Joueuse et supportrice de l’Atlético de Madrid, capitaine de la Roja, Amanda Sampedro (24 ans) est un symbole de la professionnalisation du football féminin espagnol. Avant le match au sommet contre le Valencia CF samedi (13h), portrait de l’âme des championnes en titre de la Liga Iberdrola.
C’était le tournant de la saison et il fallait un écrin pour profiter pleinement du partidazo. Ce 16 décembre 2016, 13.000 personnes se sont pressées au Vicente-Calderón pour assister à Atlético de Madrid – Barça comptant pour la 15e journée de la Liga Iberdrola. Parmi les supporters, Pedro, le père d’Amanda Sampedro, rien de moins que la capitaine des Colchoneras : « A 4 ans, la première chose qu’elle a demandé, ce sont des crampons pour jouer au football », se rappelle-t-il sur le site officiel de LaLiga. Deux décennies plus tard, voilà l’Atlético sur la route du titre. Si Amanda Sampedro a seulement 24 ans, elle a déjà près de 10 ans en rojiblanco dans les jambes. Elle n’avait pas encore soufflé ses 15 bougies qu’elle débutait en Primera. Une précocité effarante pour la milieu de terrain qui admirait un certain Kiko Narvaez et imitait l’archet, la célébration emblématique de l’international.
Contrairement à de nombreuses joueuses qui s’exilent, aussi bien pour des raisons financières que pour des raisons sportives, Amanda Sampedro a fait pour le moment le choix de poursuivre sa carrière à l’Atleti, par amour pour son club : « Quand mon père m’a vu frapper dans un ballon, il s’est dit que je devais être rojiblanca. Je l’ai dans le sang », expliquait-elle dans les colonnes du Diario AS. Nous sommes allés voir des matches ensemble au Calderón. Combien de fois m’a-t-elle dit « papa, mon plus grand rêve serait de jouer ici », se souvient Pedro. Je lui disais que ça semblait très difficile parce que le football féminin avait encore beaucoup de chemin à faire. Mais j’ai toujours gardé en tête ce souhait qu’elle voulait réaliser. Elle y est parvenue ».
Capitaine d’un Atlético historique… mais encore tendre
Vainqueur de la Copa de la Reina en 2016, champion en 2017, l’Atlético de Madrid s’affirme dans le paysage du football espagnol depuis 2 saisons. Pour sa capitaine, « gagner la coupe a été une immense satisfaction car le club s’est longtemps battu pour soulever ce trophée ». A l’époque, elle avait déjà conscience que ce succès historique contre le Barça était simplement un premier pas : « désormais, nous savons de quelle façon nous devons jouer pour y parvenir et combien il faut souffrir. C’est le chemin à suivre pour remporter des titres. Nous continuerons de travailler car ce n’est pas un aboutissement. Pour nous, c’est le début de quelque chose de grand. L’objectif de l’année qui vient sera de rendre l’équipe consciente que nous faisons partie des grandes. Nous devons aspirer à bien plus, être plus régulière en Liga pour mériter de la gagner car si on corrige ça, nous pourrons gagner le championnat ». Prémonitoire. Car en 2016-2017, les Colchoneras ont été tout simplement injouables en Liga : invaincues (24 victoires, 6 nuls), 2e attaque (91 buts) et 3e meilleure défense (17 buts), elles ont devancé le Barça de 3 points. Cerise sur le gâteau, elles ont de nouveau eu les honneurs du Calderón, contre les Culés et contre l’Athletic, tenante du titre. Et encore mieux : leurs homologues masculins leur ont même fait une haie d’honneur pour les féliciter !
Actuellement à 2 longueurs du Barça après 19 journées, l’Atlético est en retrait par rapport à ses performances de la saison dernière mais il est toujours en course pour faire le doublé. Mais si sur la scène domestique, les Indias continuent de jouer les premiers rôles, l’exercice 2017-2018 a été marqué par une humiliante élimination en Ligue des Champions. Sorties 15-2 sur l’ensemble des deux matches après avoir subi une rouste 12-2 au retour contre le Vfl Wolsburg, elles ont pu mesurer le fossé qui les sépare du très haut niveau, tutoyé il y a 2 ans contre l’Olympique lyonnais (9-1 sur les deux matches en 1/8 en novembre 2015). Une déroute qui pourrait la conduire à quitter son club de toujours ? Actuellement, rien n’est moins sûr, en tous cas si l’on se fie à ce qu’elle disait à la revue Panenka au printemps dernier, même on sent que l’idée d’un exil pour germer : « Aujourd’hui, ce n’est pas si important d’émigrer parce que la Primera progresse et de nombreuses joueuses étrangères viennent. Mais après, c’est vrai que ça dépend de tes objectifs, vivre quelque chose de nouveau, sortir de chez soi. Ça concerne le foot comme les études. Nous ne savons pas ce qui peut se passer dans un ou deux étés« .
Ultra professionnelle et ambitieuse
Amanda Sampedro connaît le chemin à parcourir pour accéder au gratin européen. Membre du XI de l’année en Liga Iberdrola, la milieu de terrain qui voulait devenir journaliste (elle a même validé sa première année) avant de s’orienter vers des études de kiné ne laisse rien au hasard en ce qui concerne son hygiène de vie, comme elle le détaille dans Marca : « Mon régime alimentaire se compose de légumes, de poisson, de viande blanche, soit de la dinde soit du poulet, et du riz. Ça me permet d’être toujours d’être pleine d’énergie. Je ne mange pas de pain et ne boit pas de boissons gazeuses ». Son travail hors terrain ne s’arrête pas à la comida : « Je me force toujours à me reposer un minimum de 8 heures par jour et, en club comme avec la sélection, je complète l’entraînement avec des exercices individuels de musculation et des étirements ».

Une façon de travailler qui fait d’elle un exemple en Espagne car outre son palmarès récent en club, elle a aussi remporté des titres avec l’Espagne : championne et vice-championne d’Europe et 3e du Mondial avec la Sub17, vice-championne d’Europe avec la Sub19. L’été dernier, la Roja a longtemps rêvé d’accéder au dernier carré de l’Euro aux Pays-Bas mais l’Autriche l’a emporté aux tirs aux buts. Une déception forcément difficile à encaisser : « Après la phase de qualification où nous avons fait le plein de victoires et le dernier amical contre la Belgique (7-0), nous avons eu beaucoup d’attentes, ressassait-elle après coup. Les adversaires nous connaissaient et ont fermé le jeu. Il nous a manqué de l’agressivité, de l’égoïsme face au but, être plus insistantes et la chance nous a tourné le dos lors de la séances de tirs aux buts qui sont toujours une loterie. Mais tout événement contraire doit servir de leçon et stimuler pour le futur. Ce qui s’est passé à l’Euro doit nous servir pour grandir et nous rendre meilleures ». Une expérience indispensable pour espérer se qualifier au prochain Mondial en France en 2019 et surtout bien y figurer.
François Miguel Boudet
@fmboudet