Laminé par la Roma au Stadio Olimpico, le Barça sort par la petite porte de la Ligue des Champions et avec une humiliation majuscule. Jamais réellement maîtres de leur sujet lors de ces 1/4 de finale, les Culés n’ont existé que 60 minutes sur 180. Bien trop peu à ce niveau de la compétition. Les raisons et les torts d’un des plus grands drama de l’époque moderne du Barça sont multiples et partagés mais on va essayer mettre tout à plat pour comprendre : comment le Barça a perdu pied au point de se faire remonter 3 buts et d’être éliminé une nouvelle fois à ce stade de la compétition ?
On joue la 82e minute de ce 1/4 de finale de retour de la C1 entre la Roma et le Barça. Le corner obtenu par les Giallorossi est bien frappé au premier poteau et un joueur coupe la trajectoire. Un petit mouvement, léger mais suffisant pour transpercer une nouvelle fois le mur catalan. Ce joueur ne suit pas le ballon du regard : il sait qu’il est au fond. Alors il entame une course folle vers les tribunes d’un stade qui explose de joie. Cet homme qui vient de reprendre victorieusement ce corner est Kostas Manolas, guerrier grec qui hurle en se tapant le torse et de dresse, martial, devant des tifosi ivres de bonheur. Ce but, c’est celui du 3-0, celui synonyme de la qualification en 1/2 finale de la Ligue des Champions. Un score inimaginable au coup d’envoi, un score qui élimine le Barça, chose impensable au tirage. Manolas, c’est bien lui qui avait marqué contre son camp le 2-0 au Camp Nou à l’aller. Le football sait être juste. Le Barça a perdu pied au Stadio Olimpico. Ce 3e but est logique. Pire : on le voyait venir. La gifle est violente pour les Blaugranas et le retour à la réalité pique encore plus.
Savour the moment, Kostas Manolas 😱😱😱#UCL @ASRomaEN pic.twitter.com/O1XBQC84Op
— UEFA Champions League (@ChampionsLeague) April 10, 2018
Valverde, les matchs à l’extérieur et la frilosité
Le Barça de Valverde a pendant un long moment enthousiasmé les supporters. Bien que par moment discutable, le jeu proposé était globalement bon. De plus, des résultats probants ont été acquis à l’extérieur en Liga (3-0 au Bernabéu, 4-2 à Anoeta). Ces très bons résultats cachent cependant l’approche de plus en plus frileuse de l’ancien Míster de l’Athletic à l’extérieur : assumant sans vraiment la nommer la volonté de ne d’abord pas vouloir perdre avant de penser à gagner hors de ses bases. Cette frilosité est encore plus visible en Ligue des Champions : cette saison, les Catalans n’ont gagné qu’un match (1-0 au Sporting) pour 3 nuls et cette humiliante défaite à Rome.
Comme souvent actuellement, Valverde a subi le match alors qu’il avait habitué à anticiper les événements et agir au lieu de réagir. En décembre et en janvier, on prédisait l’enfer au Barça. Or, les Culés s’en sont sortis sans encombre et en réalisant sûrement leurs meilleures performances. Chose qui nous saute aux yeux en avril : le Barça aurait donc atteint son pic de forme à la fin 2017 alors que c’est au deuxième trimestre 2018 que la saison d’un grand club se joue.
Busquets symbole d’un Barça désaccordé
Le football est un orchestre où le schéma tactique doit s’accorder avec les joueurs et les joueurs s’accorder entre eux. Le Barça a souvent habitué à réciter ses partitions, tantôt avec froideur, tantôt avec sentiments et chaleur. Hier soir, rien n’a marché et la symphonie catalane a sonné faux. Busquets avait été un des hommes clés du match aller. Pas lui en tant que tel mais quand Valverde a choisi de le remplacer à l’heure de jeu par Paulinho, sachant que le milieu espagnol revenait à peine de blessure. A Rome, il a été un des hommes du match mais du mauvais côté de la chose. Lors de cette débâcle dans la capitale italienne, il a été le symbole de tout ce qui a été mal fait par Valverde. No Busi no party.
« Je pensais qu’avec l’équipe que j’avais sur le terrain, on pouvait renverser les choses. On avait l’expérience pour ça. On est venus ici pour essayer de gagner mais l’adversaire a été meilleur. On devait jouer comme si on était à 0-0, comme la semaine dernière. On a essayé de faire la même chose, mais ils ont joué très haut et on n’a pas résisté à leur pression » Valverde
La première chose qui surprend est l’approche du match par « Txingurri ». En conférence de presse, il a crié à qui veut l’entendre qu’il fallait aborder ce match comme si le score était de 0-0, que le Barça jouerait le match à fond et en attaquant. La composition d’équipe a renforcé ce sentiment. Valverde a sorti un XI de gala, ce 4-4-2 qui lui offre une solidité défensive et surtout un milieu composé de 4 joueurs maniant le cuir avec un certain talent. Sergi Roberto est même placé en milieu comme à l’aller pour équilibrer au maximum les lignes. Ce schéma a fait ses preuves quand le Barça a joué en avançant et défendait au maximum avec le ballon.

Sauf qu’hier soir, le Barça a fait totalement l’inverse : aucun pressing ou presque, un milieu qui coulisse sans sortir réellement sur le porteur, des défenseurs qui défendent en reculant. Le Barça a joué à contre-emploi, totalement désaccordé et ça s’est vu tout de suite. Alors que Valverde avait vendu un match où le Barça allait enfoncer le clou, on a vu des Blaugranas en gestion, refusant le jeu et se mettant tout seul dans une situation qu’il n’apprécie pas.

Encore une fois, Busquets devient un symbole de ce qu’il n’allait pas. Hier soir, beaucoup ont fustigé les joueurs avant de fustiger le coach. Mentalement, le Barça a flanché mais c’est surtout physiquement et dans l’approche que le match a basculé en faveur des Italiens. En titularisant un Busquets sur une jambe et en l’employant à contre-emploi, en le mettant dans une situation qu’il n’aime pas, comment Valverde pouvait espérer voir son métronome briller ?
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Son pendant adverse, De Rossi, a joué comme Busquets aurait dû jouer. Le 6 italien a été un des meilleurs sur la pelouse. Distribuant caviar sur caviar sans être mis en difficulté par le pressing, il a joué dans un fauteuil. C’est lui qui fait cette ouverture parfaite pour Dzeko sur le premier but. De Rossi a dicté le rythme du match quand Busquets l’a subi. La Roma a pris le match par le bon bout quand le Barça s’est mis en difficulté tout seul.
Cette faillite au milieu, ce mauvais choix d’hommes, cette mauvaise lecture a rejailli sur tout le collectif. Le milieu, c’est ce qui fait que le Barça est le Barça, c’est cette domination, cette toute puissance. Hier le Barça a perdu cette bataille : son attaque a donc eu très peu de ballons à exploiter et n’a disposé d’aucun soutien. Avec un Suárez en petite forme, Messi était trop seul face aux colosses défensifs adverses. Côté organisation défensive, Busquets n’est pas de ces sentinelles qui bougent énormément latéralement. Sans le ballon, son apport est nul ou presque. Umtiti et Piqué ont vécu une soirée très compliquée en étant énormément sollicités. Poussée dans leurs retranchements, la charnière a lâché tôt et n’a jamais pu reprendre le fil du match.
La Roma qui appuie sur les faiblesses du Barça
Le Barça a totalement déjoué et s’est mis dans une situation inconfortable de son propre. Néanmoins, pour réaliser l’exploit de remonter 3 buts, la Roma a sorti une partition taille patron et sur plusieurs fronts. Aligné en 3-4-3, la Louve a réalisé un pressing de tous les instants avec un bloc haut et très bien en place.
« A l’aller, on avait fait un bon match mais ça n’était pas suffisant. J’ai pensé que j’avais les joueurs adaptés pour jouer en 3-4-3 avec une grande agressivité au pressing. On devait marquer beaucoup de buts dans une période où on marque peu. C’était normal de mettre plus d’attaquants centraux. On a fait jouer je ne sais pas combien de ballons à Ter Stegen, on les a obligés à ça. Je dois dire merci aux garçons, c’est une grande satisfaction. Ils ont fait un travail extraordinaire à tous points de vue » Di Francesco
Au milieu, si De Rossi a surnagé et attiré toute la lumière sur lui, Strootman et Naingollan ont fait un travail de l’ombre tout bonnement incroyable. Les deux ont mis réellement en difficulté le milieu espagnol, avec un pressing bien senti et une disponibilité de tous les instants pour faciliter la relance romaine. Le Ninja est redescendu un nombre incalculable de fois pour aider ses défenseurs et éviter des prises de risques importantes de joueurs plus limités techniquement.

En défense, les trois de derrière ont été infranchissables et tout le temps ou presque en supériorité. Ne reculant que très rarement, ils ont coupé les lignes de passes pour pousser le Barça à l’exploit individuel. Souvent abandonné par leurs milieux et sans point d’appui pour combiner, les joueurs offensifs du Barça, principalement Messi et Iniesta, se sont contentés de frappes de loin. Pas anodin comme situation. En fait, le seul geste décisif qu’a dû faire Allisson, c’est une sortie dans les pieds de Piqué en toute fin de match.
« Ce match, j’y bosse depuis la défaite contre la Fiorentina (samedi). A 5h du matin, je ne dormais pas, je devais trouver quelque chose de plus que notre 4-3-3. Je suis content pour plein de raisons. C’est une philosophie qui est née, pas un système. C’est cette philosophie que les joueurs ont épousée » Di Francesco
Offensivement, le plan de Di Francesco est tout aussi brillant. En plus d’appuyer et de pousser le Barça à jouer en reculant, la Roma à forcer sur la faiblesse des latéraux. La défense en reculant est un art que ne maîtrise pas vraiment les Blaugranas. Le premier but en est la représentation : Dzeko part entre Alba et Umtiti les deux sont bien trop tendre pour lui fermer la porte. Par la suite, Florenzi et Kolarov ont pris le pouvoir dans les couloirs et Alba et Semedo n’ont fait que (mal) défendre. Cette volonté de mettre en difficulté les latéraux adverses se répercute dans la recherche constante du deuxième poteau sur chaque centre romain. Pour ne rien arranger, la prestation cinq étoiles de Dzeko a sorti Umtiti totalement du match. Abandonné par Busquets et Umtiti, Piqué ne pouvait rien faire face aux multiples vagues romaines. C’est d’ailleurs lui qui provoque ce penalty grossier qu’a transformé De Rossi.
Un Barça qui ne s’ajuste plus
Pendant un long moment cette saison, la manière dont Valverde réajustait les choses à la mi-temps, notamment avec ses changements a été une grande force des Catalans. Mais comme à l’aller, l’ancien de l’Olympiakos n’a jamais semblé capable de lire le match et d’en (re)prendre le contrôle. À l’aller, le changement Busquets-Paulinho à l’heure de jeu avait fait perdre le fil au Barça. Au retour, le premier changement est intervenu à la 82e minute. Bien trop tard pour avoir un réel impact, d’autant que ce changement, c’est Iniesta pour Gomes ! Pas vraiment un coup tactique susceptible de changer le court du match.
« Ce petit quelque chose en plus, c’est le Mister qui nous l’a transmis. Il a complètement changé le schéma tactique, nous l’a inculqué en trois jours, et a tout deviné » De Rossi
Le Mojo tactique de Valverde le quitte au plus mauvais moment. Lui qui semblait si serein et sûr de son fait cet hiver paraît s’écraser sous le poids de la pression des premières grandes échéances. Ce non-match ouvre de nombreuses questions pour la suite. Comment se relever d’une telle claque ? Comment un effectif peut refaire confiance à son coach après une déroute pareille ? Pire : on se pose des questions sur le niveau du Barça car le niveau affiché cet hiver n’était-il finalement qu’un mirage entretenu par une Liga faible, un Messi stratosphérique et un Real déjà focus sur la Champion’s ? Personne ne peut y répondre pour l’instant. Cependant, Valverde a perdu beaucoup à l’Olimpico c’est une certitude. Le bateau blaugrana est dans une tempête. Qui sera encore sur le pont en juin ?
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13