José Campaña a déjà une carrière mouvementée à seulement 24 ans. Des débuts en fanfare, une blessure et une multitude de mauvais choix l’ont emmené à découvrir 4 pays et de revenir en Segunda pour rebondir. Il a offert le but qui maintient presque officiellement Levante. Il semble enfin à sa place, après avoir trainé se carcasse durant de longs moments. Retour sur un itinéraire riche pour un joueur si jeune.
On joue la 92e minutes de la 31e journée, Levante et Las Palmas se neutralisent 1 à 1 dans une Ciutat de Valencia qui ne demande qu’à exploser. Levante a un avantage plus que certain sur son adversaire du soir dans la course au maintien. L’arrivée de Paco Lopez sur le banc a totalement changé le visage des granotes qui sont imbattables depuis que l’ancien de la B a été propulsé numéro 1. Sauf qu’un but, une victoire et Levante sera quasiment assuré d’être un Liga la saison prochaine.
« Ce que j’aime penser, c’est que mes meilleures qualités sont de garder la balle et d’avoir une bonne distribution. J’ai toujours été un milieu de terrain typiquement espagnol et j’aime aller de l’avant et marquer des buts. »
Lors de cette 92e minute, le sergent Morales remonte un ballon pour mener un contre. Il sonne une charge qui doit mener à la victoire son équipe. Peu de ses coéquipiers le suivent, il y’a cependant Campaña qui propose une solution sur la gauche. L’habituel milieu de terrain défensif sent bien le coup. Il est servi par Morales et entre dans la surface, lui aussi attend du soutien sauf que personne ne vient. Il décide donc d’ouvrir son pied et de prendre sa chance, la frappe est belle, soudaine, enroulée comme il faut et le cuir finit tranquillement sa course dans le petit filet opposé. Lui explose, la Ciutat, les supporters sautent de joie, Levante est (presque) maintenu. Campaña a 24 ans et il vient d’ouvrir son compteur but en Liga. Il en a fallu du temps, mais le milieu de Levante enchaîne enfin en Liga, et c’est tant mieux.
Le petit prodige Campaña
Campaña est un pur andalou, natif de Séville il est donc logiquement supporter des Blanquirrojos malgré que son père ait joué au Betis, le rival historique. Son paternel l’initie rapidement au maniement du ballon rond et le petit José semble avoir un sacré potentiel. Il intègre donc logiquement l’académie de Nervión et gravit les échelons tranquillement. Il a tout du petit prodige, il est régulièrement nommé meilleur joueur des tournois auquel il participe. Une aisance, une reconnaisse même qui font que les ogres espagnols s’intéressent à lui. Sauf qu’il se sent bien à Séville, il ne se voit pas ailleurs. Son père refuse donc logiquement les approches.
« Je dois tout à Séville, sur le plan sportif et personnel, c’est un club qui vous aide à grandir dans tous les domaines depuis que je suis petit, tout ce que j’en retire est très positif, ils ont été très bons et j’ai fait mes débuts avec la première équipe de la première division et en Europa League avec Marcelino et Michel «
En 2009, il a même pas 16 ans et il intègre pourtant l’équipe B de Séville alors en Segunda B (3e division). Il est même pris en exemple par Monchi pour expliquer la réussite et la qualité de l’académie de Sevilla. Il est très en avance sur les autres joueurs de son âge. Après 2 ans dans le petit Séville, il tape dans l’oeil de Marcelino alors coach du grand et beau Séville. Les Andalous ne sont pas encore les ogres européens que l’on connaît actuellement mais un club qui devient de plus en plus important et ambitieux. Le jeune milieu de terrain, habitué à jouer 6 ou 8 devient même très important la rotation de l’actuel coach de Valence. Pour le deuxième match officiel de Séville cette saison, un retour de barrage européen face à Hannovre il jouera 10 minutes et découvrira SON stade et réalisera un premier rêve.
« Ce fut une journée inoubliable. J’ai réalisé un rêve qui était de jouer dans mon stade, qui est l’un des meilleurs au monde pour son ambiance, avec l’un des meilleurs passe-temps… Ca n’a pas de nom. C’est un beau souvenir. Et je dois ça à Marcelino »
Par la suite tout s’enchaîne pour le milieu de 18 ans. Il joue des bouts de match, 20 minutes par là, 15 par ici, il grappille du temps de jeu et fait étalage de tout son talent. Sa première titularisation en Liga est au Camp nou, pour un match qui se solde par un match nul et vierge. Il enchaîne encore une deuxième titularisation, cette fois ci face au Racing Santander et délivre sa première passe décisive en Liga. On se dit que tout est lancé pour lui et qu’il ne sortira plus du XI ou en tout cas qu’il sera un joueur important pour le FC Séville de Marcelino. Il retourne sur le banc mais joue toujours aussi régulièrement. En 22 minutes face au Real, et malgré le score dur pour les Andalous (6-2) il délivrera les deux passes décisives ce soir là. Tout se passe pour le mieux pour lui sauf que la suite va mal tourner au vinaigre pour lui et Marcelino.
« Marcelino m’a beaucoup marqué. À l’âge de 18 ans, il m’a fait confiance pour être un joueur de plus dans l’équipe, puis il m’a donné des opportunités. Il n’a pas duré longtemps sur le banc cette année-là mais j’ai gardé des moments comme le Camp Nou où il m’a mis titulaire. Je m’en souviendrai toujours avec beaucoup d’émotion. Je le remercierai toujours pour cette confiance qu’il m’a accordée »
En février 2012, l’entraîneur qui a lancé en pro Campaña, Marcelino est licencié pour mauvais résultat. Michel (oui oui, l’ancien de l’OM) lui succède. Il continue de faire régulièrement confiance au jeune Campaña même si son temps de jeu baisse de plus en plus. Son dernier match avec les Andalous est en novembre 2012, 45 minutes face à l’Athletic et puis plus rien. Michel le blackliste totalement, et sa fracture au pied ne l’aide pas par la suite à revenir dans les petits papiers du coach.

Dans le même temps, Campaña devient un membre important des équipes de jeunes espagnoles. Il totalisera une quarantaine de sélections avec les espoirs que ça soit avec les U19, les U20 ou les U21. C’est avec les U19 qu’il connaîtra ses meilleurs souvenirs. 2 titres coup sur coup en 2011 et 2012, il est même un membre très important de cette sélection composée de joueurs comme Morata, Deulofeu, Sarabia ou encore Jesé. Lors du deuxième titre de la sélection, en 2012 il est même capitaine 3 matchs sur 5. Lors de cet Euro U19 il trouvera même la barre en finale face à la Grèce. Campaña est aussi titulaire en 2013 avec l’Espagne lors de la CDM U20. Même si l’Espagne sortira en quarts, il se fera réellement remarquer avec des actions de grande classe.
« À Séville, je n’avais pas la continuité que j’aurais aimé. Je me suis blessé en mars et je suis venu presque directement à la Coupe du Monde U-20 avec l’équipe nationale. Et là, Crystal Palace est apparu et j’ai pris la décision de partir et de chercher d’autres objectifs. »
A la suite de cette CDM, Campaña est à un tournant. Il refuse une prolongation de contrat et a une pléiade de courtisans. Comme énormément de joueurs, il choisit le rêve de la Premier League et les Eagles de Crystal Palace. Il est présenté en grandes pompes, son manager de l’époque est élogieux à son propos lors de sa signature. Le milieu de terrain à 20 ans, une petite réputation mais pas encore de références au haut niveau. C’est un milieu espagnole typique, à l’aise sous la pression, capable de récupérer le cuir et d’orienter le jeu avec une aisance folle. Il manie le ballon rond avec une facilité déconcertante, il a une vision du jeu au dessus de la moyenne. Un style qui est à la monde, surtout qu’il a un gabarit plutôt intéressant.
« Je suis absolument ravi. Tout le monde sait le style de foot que je veux développer et comment l’Espagne a été fantastique au cours des dernières années, alors je suis ravi d’avoir un gars de cette qualité. Je pense que c’est un joueur fantastique, sa maturité est incroyable, et la façon dont il joue ext ce que je recherche. Il sera une grande star du futur et du présent. » Ian Hollaway, coach de Cystal Palace sur Campaña.
On pense alors qu’il va exploser en Angleterre et faire étalage de son talent. Sauf que voilà, il joue à un poste qu’il ne connait pas. De numéro 6 ou 8 il est positionné en numéro 10 en soutien des attaquants, notamment Marouane Chamakh. De plus, il ne parle absolument pas anglais. Il a du mal à se faire une réelle place dans l’effectif. Après une brouille avec son entraîneur à la mi-temps d’un match, il ne foulera plus la pelouse avec le maillot bicolore du club londonien. Le temps est une nouvelle fois au départ pour lui.
« J’ai passé six mois à Londres et je suis déjà entré dans une spirale qui m’a fait dégringoler. Jusqu’à Porto, j’ai réalisé que ça avait changé ou que c’était assez compliqué. J’ai réfléchi et réalisé que je n’avais rien fait dans le football et peut-être que je ne méritais pas d’être en première division. J’étais un peu dur avec moi-même mais j’ai préféré prendre du recul, retourner en Espagne et repartir de zéro. Et à partir de là, la chance a tourné »
La suite n’est faite que de déceptions pour l’actuel milieu de Levante. En janvier 2014, il part donc logiquement en prêt, à Nuremberg cette fois : nouveau pays et nouveau championnat pour lui. Son nouveau club est à la lutte pour le maintien, il retrouve quelque peu le sourire et enchaîne les titularisations et les prestations abouties. Sauf que le club est relégué et que son option d’achat ne peut donc pas être levée. Il rentre en Angleterre mais il est de nouveau sur le départ. Ses bonnes prestations en Allemagne ont tout de même attiré les courtisans, et c’est la Sampdoria qui le récupère. Encore un nouveau championnat pour lui, mais cela sera très court en Italie. Il n’a jamais réussi à impressionner Sinisa Mihajlovic et il est déjà mis sur la liste des transferts. On est en 2014 et Campaña semble au fond du trou
. » Campaña vient d’Espagne et il ne parle pas anglais » a déclaré Speroni à l’ Independent . « J’ai essayé de l’aider, pour trouver une maison, trouver une voiture, tout autour du football. »
Porto et Lopetegui viennent à son secours. Il connaît très bien l’actuel sélectionneur de la Roja et à cette période coach de Porto pour avoir été sous ses ordres avec les équipes de jeunes espagnoles. On se dit que c’est peut-être la bonne idée pour lui, retrouver un entraineur qui l’a déjà fait performer pour retrouver son niveau et enchaîner. Sauf qu’encore fois, c’est la déception. 2 petits matchs de championnat avec Porto, 7 matchs avec Porto B et c’est tout. Encore une fois, il n’arrive pas à se faire une place et il doit partir.

Il est toujours sous contrat avec la Sampdoria mais n’a aucun avenir avec le club italien. L’Espagne vient alors sonner à sa porte. C’est le petit club madrilène d’Alcorcón qui vient lui proposer un prêt. Le club alors entrainé par Muñiz est plutôt ambitieux à cette période et va frôler la promotion en Liga. Le club fini aux portes des barrages d’accession mais surtout le milieu de terrain joue régulièrement et brille surtout. Presque 3000 minutes en Segunda, 34 matchs en tant que titulaire et surtout un titre de meilleur milieu de terrain de la saison. Campaña a enfin trouvé de la stabilité et confirme tout le potentiel qu’on avait vu en lui au début de sa carrière.
« Campaña est un bon footballeur, j’ai une bonne relation avec lui parce que c’est jeune extraordinaire » Muñiz apprécie José et ne s’en cache pas.
Muñiz fait ses valises et rejoint Levante, tout juste relégué de Liga. Le club est ambitieux et veut remonter tout de suite, bien sur il prend avec lui Campaña libéré de ses engagements avec la Sampdoria pour un petit chèque de 500 000 euros. Encore une fois, il est titulaire inamovible en Segunda et rayonne. Au côté de Lerma dans le double pivot au milieu du 4-2-3-1 de Muñiz, il est excellent. Moins porté sur l’offensive qu’à ses débuts mais dans un cadre strict, il s’épanouit totalement et enchaîne. Levante finit champion de Segunda et s’offre une promotion en Liga. Campaña est enfin de retour en Liga, à sa place, chez lui, en Espagne.
« La continuité vous donne confiance dans le jeu, je suis à l’aise dans la position que j’occupe sur le terrain, ce qui me plaît le plus et ça rend les choses de mieux en mieux. »
Campaña s’épanouit enfin, il semble libéré et bien dans ses crampons. C’est important pour un footballeur d’être dans un club qui lui fait confiance et surtout pouvoir répéter les efforts régulièrement. Il nous a déçu, comme beaucoup de joueurs jeunes espoirs qui ont explosé très tôt, notamment avec la Rojita. Campaña a enchaîné les mauvais choix, symbole des jeunes footballeurs broyés par un système qui ne s’occupe pas vraiment de leur carrière mais de la recherche d’une perle rare. Il a su aussi travailler sur lui, se remettre à bosser et ne plus se reposer sur ses acquis, sur ce début de carrière intéressant mais qui n’a jamais été confirmé par la suite.
» Si plus d’un entraîneur ne voit pas le potentiel en moi pour jouer titulaire alors il y a un problème. Évidemment, je ne travaillais pas comme je le devais. Même si je suis jeune, il est temps de trouver la continuité pour éviter de bourlinguer »
Certains joueurs ont besoin de temps pour être à l’aise dans un club, comme Campaña sauf que lui on ne lui en a jamais vraiment laissé. Il a cependant la lucidité de revenir en arrière, de redescendre d’un cran pour jouer au football. Dans des championnats avec moins de pression, plus durs physiquement mais où techniquement il était sûr d’être au moins au niveau. Il a su choisir un club, Alcorcón sans réelle pression ni attente pour se relancer. Maintenant, il est indéboulonnable à Levante, en Liga, dans un championnat qu’il n’aurait jamais du quitter. Il a maintenant 24 ans, vient d’ouvrir son compteur but en Liga et doit maintenant courir après le temps perdu loin de son pays. Avec comme objectif, qui sais, de retourner à Séville, dans sa maison ?
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13