De la main de Quique Setién, le Betis a retrouvé le sourire en Liga. En plus des bons résultats engrangés par le club andalou, c’est l’identité prônée par le technicien de Santander qui régale. Après une période difficile, le centre de formation a lancé la revolución. Prochaine cible, Getafe ce soir.
Enfin, le Real Betis Balompié parait avoir retrouvé une stabilité perdue depuis plusieurs saisons. Quique Setién, qui avait fait briller Las Palmas pendant six mois, a pris les rênes du club de Séville pour tenter de redorer un blason qui a été tâché ces dernières années. Il va d’ailleurs être le premier entraîneur à faire une saison pleine, de la première à la dernière journée, sur le banc du Betis depuis Pepe Mel en 2012/13 (il avait tenu trois saison et demi consécutives). Depuis, les dirigeants verdiblancos ont enchaîné les noms sur le bord du terrain : Velázquez, Merino, le retour de Mel sur deux saisons, Gustavo Poyet ou encore Víctor. Plusieurs idées pour des résultats très mitigés. Cette fois, le choix parait enfin le bon. Après une décevante 15e place la saison passée, Setién et les siens sont désormais dans le bon wagon pour lutter pour l’Europe.

En plus d’avoir redressé la barre en termes de résultats pour un public très agacé des dernières campagnes, Setién a imprégné son style offensif. Mais ce n’est pas tout, le technicien a surtout construit ses succès autour du centre de formation du club. Plusieurs jeunes du club, et un peu moins jeunes, font partie des joueurs clés de cette belle saison. Cette idée vient d’en haut, le directeur sportif Lorenzo Serra Ferrer a décidé de ne pas confectionner un large effectif pour obliger Setién à se tourner chez les jeunes si besoin. Ça colle parfaitement avec le style de l’entraineur et ça se voit. Sur le onze type de ces derniers matches ont retrouve au moins cinq éléments provenant de la cantera bética (8 joueurs du centre de formation étaient notamment dans le groupe à La Corogne cette saison, voir photo en Une). Joaquín est bien sûr le leader de ce petit groupe composé également de Fabián, Francis, Sergio León, Junior ou encore Loren. Pour ce dernier, le parcours a été bien différent. Il a dû attendre ses 24 ans pour enfin pouvoir porter le maillot de son club de cœur en première division. La blessure au genou d’Antonio Sanabria a lancé la révélation du moment dans l’arène.
Une première par la grande porte
Petit, il espérait être torero un jour. Finalement c’est sur un terrain de football qu’il a coupé les deux oreilles et la queue lors de ses grands débuts en Primera. C’était début février lors de la réception de Villarreal au Benito Villamarín. À la surprise générale, Setién décide de titulariser Lorenzo Morón aux côtés de Rubén Castro en attaque alors que Sergio León attend sur le banc. Le natif de Marbella n’allait pas décevoir avec un doublé et une victoire 2-1 pour ses premiers pas en Primera. C’était également une belle façon de rendre la confiance à son entraineur qui n’avait pas voulu le laisser partir à Saragosse quelques semaines auparavant. Avant ce match qui a changé sa vie, Loren avait survolé la troisième division espagnole avec 17 réalisations en 23 matches de Segunda B. Lorenzo a sauté la marche de la deuxième division des deux pieds. Ayant plus de 23 ans, il ne pouvait plus revenir avec l’équipe B une fois avoir débuté avec les pros. Une aubaine pour le Betis avec qui il compte désormais cinq buts en sept matches.
« Je vis un rêve », des mots qui reviennent souvent chez les joueurs qui débutent dans leurs clubs de cœur. L’amour de Loren pour le Betis vient de très loin. À 10 mois il portait déjà toute la panoplie bética offerte par son grand-père qui profitait de la venue de ses amis supporters du club verdiblanco en été à Marbella, ville natale de son petit-fils, pour lui conter des anecdotes béticas en groupe. Son papa, ancien joueur du grand rival le FC Séville en 2000/01 n’a pas eu d’autre choix que d’accepter un destin déjà tout tracé. « La première fois que j’ai porté mon fils dans mes bras, c’était au Villamarín ! Je jouais avec Mérida. On disputait un match de Coupe sur le terrain du Betis. Mon beau-frère avait amené ma femme et mon fils pour partir ensuite à Mérida. C’était écrit, âgé d’une semaine il était déjà sur le terrain du Betis ! ». 22 ans plus tard, Loren a rejoint la cantera du club verdiblanco en 2015 en provenance du club de Málaga, le Vélez. Les choses ont finalement changé très vite pour l’attaquant qui a reçu un appel des dirigeants avant d’affronter le Recreativo Huelva avec la B cette année. Le Decano est justement l’un des clubs dans lequel son père Loren Morón a joué. L’attaquant qui venait de fêter ses 24 ans a alors vécu l’une des meilleures semaines de sa vie avec un doublé contre le Recre sur le stade de la Ciudad Deportiva du Betis avant de faire de même devant quasiment 50 000 personnes contre Villarreal en Liga six jours plus tard.
Le trio de la Costa del Sol
Loren n’est peut-être pas le joueur le plus talentueux de sa génération mais son éclosion tardive va redonner confiance à ceux qui pensent être déjà « trop vieux » pour débuter au sein de l’élite. « Certains joueurs ont besoin d’un projet un peu plus élaboré pour trouver leur place » disait José Juan Romero, son entraineur avec la B. Il a fait bien plus que d’être au bon endroit au bon moment. Il a su faire abstraction de tout ce qu’il se passait autour pour obliger son coach à le garder sous la main avant de surfer sur la vague lors des matches suivants. Aujourd’hui il est le premier choix de Setién malgré la présence de goleadores comme Sergio León ou Rubén Castro, légende du club de retour en hiver dernier et dernier bético à avoir marqué lors de ses débuts (en 2011) avant Loren. Il est pourtant passé tout proche de l’oubli avec le filial du Betis. La première impression qu’il a donné à José Juan fut très mauvaise ce qui lui avait valu quelques matches sur le banc. Son abnégation finira par payer en mars 2016 contre Cadix avec un doublé (3-2), le match référence aux yeux de son entraineur qui fera de lui un élément clé du Betis Deportivo Balompié par la suite. Cette saison Loren est devenu le joueur espagnol ayant eu besoin du moins de matches pour atteindre la barre des cinq buts en Liga (6 rencontres). Comme quoi, « dans le foot tout va très vite ».
5 – Loren Morón es el jugador español que menos partidos ha necesitado para marcar sus primeros cinco goles en la Liga en todo este siglo (seis partidos). Impacto. https://t.co/DP9Yx0YrtY
— OptaJose (@OptaJose) March 12, 2018
Comme Loren, d’autres joueurs ont fait leurs débuts avec le Betis en Primera sous Setién. Notamment les deux latéraux, Francis et Junior Firpo. Francis a été le premier à le faire, avant Loren, en août contre le Barça au Camp Nou même s’il a dû attendre janvier pour consolider sa place. Junior a lui été le 7e joueur de la cantera à débuter de la main du Santandérin et l’a fait en offrant une passe décisive à son pote Loren contre le Depor. Les deux viennent de Málaga aussi (Firpo est né en République Dominicaine avant de rejoindre Arroyo de Miel), du club Puerto Malagueño. Les trois forment aujourd’hui le trio de la « Côte du Soleil », indispensable pour le club verdiblanco. Les trois portaient le maillot du Betis Deportivo Balompié il y a quelques mois. Francis, refusé par Málaga avant de rejoindre la B du Betis, a relégué Barragán – qui compte plus de 200 matches de Liga – sur le banc. Junior a fait de même avec l’international danois Riza Durmisi. Là où beaucoup d’autres ont échoué, Loren et ses deux acolytes, certes plus jeunes, ont réussi à s’affirmer dans les compositions du Betis. L’abnégation, la faim ou encore leur désinvolture relèguent pour le moment les lacunes logiques chez les jeunes joueurs en progression au second-plan.
Ce soir à Getafe (21h) les trois Malagueños devraient encore être alignés d’entrée. Une bonne occasion pour connaitre les porte-drapeaux de la philosophie Setién en Andalousie.
Nicolas Faure
@Nicommentator