David Navarro fait partie de ses joueurs qui ont marqué un club avec autre chose que leur niveau sur le pré. Sans grand talent, il sera pourtant célébré au Mestalla lors de cette 25e journée de Liga. Retour sur sa carrière faite de hauts mais surtout de bas.
Mañana seré homenajeado por el @valenciacf en #Mestalla por mi carrera futbolística. pic.twitter.com/i84YAQJSTT
— David Navarro (@dnavarro_4) February 24, 2018
Ce dimanche, en fin d’après midi, un joueur sera célébré à Mestalla en préambule du match face à la Real Sociedad (18h30). Ce footballeur, c’est David Navarro. Un nom classique en Espagne, une gueule qui ne marque pas plus et pourtant il est connu comme le loup blanc sur les bords du Turia. Sa réputation porte jusqu’en Italie, et même dans toute l’Europe. Comment un joueur qui n’a jamais été un titulaire indiscutable au Valencia CF peut être autant connu et avoir les honneurs d’un tel stade après sa retraite, annoncée en décembre dernier ?
Des débuts compliqués
David Navarro n’est clairement pas le plus talentueux des joueurs passés par la cantera de Valence. La natif de Sagunto, originaire d’une famille plutôt pauvre est un pur Che. Passé par presque toutes les catégories de jeunes des Murciélagos, il est lancé dans le grand bain en 2001 par Rafa Benítez. S’il n’a jamais vraiment été dans les petits papiers des entraîneurs qu’il a côtoyé, le défenseur central arrive pourtant toujours à gratter des minutes à la manière d’un Valbuena. Il parviendra même à porter le brassard de capitaine. Très vite on découvre un joueur avec un gros caractère et surtout amoureux de son club. Un bon joueur de championnat toujours tonique dans les duels (doux euphémisme) et qui laisse souvent traîner le pied (ou le coude).

Avec près de 140 matchs disputés avec le Valencia CF, Navarro a été un membre important de la dernière période dorée du club. Sous le maillot blanquinegro, il a remporté deux championnats, une coupe de l’UEFA (il a marqué un but capital contre Besiktas) et une SuperCoupe d’Europe. Le bémol ? On se rappelle surtout de lui pour autre chose que son talent et ses fulgurances sur le terrain.
Premier coup d’éclat
David Navarro a une belle cote à Valencia et même en Espagne. Mais ce n’est pas toujours pour ses qualités de footballeur. En fait, il était clairement destiner à entrer dans la catégorie des joueurs de devoir, catégorie plus qu’honorable mais qui n’apparaît pas immédiatement dans le panthéon des supporters. Tout change un soir de février 2007. Valence est de retour en haut de l’affiche après une saison plutôt compliquée. Les Ches affrontent l’Inter de Mancini en 8e de finale de Ligue des Champions. Le match aller s’est plutôt bien passé, les Valencianistas entrent sur la pelouse en étant qualifié grâce au 2-2 accroché à Giuseppe-Meazza. Le retour est vraiment pauvre en football.

Ce soir-là, alors qu’il est sur le banc et ne dispute aucune minute David Navarro voit son destin basculer. Le match est haché. L’Inter domine mais n’arrive pas à faire flancher le Valence de Quique Sánchez Flores. Le club che refuse totalement le jeu et met pas mal de coups. On assiste à un vrai match d’échecs entre Mancini et QSF. La fin de match est rugueuse, 4 cartons jaunes sont distribués dans les 20 derniers minutes. Ça sent la poudre mais Valence tient le coup et accroche sa qualification en préservant le 0-0.
« La tension du football génère ces situations et affecte notre bon sens. » Quique Sanchez Flores, entraineur de Valencia lors de ce match
On s’attend à voir tout ce petit monde rentrer aux vestiaires sans faire d’histoire, malgré la fin de match plus que tendue. Dans les arrêts de jeu, Marco Materazzi va au duel avec Carlos Marchena et laisse traîner son coude, laissant l’Espagnol au sol. Début d’échauffourée, avec notamment Zlatan Ibrahimovic qui cherche des noises à Roberto Ayala. Le coup de sifflet final ne calme pas les deux équipes. Nicolas Burdisso commence à se chauffer avec Joaquín Sánchez. Les premiers noms d’oiseaux fusent, les premiers petits coups aussi. Marchena vient à la rescousse de son pote andalou et un énormément attroupement de joueurs se forme au milieu de terrain. C’est très flou. Des coups sont échangés sans grande gravité. C’est à ce moment-là qu’une silhouette encapuchonnée dans une doudoune longue sort de nulle part et décoche un coup de poing violent. Ce bonhomme, c’est David Navarro et il vient d’éclater la cloison nasale de Burdisso.
« Je discutais avec Carlos Marchena mais j’ai reçu un coup de poing dans le dos, quelque chose qui ne vient pas des hommes. Donc il y a eu la réaction de toute l’équipe ». Burdisso sur l’altercation et la réaction des Intéristes.
Navarro est pris en chasse par 3 joueurs qui essayent de le faire tomber et lui rendre la monnaie de sa pièce. Les altercations continuent dans le vestiaire et même dans les couloirs. Figo ou encore Ibra veulent venger leurs coéquipiers, des policiers tentent de créer des barrages pour calmer tout le monde, avec guère de succès. Le calme revient petit à petit et les footballeurs-boxeurs regagnent les vestiaires. La carrière de David Navarro vient de prendre un tournant inédit.
« C’est quelque chose que je supprimerais bien sûr, surtout à cause de l’image que tu donnes. Pas à cause des sanctions. C’est chiant parce que ça fait cinq mois sans compétition. Mais l’image reste. Vous ne pouvez pas voir David Navarro le footballeur, celui qui a gagné. Non : il n’y a que le David Navarro de l’Inter » David Navarro
Cette fin de match est durement sanctionné par l’UEFA et même par la FIFA. Les années 2000 étaient assez violentes sur les terrain et les altercations étaient fréquentes et les instances ont voulu faire un exemple. Sans surprise, Navarro est le joueur le plus durement réprimandé et il prend le tarif. Il est suspendu 7 mois de toute compétition liée au football. Les clubs et les autres protagonistes sont aussi punis. De tous les joueurs impliqué dans cette baston générale, c’est le défenseur central qui a perdu le plus. Il est d’ailleurs prêté 2 ans à Mallorca à la fin de cette saison 2006-2007. Chacun de ses matchs est épié. Étiqueté rugueux , il devient l’exemple du modèle du joueur ultra violent, au point d’être régulièrement cité parmi les footballeurs les plus dangereux d’Europe. Bon, en même temps, il n’a pas fait grand-chose pour améliorer son image.
« C’est un manque de respect pour tout le monde du football, c’est pour ça que je veux demander pardon au joueur de l’Inter (Nicolas Burdisso). Et si je dois aller en Italie m’excuser, je le ferai » David Navarro
Bien qu’il ait fait amende honorable et présenté plusieurs fois ses excuses pour son coup de poing, Navarro continuera de filer des coups. En 2011, il réalise un récital face à l’Athletic . Il vit sa dernière saison avec Valence et va encore faire beaucoup parler de lui. Lors d’un duel, il assène un coup de coude à un joueur basque qui doit se faire recoudre au vu de la taille de la blessure. Au lieu de s’excuser et de se faire discret, Navarro hurle à la mort en se tenant la tête.
« Il mérite un Oscar pour ce qu’il a fait » Mikel San José, joueur de l’Athletic
L’arbitre du match tombe dans le piège et donne un carton au joueur de l’Athletic. Navarro est de nouveau dans une spirale négative surtout que, quelques matchs plus tard, il écrase la cheville de Messi alors que la Pulga n’a pas le ballon et par derrière. Le défenseur doit faire ses valises et partir à l’étranger pour ne pas sombrer. Il signe en Suisse, à Neuchâtel Xamax.
Sans être une légende, Navarro ne laisse pas indifférent. Joueur rugueux, souvent à la limite, il a laissé sa marque au Valencia CF… mais aussi chez le rival Levante puisqu’il a joué 4 ans avec les Granotas, formant à l’occasion lors de la saison 2012-2013, l’une des charnières les plus flippantes d’Espagne. David Navarro est aussi connu comme étant le joueur le plus rapide ayant évolué à Mestalla grâce à son sprint pour échapper aux Intéristes. Actuellement dans le staff d’Alcorcón (Segunda), là où il a pris sa retraite, il semble s’être un peu assagi.
Ce dimanche, il est de retour dans le stade où il a presque tout vécu, de sa naissance en tant que footballeur au début de sa fin. Mérite-t-il d’avoir un hommage aussi important à Mestalla ? Difficile d’y répondre. Cependant, il a marqué une époque et il peut être considéré comme un symbole d’un Valence qui n’était pas le plus talentueux mais qui avait ce supplément d’âme, cette hargne qui plaît temps à l’afición blanquinegra. Un truc en plus a permis au Valencia CF d’avoir été non seulement une équipe plaisante à voir jouer, surtout avec Rafa Benítez et Unai Emery, mais surtout une équipe qui a remporté des trophées. David Navarro n’est sûrement pas un exemple mais il est assurément un symbole.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13