Ils sont 5 à avoir signé au Barça B lors de ce mercato d’hiver. Cet été ce n’est pas moins de 10 joueurs (2 immédiatement prêtés) qui ont débarqué en Catalogne après la montée en Liga 123. Il ne faut pas se voiler la face, le Barça remplitde pépite de la Masia n’existe plus. Semaine après semaine les XI de l’équipe de Gerard Lopez changent et on compte parfois sur les doigts d’une seule main les joueurs transfuges du centre de formation. Le FC Barcelone a clairement choisi de faire évoluer son modèle. Pourquoi et avec quels résultats ? Eléments de réponse.

La Masia, son rôle et les changements engagés
Avant de parler de la situation actuelle, revenons au point de départ pour expliquer le rôle premier et fondamental de la Masia. C’est Johan Cruyff qui a imposé la philosophie de jeu et le 4-3-3 dans toutes les catégories d’âges du club. Le but ? Des jeunes qui disposent du bagage nécessaire pour pouvoir espérer plus tard jouer au Camp Nou, dans une équipe qui pratique le jeu qu’ils apprennent et perfectionnent eux-mêmes depuis le plus jeune âge. La quête du résultat n’a jamais été la fonction première. Faire grandir des jeunes, les faire progresser, côtoyer le haut niveau et réussir à intégrer en A ceux qui ont le niveau adéquat est l’unique fonction de l’équipe. Comme Cruyff y croyait et l’avait imaginé.
La saison dernière le Barça B a réussi à monter de la Segunda B à la Liga 123, équivalant de la Ligue 2. Bien sûr le président Bartomeu et sa direction ont surfé sur cette « réussite » mais la vérité est un petit peu plus compliquée que ça. Si jouer en deuxième division est un énorme avantage pour appréhender le haut niveau et ses caractéristiques, il faut analyser la manière dont cela a été fait : du recrutement à foison et surtout des matchs peu emballant, à des kilomètres du jeu en triangles, des redoublements de passes et du mouvement permanent. Les résultats avant la manière, une autre vision du foot, bien différente de la fameuse devise d’El Flaco :
La qualité sans les résultats c’est inutile. Le résultat sans qualité c’est ennuyeux. Johan Cruyff
L’homme à l’origine de cette transformation c’est Pep Segura. Sous sa tutelle, la notion de collectif se perd pour laisser place aux individualités. Et c’est ici que la différence est notable. Le Barça est passé en peu de temps de la formation collective de jeunes dans le but de les éduquer au tiki-taka, à une équipe fondée sur l’individu et au possible rendement financier ou sportif que celui-ci pourrait rapporter. Un énorme virage qui n’est pas sans rappeler la vision de Luis Enrique et la prépondérance de la MSN dans son système de jeu et qui explique en partie que l’ascenseur Barça B – Barça soit en panne.
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Des joueurs réellement moins doués?
« Je ne suis content du rendement d’aucun joueur de la filiale, j’attends plus d’eux ! « . Cette déclaration de Luis Enrique devant les médias en juillet 2015 ne passe pas inaperçue. Le Barça n’aurait donc plus de joueurs de qualités ? La génération de Puyol et Xavi, puis celle de Valdés et Iniesta et enfin la dernière et non des moindre celle de Piqué, Fabregas, Busquets et Messi : oui le Barça a eu des périodes dorées. Difficile de lutter face à cette incroyable liste de joueurs qui ont réussi à se construire un palmarès exceptionnel, voire irréel. Tout ce qui suit après ne sera forcément que déception, soyons clair. Mais cela veut-il dire qu’il faut tout balancer ? Ces joueurs sont ce qu’ils sont aujourd’hui grâce à leur talent certes, mais aussi grâce à la formation qu’ils ont reçu à la Masia.
À l’heure actuelle, bon nombre de joueurs talentueux évoluent dans l’équipe. Ceux qui ont été cités par Valverde comme étant le plus susceptibles d’apparaître en A sont Carles Aleñá, Oriol Busquets et José Arnaiz. À noter que le dernier n’est pas un canterano mais une recrue, en provenance de Valladolid.
Parmi les autres « élus », si Aleñá semble avoir déjà convaincu Ernesto Valverde et a prolongé son contrat jusqu’en 2020, ce n’est pas le cas d’Oriol Busquets dont le contrat se termine en juin. Le Real Madrid aurait fait les yeux doux au joueur de 19 ans et à l’heure actuelle aucune prolongation n’a été communiquée côté Barça, même si les discussions ont débuté entre les deux parties. Oriol Busquets, qui n’a pas que le nom identique à son illustre aîné,mais aussi la qualité, apparaît comme un immense espoir. Difficile donc de parler de « joueurs moins doués » si certains intéressent le grand rival. Et pas que le rival d’ailleurs : Sergio Gómez, l’un des meilleurs joueurs de la Coupe du Monde U17, vient de rejoindre Dortmund, le club allemand ayant accepté de payer sa clause libératoire de 3M d’euros. Et la liste ne s’arrête pas là, Abel Ruiz dont Furia Liga vous parlez aussi ou Mateu Morey (Juvénils A) tous les 2 vainqueurs de l’Euro U17 2017 avec l’Espagne, possèdent aussi d’immenses qualités.
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Vous devez toujours voir les choses dans une certaine mesure. Le travail de Valverde est plus qu’excellent. Si vous voyez jouer l’Espanyol, c’est agréable. Je suis content qu’il y ait des gens comme lui ou comme Rijkaard qui, en plus d’essayer de jouer au foot, font plaisir au public. Parce que le football, c’est avant tout pour ça.
Johan Cruyff sur TV3 en 2008
Conséquences de ce changement de politique
Actuellement premier non relégable, l’équipe B blaugrana est en difficulté. La solution trouvée par le club, comme l’été dernier, ce sont les transferts. Hongla et Rivera sont arrivés, respectivement de Grenade et d’Eibar, suivi de près par Ballou Jean Yves qui a débarqué de MLS, Nahuel Leiva du Betis et enfin Marcus McGuane, formé à Arsenal. Des joueurs peut-être doués mais susceptibles de « piquer » des minutes à des Masians qui attendent leur chance depuis longtemps. Une vague de défaitisme parcourt aujourd’hui les jeunes du club qui ont peur que l’ascension jusqu’au Camp Nou soit impossible. C’est le cas par exemple d’Eric Garcia qui a quitté le Barça pour Manchester City sur les conseils de son agent… Carles Puyol.
Le message envoyé à la jeunesse catalane sous Luis Enrique était plus que funeste pour leur avenir à tous. Dans un monde du football dominé par l’argent, on pourrait être tenté d’expliquer la fuite des talents de la Masia par l’appât du gain. Mais est-ce vraiment le cas? Est-ce que ces jeunes qui évoluent dans ce club depuis des années et qui sont pour certains des supporteurs, ne sont pas prêts à tout pour revêtir le maillot blaugrana et marcher dans les pas de Leo Messi ou Andrés Iniesta? Probablement, en tous cas pour une majorité. Mais ce rêve, difficile de l’envisager quand les transferts sont devenus monnaie courante à tous les niveaux. Une telle perte de joueurs ne peut pas s’expliquer uniquement par la fougue de cette jeunesse excitée de côtoyer le haut niveau trop tôt. Entre impatience, argent facile mais surtout manque de référence récente sur le bon fonctionnement du roulement entre Barça -Barça B et Juvenils, l’exil s’intensifie vers des clubs qui promettent une ascension plus rapide et surtout possible.
Plus largement, le Barça n’essaye même plus ses canteranos en conditions « réelles » avec la A, et se lance directement dans de grandes entreprises d’achats, notamment pour des postes de doublure. Un rôle de remplaçant qui pourrait plus tard évoluer en titulaire comme on l’a déjà vu par le passé. Aleix Vidal, André Gomes, voire Lucas Digne par exemple ont une fonction dans l’équipe qui pourrait peut-être être tenue par des jeunes. Mais encore faut-il essayer.
Même la légère éclaircie Ernesto Valverde semble fragile. Adoubé par Xavi, Guardiola et même Cruyff, le technicien extremeño répond pour l’instant aux espoirs placés en lui. Il l’a dit lui même : il aime les effectifs réduits pour pouvoir s’appuyer sur la jeunesse. Le dégraissage a commencé avec les départs d’Arda Turan et Rafinha mais il doit continuer. Les quelques minutes de jeux distribuées sont encore insuffisantes pour contenter les amoureux de la Masia même si, il faut le dire, la situation de la B n’arrange pas les choses et le coach en a conscience
Nous ne sommes pas seulement une équipe, nous sommes deux avec le Barça B.
Ernesto Valverde
Le Barça B justement parlons-en. Parcourir les XI de Gerard Lopez pour trouver trace de joueurs formés au club c’est tous les week-ends que ça se passe. Ils ne sont parfois que 4 à être alignés. C’était justement le cas contre Córdoba en septembre dernier. Le coach, de plus en plus contesté par les supporteurs, ne semble pour l’instant pas inquiété par la direction. Pourtant, le jeu médiocre déployé par l’équipe depuis des mois et le manque de progression chez quelques joueurs de l’effectif sont criants. Bien sûr, inutile de parler de philosophie Barça : elle a bel et bien disparue depuis longtemps du côté du Mini Estadi.

De (légers) signes d’espoir dans les catégories inferieures
Heureusement, cette philosophie perdure dans les catégories inférieures, sous la houlette d’entraîneurs qui y sont encore attachés. Comme David Sánchez en Infantil B qui déclarait après la nouvelle victoire des siens en Liga Promises en décembre dernier : « Tu peux gagner, tu peux perdre mais l’idée de jeu, elle, n’est pas négociable. Nous travaillons pour que le cantera soit importante pour l’équipe première ». Ce qui n’est plus le cas depuis longtemps. Le dernier joueur sorti du centre de formation qui posséde un rôle important dans l’équipe reste à l’heure actuelle Sergi Roberto. C’était en 2011.
Garcia Pimienta de la Juvenil A fait lui aussi partie de ces entraîneurs qui incitent à l’optimisme. Lui qui a entraîné Lionel Messi, Gerard Piqué ou encore Thiago Alcantara à la Masia fait pratiquer toutes les semaines à son équipe un football qui sent bon le vrai Barça en 4-3-3 ou 3-4-3. Pour ça, il a le soutien de ses pépites, dont la plus étincelante pour l’instant: Riqui Puig.
Des irréductibles du tiki-taka veillent donc au grain, mais auront-ils assez de pouvoir pour résister longtemps au changement de cap bien engagé par son directeur foot Pep Segura ? Rien n’est moins sûr. Le président Bartomeu a pris ses quartier jusqu’en 2022 et il a bien le temps d’ici là de réduire à néant une philosophie qui a fait ses preuves et qui a largement participé à ce que le Barça soit « Més que un Club. »
Tracy Rodrigo