Vero Boquete, la Chine comme nouveau de terrain de jeu

Analyse En avant Foot Féminin

Il n’y a pas qu’aux hommes que le football chinois fait les yeux doux. Annoncée sur le départ, Vero Boquete a quitté le Paris Saint-Germain pour rejoindre l’Empire du milieu et le Beijing BG Phoenix FC. Un nouvel exil pour la Galicienne de 30 ans, authentique référence en Espagne à plus d’un titre.

La rumeur bruissait depuis quelques jours et, finalement, l’annonce du départ de Vero Boquete dès le mercato d’hiver était dans la suite logique des choses. L’internationale espagnol (51 sélections, 31 buts) a résilié son contrat courant jusqu’à juin juin avec le PSG  (42 matches, 12 buts, 15 passes décisives) pour rallier le Beijing BG Phoenix FC. La Chine, nouvelle aventure pour cette globe-trotteuse du football. Depuis ses débuts en 2005, la milieu de terrain a connu les championnats espagnol (Saragosse, Espanyol) américain (Western New York Flash, Chicago Red Stars, Buffalo Flash, Philadelphia Independance, Portland Thorns), russe (Energiya Voronnezh), suédois (Tyresö), allemand (FFC Frankfurt, Bayern) et français (PSG).

Une vie d’exil puisque depuis son bref retour à l’Espanyol en 2010-2011, Boquete n’a plus joué en Liga Iberdrola. Le tribut à payer quand on est une crack dans un pays qui ne dispose pas encore d’un championnat suffisamment puissant pour retenir ou faire revenir ses talents. « C’est un nouveau continent et une nouvelle opportunité pour continuer à grandir, a-t-elle affirmé lors de sa présentation. Le football m’a toujours offert la chance de m’améliorer et je crois que je pourrai continuer à le faire en Chine ». Malgré son expérience, c’est un sacré saut dans l’inconnu pour la joueuse qui l’admet volontiers : « Je sais que cette nouvelle étape n’a rien à voir avec tout ce que j’ai pu vivre avant, dans tous les pays où j’ai joué ».

Évidemment, les considérations financières ont dû entrer en ligne de compte. Elle s’en défend dans les colonnes de La Voz de Galicia du 12 février. « Ceux qui pensent que je suis partie pour le chèque méconnaissent vraiment le football féminin, explique celle dont le salaire au PSG était estimé à 7.000€ hors primes et qui reverse 1% de ses émoluments au programme Common Goal initié par Juan Mata. Si j’avais eu en Espagne les mêmes conditions salariales que j’ai eu ailleurs, je ne serais pas partie. Mais j’ai valorisé bien plus de choses que l’aspect économique. Je ne vais pas en Chine pour le fric ou pour y finir ma carrière. Je cherche une nouvelle opportunité pour profiter du football, de d’améliorer et de me maintenir à un niveau compétitif en jouant le plus possible. Je veux jouer et, récemment, je n’ai pas eu cette opportunité. C’est ce que je suis venue chercher ».

Avec le Phoenix, Boquete portera le numéro 21. Tout sauf un hasard : il s’agit d’un hommage à Dani Jarque. « Quand je suis arrivé à l’Espanyol, le vestiaire était déjà formé et les numéros répartis, expliquait-elle dans sa biographie. Je n’ai pas pu choisir celui que je portais jusqu’alors mais parmi ceux qui étaient disponible, j’ai choisi le 21. Mon intention était de changer l’été suivant mais après ce qui s’est passé ce 8 octobre 2008, j’ai changé d’avis. Je me suis promis que ce 21 m’accompagnerait partout où j’irai. C’était ma façon de rendre hommage à une personne, à des sentiments, à des valeurs ».

Précurseuse

Vero Boquete n’est pas n’importe qui dans le milieu du football. Ambassadrice UEFA pour le développement du football féminin depuis février 2015, MVP de la ligue nord-américaine en 2011, elle est la première joueuse à avoir publié son autobiographie. Pour David Menayo qui a été sa porte-plume, Boquete est « la meilleur footballeuse espagnole de l’histoire. Pas seulement pour sa qualité balle au pied, mais aussi par sa personnalité et pour tout ce qu’elle a apporté au développement du football féminin espagnol sur et en dehors du terrain. Même si elle a beaucoup joué à l’étranger, elle a su devenir une référence pour les générations futures. Je ne crois pas qu’on s’en rende compte comme on le devrait mais avec le temps, on réalisera tout ce qu’elle a fait et réalisé ».

Effectivement, Boquete n’est pas qu’une simple joueuse. Elle a contribué à la reconnaissance du football féminin par différents moyens. Elle a notamment développé sa propre marque et la première ligne de vêtement a même été présentée au Corte Inglés de Santiago : « C’est une façon de promouvoir notre sport et répondre et répondre aux marques qui n’ont pas voulu le faire, disait-elle. C’est aussi une manière de donner de la visibilité aux femmes qui jouent au football et créer des références pour les filles qui, un jour, voudront s’y dédier. Dans d’autres pays, des footballeuses sont des icônes médiatiques : pourquoi ça ne pourrait pas être le cas en Espagne ? ».

Par ailleurs, elle est à l’origine d’une petite révolution dans l’histoire des jeux vidéos de foot. A la suite d’une pétition qu’elle a lancé, EA Sports a incorporé des équipes féminines dans FIFA. « Je suis une femme et une footballeuse. Petite, je m’entraînais avec mes coéquipiers mais je restais sur le banc lors des matches parce que j’étais une fille, expliquait celle qui a longtemps joué dans des équipes masculines. Au cours de ces années, j’ai vu comment beaucoup ont freiné leurs rêves et leurs espoirs pour ne pas avoir l’opportunité de jouer, simplement pour être une fille. C’est un problème d’éducation. Nous pouvons faire plus pour améliorer l’égalité au travers du sport et je veux y contribuer. On dirait qu’il y a des choses pour les garçons et d’autres pour les filles. Je ne comprends pas pourquoi un garçon peut choisir son équipe et son joueur préféré mais pas une fille. Il s’agit d’égalité, de justice, de changement des mentalités. L’égalité grâce au sport, il n’existe pas meilleure forme ».

Enfin, elle a fait partie d’un groupement de joueuses qui, avant le Mondial 2015, a porté plainte au tribunal des droits de l’homme d’Ontario pour discrimination de genre car la FIFA obligeait la tenue de la compétition sur de l’herbe artificielle : « Nous voulions obtenir la collaboration de tous les pays et faire une plainte commune, expliquait-elle dans la revue Panenka. On l’a d’abord fait savoir à la FIFA mais nous n’avons pas obtenu de réponse. Du coup, on a rendu ça public. Que s’est-il passé ? Eh bien à partir de là, les fédérations ont interdit à leurs joueuses de prendre position et les ont menacées de les priver de Coupe du Monde ». Finalement, la compétition s’est bien disputée sur herbe artificielle mais, conséquence tardive, l’Euro s’est joué sur de l’herbe véritable et ce sera aussi le cas lors du prochain Mondial en France.

Adieu définitif à la Roja ?

Grande figure sportive et médiatique du football féminin espagnol, Vero Boquete semble renoncer à la Roja et donc au Mondial 2019 en rejoignant la Chine qui recrute également chez les filles (Shirley Cruz, elle aussi ex du PSG, en est une autre illustration). Il faut dire que le torchon brûle avec le sélectionneur national Jorge Vilda. Finaliste de l’Euro avec la Sub19 en 2015, Jorge Vilda (36 ans) était sur le banc de la Selección lors du dernier Euro, achevé en 1/4 de finale contre l’Autriche. Un Euro auquel n’a pas participé Boquete, pour des raisons manifestement obscures : « le sélectionneur a dit qu’il se passait d’elle pour des motifs sportifs mais en fait la saison dernière, Vero a été la 2e joueuse de l’effectif du PSG qui a le plus joué et elle venait d’être finaliste en Coupe de France et en Ligue des Champions, éclaire David Menayo. Il ne l’a jamais appelé pour lui communiquer sa décision. C’est inexplicable car il s’agit de la capitaine et d’une joueuse importante pour le groupe ».

Une décision qui interpelle, d’autant que Boquete a qualifié la Roja à l’Euro 2013 grâce à un but à la dernière minute de la prolongation contre l’Ecosse, barrage retour joué sous infiltration et au cours duquel elle avait manqué un penalty. Visiblement, son retour n’est pas à l’ordre du jour. En tous cas, elle ne se fait plus d’illusions : « Je sais que c’est terminé depuis l’été dernier et c’est une des raisons pour ne pas me sentir attachée en Europe et commencer un nouveau chapitre, concède-t-elle dans La Voz de Galicia. Le plus douloureux, ça a été le comment. Ça n’a pas été la meilleure manière. On peut être plus ou moins d’accord sur certains points mais, après 14 ans, je crois que les choses peuvent se faire différemment ». Le départ en Chine de la Galicienne sonne-t-il comme une fin de carrière internationale ? Une chose est certaine : lors du dernier Euro, la Roja n’a pas brillé offensivement. Se priver de sa meilleure buteuse ne doit pas y être étranger. A 30 ans, Vero Boquete commence sa seconde carrière en défrichant un nouveau terrain de jeu. Dans le jeu et dans sa vie, elle n’a jamais eu peur de prendre des risques. Ça lui a souvent réussi.

François Miguel Boudet
@fmboudet

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