes sont étourdis. J’ai beaucoup joué dans la rue et j’aime ça. L’été, je continue à jouer dans la rue avec mes amis. Avant, je n’avais pas de ballon et jouais avec celui d’un autre ami. Nous habitions un quartier de gens humbles et nos mères ne pouvaient pas toujours nous en acheter un. Mais on se débrouillait toujours pour en avoir un »
À l’âge où la plupart des jeunes footballeurs sont déjà dans des centres formation lui quitte l’école et bosse à mi-temps dans une boucherie. L’après midi c’est football dans la rue, avec le ballon d’un ami très souvent. Toujours habillé avec un maillot du Barça, il fait étalage de sa technique sur le goudron de sa ville. Bien qu’il est au-dessus de la mêlée, il ne rejoint toujours pas de structure pour progresser.

Luis Enrique, un deuxième père
Ne connaissant pas son père, c’est son grand-père qui éduque et apprend la vie au petit Manuel. En plus de lui enseigner les rudiments de la bonne tenue en société, il lui transmettra l’amour du football et surtout du Barça, ce beau et grand club. Lui, le jeune Andalou toujours hors du circuit de formation classique fait ses armes dans de modestes formations. D’abord l’UD Algaida et ensuite l’Atlético Sanluqueño où il côtoiera notamment José Jurado, actuellement à l’Espanyol.
Sans réel bagage tactique, il réussit cependant à signer dans un petit club de Tercera, l’Ecija Balompié. Pour le petit bonhomme en surpoids, les débuts dans le football sont compliqués et il n’est que très rarement titulaire. Cependant, il réussit à prendre à sortir la tête de l’eau et à la suite d’un coup d’éclat en Copa face au Real de Ronaldo et Beckham, il signe au Barça, dans SON club.
« Luis Enrique m’a marqué, en bien et en mal. Il a toujours été direct et clair avec moi, il m’a appris à voir le football d’une autre manière. Luis Enrique m’a montré que je pouvais vivre de ça. Il m’a dit que j’étais un bon joueur, mais que je devais y croire »
Nolito commence chez le petit Barça, celui entraîné par Luis Enrique dans un Mini Estadi alors en D3. Les débuts, comme à Ecija, sont compliqués pour lui, car il n’a pas l’hygiène de vie d’un footballeur pro. Sous les ordres du cycliste, il va se reprendre et comprendre qu’il touche du doigt son rêve, celui de vivre du football, sa passion. Très vite il impressionne et la D3 devient trop étroite pour lui. Il multiplie alors les aller-retours avec le grand Barça entraîné alors par Guardiola.
« Luis Enrique est apparu à un moment de ma carrière où il était possible soit de faire un pas en avant, soit faire un pas en arrière. J’étais en équipe B de Barcelone avec lui, puis au Celta. Il a beaucoup parié sur moi et m’a supporté. Il m’a fait voir le football différemment, me convaincant que je pouvais vraiment y arriver »
L’ailier réussit même à grappiller des minutes mais le gap est trop important pour lui. Il continue de faire ses gammes avec la B qu’il réussit à faire monter en Segunda. Il progresse dans le jeu, apprend qu’il peut faire autre chose que dribbler, proposer des choses sans ballon. Tout n’est pas rose pour le blaugrana mais c’est un réel basculement dans sa carrière et ce passage lui permet de rattraper son retard sur les joueurs de son âge.
« Luis Enrique était sur moi tous les jours ; il a été fondamental pour ma carrière. Les gâteaux, le pain, le Coca : tout est bon, mais pour mon métier, c’est de la merde »
Après un passage mitigé à Benfica et un prêt à Grenade, l’ailier retrouve son mentor au Celta. Les deux hommes sont faits pour s’entendre et se connaissent par coeur. Cependant les débuts ne sont aisés pour aucun des deux. Le Celta tâtonne pendant que Nolito semble à côté de ses pompes. Tout va se décanter en deuxième partie de saison, où le Celta déroule enfin et l’ailier tire tout le monde dans son sillage : 9 buts sur les 10 derniers matchs de cette saison 2013-2014 et surtout un début d’idylle avec l’afición celtista. Même si son second géniteur part à la fin de la saison pour retrouver Barcelone, le footballeur de rue est lancé dans la cour des grands et mettra toute la Liga à ses pieds. Surtout, Luis Enrique tentera de le récupérer plusieurs fois, en vain. Nolito arrive à son but, il est un footballeur pro de haut niveau.

Toujours entre deux eaux
L’ancien Celtista est un footballeur gâté par la nature, et je ne parle pas de son physique peu affûté. Il le dit lui même :“Souvent je me vois à la télé et je vois mes fesses mais je me pèse et je suis bien. Je suis mince. La télé grossit. Les gens me disent qu’ils me trouvent mince quand ils me voient dans la rue« . Malgré une tendance à la prise de poids, l’ancien employé de bouche a un talent inné pour le dribble, la provocation. On a la sensation qu’il peut désarçonner n’importe quel défenseur avec un dribble ou un changement de rythme. Néanmoins, Nolito nous laisse le sentiment de pouvoir faire plus sans jamais vraiment y arriver, faute de travail. À Benfica, les débuts sont monumentaux (5 buts sur les 5 premiers matchs, un record) mais par la suite plus rien. À Grenade et à Vigo un florilège de beaux gestes, une cascade de ces mêmes beaux gestes pour au final un flop à City, puis une saison mitigée à Seville.
L’Andalou semble très proche du haut niveau tout en étant très loin en fin de compte. On oublie aussi régulièrement de se rappeler d’où il vient et où il est arrivé. On se dit que s’il avait pu entrer dans un centre de formation, il aurait pu devenir un joueur incroyable, mais on se dit aussi que c’est peut être ce parcours atypique qui fait qu’il est le très bon joueur que l’on apprécie. Nolito n’a rien d’un footballeur professionnel du moment, tant il semble venir d’une autre époque, dans sa gestuelle, dans sa manière d’appréhender le football et dans sa communication. Avant Benfica il ne savait pas défendre, avant le Barça il n’avait pas l’hygiène de vie d’un professionnel. Bref, le magicien du football sur béton revient de très loin.
« La technique demande beaucoup de gestuelle, conclut l’international. Les gens aiment l’art, ils sont attirés par cela. C’est comme quand tu regardes une corrida, tu vois ? Les gens aiment les petits ponts, les dribbles, les choses douces. Quand un joueur est pris en sandwich, c’est tout de suite moins glamour. Les gens viennent au stade et paient leur entrée pour voir les beaux joueurs et non l’impact physique »
Le natif de Sanlúcar est l’archétype du joueur de coup, qui joue par intermittence. Un style incompatible avec le très haut niveau mais qui lui permet de réaliser d’énormes performances dans les grands matches. Son bilan plaide en ce sens, l’Atléti est sa victime préférée pour faire trembler les filets avec 4 buts en 8 confrontations. Juste derrière ? Le Real avec 3 buts en 10 confrontations.
Le Barça ? Sa victime préférée pour les passes, avec 4 offrandes en 11 matchs. La pression très peu pour lui, les grands matchs le transcendent et c’est tant mieux. Même à City où tout ne s’est passé comme prévu, il égalisera au Celtic Park à 3-3. C’est comme ça, Nolito aime les grands matchs et les ambiances folles. Au Celta on se rappellera longtemps de sa participation incroyable lors de la démonstration 4-1 à Balaidos face au Barça.
« Je prends du plaisir à dribbler. Cela fait partie de moi depuis que je suis tout petit, parce que je jouais au foot toute la journée. Personne ne m’a fait de cadeau »
On apprécie Nolito parce qu’il est imprévisible dans le jeu comme dans la vie, ce qui l’aide autant que ça ne le desserre dans le fond. Il n’a que 31 ans et pourtant il semble déjà proche de la fin. Il a goûté à la Roja sans jamais réussir à s’y stabiliser, il a réussi à s’inviter au plus haut niveau, mais n’y semble pas à sa place. Rien n’a jamais été facile pour l’ailier qui s’est toujours accroché et qui a toujours cru en lui.
L’ex du Barça va vivre une finale de Copa, contre son club de coeur, sûrement assis sur le banc, et ça nous rend triste autant que ça nous rend joyeux. Triste parce qu’il sera sur le banc pour sa première finale, joyeux parce que voir un joueur comme lui à ce niveau ne peux que rendre heureux les amoureux de balompié que nous somme. Dans un football toujours plus aseptisé et qui n’accepte plus les profils atypiques, voir un joueur si particulier sur la pente descendante serre aussi le cœur. Reverrons nous des joueurs avec des histoires si particulière, des parcours aussi atypique ? Je ne sais pas.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13