Le Barça et l’Italie, c’est une histoire qui n’a jamais commencé. Jusqu’à 2001, aucun joueur transalpin n’avait porté le maillot blaugrana. En tout, ils n’ont été que 4 à jouer au Camp Nou et un seul coach azzurro s’est assis sur le banc, dans les années 1950. Mais pourquoi ça n’a jamais marché entre eux ?
Fondé en 1899, le Barça a attendu 102 ans pour accueillir son premier joueur italien dans son effectif. C’est peut-être le plus haut fait d’arme de Francesco Coco avec son but inscrit au Camp Nou avec l’AC Milan la saison avant son arrivée en Catalogne. Durant son année en prêt, le défenseur international a certainement plus profité des boîtes de nuit barcelonaises et de ses dons de séduction que de la pelouse de l’écrin du Barça. Son arrivée coïncide avec les débuts de Thiago Motta en Liga sous les ordres de Carles Rexach. L’actuel milieu du Paris Saint-Germain est un cas particulier : oriundo né au Brésil, il arrive à la Masia en 1999 en provenance de la Juventude. Il reste Culé jusqu’en 2007 et si son palmarès impose le respect (2 Liga et la C1 2006), son aventure blaugrana demeure mitigée, notamment en raison de graves blessures au genou qui ont failli lui coûter sa carrière.
Au Barça, il a pu côtoyer deux légendes transalpines : Demetrio Albertini venu achever sa carrière majuscule sur les bords de la Méditerranée en 2005 et Gianluca Zambrotta, frais champion du monde avec la Nazionale qui a déserté la Juventus en compagnie de Lilian Thuram après la descente administrative des Bianconeri suite au Calciopoli. Quatre Italiens de 2001 à 2008. Et depuis ? Niente. Au rayon des entraîneurs, le contingent est encore plus mince puisque seul Silvio Puppo a coaché le Barça. L’expérience n’a duré qu’une seule saison, en 1954-1955.
Antinomie
Comment se fait-il que le Barça et l’Italie agissent comme deux amants qui se repoussent ? En premier lieu, on pense à la barrière footballistique. Le football blaugrana et le calcio italien sont antinomiques, tant dans la façon d’attaquer que de défendre. Ces dernières années, la Serie A a voulu s’inspirer du jeu catalan. Dans une interview accordée au quotidien généraliste espagnole El Mundo, Giorgio Chiellini a d’ailleurs expliqué que cette volonté de singer « Guardiolismo » a contribué à l’élimination de la Nazionale de la prochaine Coupe du Monde car l’Italie a trop longtemps renoncé à ses préceptes caractéristiques tactiques et défensifs. En d’autres termes, le toque ne correspond pas à l’identité transalpine.
Mais au-delà de ces considérations fondées sur le jeu pratiqué, d’autres données s’agrègent à ce constat. « Les joueurs italiens, au même titre que les joueurs allemands et anglais, s’exportent pas ou peu, explique Olivier Goldstein, rédacteur en chef du site Barça Inside. Le FC Barcelone a une tradition de joueurs néerlandais, brésiliens et argentins, c’est-à-dire avec des pays qui exportent massivement. Le Barça, au même titre que le Real Madrid d’ailleurs, n’a pas de tradition italienne. En plus, si on remonte aux années 1980-1990, le football transalpin était au sommet sportivement et économiquement ».
Liens distendus
Effectivement : si les années 2010 sont profondément marquées par le football espagnol, entre 1985 et 2010, l’Italie a remporté 8 fois la C1 et placé 7 finalistes. Et si les joueurs ibériques émigrent davantage au cours de la dernière décennie, c’est pour rallier principalement la Premier League où les salaires sont exorbitants, y compris pour des joueurs corrects. Rien à voir avec les quelques Espagnols qui ont posé leurs valises en Serie A, même si certains s’y sont bâtis une solide réputation (Marcos Alonso, Borja Valero et Joaquín à la Fiorentina, Diego López et Suso au Milan, José Callejón à Naples).
Dans le sens inverse, seul le Valencia CF a eu des liens forts avec l’Italie avec Claudio Ranieri, Amadeo Carboni et aujourd’hui Simone Zaza. Et en 2004, lors du 2e passage de Ranieri à Mestalla, les Blanquinegros avaient massivement recruté dans la Botte avec Stefano Fiore, Bernardo Corradi, Marco Di Vaio et Emiliano Moretti. Un quatuor qui, si on ajoute les bides Cristiano Lucarrelli (1998-1999) et Francesco Tavano (2006-2007), n’a guère donné envie aux clubs rivaux d’imiter l’expérience.

Pour en revenir au Barça, même si Thiago Motta s’est un temps imposé au milieu avec Deco et Edmilson, le Barça n’a jamais réalisé LA bonne affaire pour développer une filière transalpine. Et avec simulation grossière avec l’Inter pour faire expulser Sergio Busquets en demi-finale retour de la C1 2010, on ne peut pas dire qu’il fait la meilleure publicité à l’Italie. Ainsi depuis 10 ans, aucun autre Italien n’a porté le maillot blaugrana, ce qui n’est guère étonnant vu les succès de la politique de formation de la Masia et cette inclinaison pour l’Amérique du Sud. Et ce n’est pas avec la goleada infligée par la Roja à la Nazionale à Santiago-Bernabéu en septembre 2017 que le Barça devrait changer d’idée… à moins que Marco Verratti, très intéressé par le projet culé l’été dernier, ne réalise un exploit inédit : hisser haut le drapeau italien au Camp Nou.
François Miguel Boudet