Séville – Luis Muriel, l’éternelle déception ?

Analyse En avant Liga Santander Sevilla

Arrivé très tôt en Europe, le Colombien Luis Muriel peine à confirmer toutes les attentes qui pèsent sur lui. Le Cafetero déçoit beaucoup trop régulièrement. Retour sur l’itinéraire de l’ex-attaquant de la Samp’ et tentative d’explications sur les raisons de ses échecs récurrents notamment à Séville.

Cette 72e minute de la seconde manche face à Manchester United doit encore trotter dans la tête de Luis Muriel. Estampillé chouchou de Vincenzo Montella, le colombien sort sans avoir jamais réussi à réellement peser sur les deux confrontations. Errant comme une âme en peine sur le terrain, le moment qui aurait pu débloquer la situation à Sánchez-Pizjuán a été gâché par un David De Gea qui a sorti le grand jeu. Lors de cette 72e minute à Old Trafford, Muriel sort tête baisse, lucide sur sa très petite performance. Deux minutes plus tard, c’est le coup de massue : Wissam Ben Yedder prend magnifiquement l’espace et crucifie le gardien espagnol. Le Cafetero explose de joie, comme tout le banc andalou. Mais encore une fois, Muriel est en échec. Une situation qu’il connaît trop bien.

Le lièvre et la tortue

Luis Muriel est le parfait exemple de l’emballement qui peut se créer autour d’un jeune joueur. Un emballement qui fait rarement du bien à la progression et à l’avenir d’une promesse, d’autant que le Colombien a été pris dans le jeu de la spéculation sur les cracks sud-américains. Le natif de Santo Tomas a quitté son pays natal sans avoir réalisé une saison entière avec les pros. Normal : ses débuts sont prodigieux avec 9 buts en 11 matchs et un triplé après 3 matchs en pro. Luis Muriel est pressé et n’a clairement pas le temps. Son style et son caractère font qu’il ne semble pas ressentir la pression. Sous la tunique verte et blanche mythique du Deportivo de Cali, il marche sur l’eau.

« Je pense ressembler à Ronaldo » (oui oui le 9 brésilien) Luis Muriel, en 2010, relax

Ses débuts tonitruants suscitent l’intérêt d’énormément de clubs étrangers. C’est l’empire Pozzo et l’Udinese qui rafleront la mise. Le jeune Colombien se retrouve donc maintenant noyé dans un effectif plus que conséquent et rempli de jeunes pleins de talents. Il a du mal à se faire une place et est rapidement envoyé en prêt. Évidemment, il est envoyé dans un autre club estampillé Pozzo : Grenade. L’acclimatation européenne est rude pour lui et il a énormément de mal à confirmer tout le bien que l’on disait de lui au pays. Ensuite, il atterrit de nouveau en prêt à Lecce. Cela se passe un peu mieux puisqu’il enchaîne les matches et trouve régulièrement le chemin des filets. Une bonne saison qui lui ouvre les portes du XI titulaire à l’Udinese.

Mini Muriel marchant sur la France à la CDM U20 de 2011

Comme à son arrivée de Colombie, on s’attend à voir un Luis Muriel irrésistible, qui empile les buts et met à mal toutes les défenses. Or, l’ancien de Grana se blesse gravement en tout début de saison. Les débuts avec son nouveau statut doivent attende. En janvier, il est remis sur pied et débute enfin dans la peau d’un titulaire en puissance. Avec Toto Di Natale, le duo marche du tonnerre : 11 buts en 22 matchs, une moyenne plus qu’intéressante. On se dit enfin que la saga Muriel est lancé et qu’il va mettre l’Italie à ses pieds.

Sauf qu’encore une fois, il retombe dans ses travers et n’arrive pas à confirmer cette demi-saison pleine d’espoirs. Comme à son arrivée en Europe, Luis Muriel n’arrive pas à enchaîner. Une saison et demi plus tard, il n’aura trouvé que 4 fois le chemin des filets. Muriel est en échec et est mis dehors par l’Udinese. La Sampdoria du furieux président Ferrero se positionne et boucle le transfert. D’abord un prêt puis un transfert pour une dizaine de milliers d’euros. Sans être flamboyant, Luis Muriel trouve sa place et fait de bonnes saisons. Après une saison à 11 buts, il est une nouvelle fois sur le marché. Mais cette fois c’est grâce à son rendement et non à cause de sa mauvaise forme.

Envoyé encore une fois un peu partout comme après sa bonne saison au Deportivo de Cali, c’est en Espagne qu’il retourne, toujours en Andalousie mais cette fois à Séville. Beaucoup d’attentes sont placées en lui, Luis Muriel devient tout simplement le plus gros achats du club avec un transfert à 20 millions d’euros. Il est le symbole d’un Séville qui veut rêver plus grand en Espagne, celui d’Óscar Arias, le successeur de Monchi. Une nouvelle fois, ses débuts sont loin encore une fois des attentes. Un petit surpoids, une hygiène de vie plus que moyenne et surtout un Toto Berizzo qui lui préfère Ben Yedder, notamment en Ligue des Champions : le séjour chez les Palanganas ne commence pas idéalement.

Mais alors que Muriel disparaît de plus en plus des radars et se réfugie dans les donuts, coup de théâtre : Berizzo est licencié en décembre. Son successeur s’appelle Montella et l’Aeroplanino va avoir une confiance presque aveugle dans le Colombien.

Crédits : AlessandroLucciWSA.com

Gros avantage pour Muriel : l’homme derrière son arrivée de Muriel à Nervión est aussi celui derrière l’arrivée de Montella. Il s’appelle Alessandro Lucci et il avoir une sacrée cote à Séville tant il arrive à placer tranquillement ses protégés.

« Muriel est une joueur qui peut exploser, qui a un immense potentiel » Montella admiratif de son poulain (27 ans quand même)

On ne va pas dire que Muriel a été mis titulaire indiscutable par Montella simplement parce que les deux ont le même agent mais la question se pose. Surtout que pour la crédibilité de Séville et de sa nouvelle cellule de recrutement, voir le plus gros recrutement sur le banc ça fait tache. Bien recruter et surtout bien vendre doit rester la marque de fabrique de la maison. En plus d’avoir le même agent, Montella et Muriel se sont déjà côtoyés à la Sampdoria et là aussi, Muriel était titulaire indiscutable alors qu’il ne marchait pas fort et qu’Eder marquait plus que lui.

« L’arrivée de Montella a été très importante pour moi. La confiance qu’il m’a donnée m’a redonné la tranquillité dont j’avais besoin pour être performant. » Luis Muriel, reconnaissant

Mais alors pourquoi Montella aime tant Muriel alors qu’il n’arrive jamais à le faire performer ? C’est une vraie question et personne n’a réellement la réponse. Pour en revenir au terrain, Muriel, en plus de ne jamais réussir à répondre aux attentes semble encore en formation. Problématique pour un garçon qui approche des 27 ans, l’âge où les footballeurs sont généralement au top de leur forme. Il est aussi très souvent mal utilisé.

Dans un football où le 4-3-3 du FC Barcelone est présent encore dans les têtes, jouer avec deux pointes n’est plus la norme. C’est un fait : quand une équipe domine outrageusement le foot, son système est copié et devient LA norme. Actuellement, le 4-4-2 du Real n’est pas encore la référence comme le 4-3-3 a pu l’être mais il redevient un système de base pour de nombreuses équipes notamment en Liga.

Ce système est celui qui convient le mieux à Muriel, c’est-à-dire dans un schéma à 2 pointes. Clairement, Muriel n’a pas le style pour jouer seul devant. On le voit encore cette année : il n’a pas des déplacements de numéro 9 pur. Le geste que fait Ben Yedder pour ouvrir la marque à Old Trafford, le Colombien ne le fait jamais. Lui aime dézoner, partir d’un côté et repiquer dans l’axe. Il a une vraie qualité technique au-dessus de la moyenne et un profil provocateur qui peut être intéressant s’il est bien utilisé. Sauf que Montella ne l’utilise pas vraiment dans ce registre et ne fait rien pour le mettre dans de bonnes conditions.

« Je suis un neuf typique. Je me déplace autour du centre pour que les ballons arrivent et les mettre au fond. Il est aussi très important d’avoir quelqu’un à mes côtés pour m’aider  » Luis Muriel

Le Colombien a réellement réussi seulement deux bonnes saisons en club sur le Vieux Continent. La première avec l’Udinese où il était aligné avec la légende Di Natale. Le duo marchait du tonnerre et les rôles étaient clairs. Muriel était l’électron qui générait de l’agitation en attaque quand Toto était le buteur qui finissait le travail. Même schéma lors de la deuxième saison réussie de Muriel à la Samp quand il est aligné avec une autre légende, Fabio Quagliarella. Ce n’était pas à Muriel de finir les situations. Ce n’est pas son rôle même s’il peut très bien le faire.

C’est compliqué à expliquer pourquoi Muriel n’arrive jamais à répondre aux attentes qu’il suscite. Peut-être que son éclosion trop précoce ne reflétait pas son vrai talent. Peut être aussi qu’il a juste été prêt avant les autres sans être doté d’un talent immense. Le mal est fait : Muriel a cette étiquette de talent sud-américain dont on attend beaucoup trop. En tant que tel, il doit faire lever les foules et donner du plaisir à ses supporters. Malheureusement pour lui, Muriel est loin du compte et déçoit. Cela ne veut pas dire qu’il est nul ou surcoté : simplement il semble mal utilisé et manque un peu de mental par rapport aux attentes suscitées. Le Colombien peut encore exploser à Séville et faire taire les critiques. Sauf que le temps file. A bientôt 27 ans (il les aura en avril), Muriel a-t-il encore de la marge pour devenir un grand joueur ? Une déception de plus, dans un foot qui broie ses enfants. Surtout qu’en plus des medias et de l’emballement logique des fans, des fonds requins voient les joueurs comme des placements financiers et grillent les meilleurs espoirs. Au final, on ne peut s’empêcher de penser que si Luis Muriel avait peut être attendu un an voire deux au Deportivo Cali avant de faire le grand saut en Europe, la suite de sa carrière aurait pu être tout autre.

Benjamin Bruchet.
@BenjaminB_13

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