José María Amorrortu (Athletic) : « L’éducation de la personne avant celle du joueur est primordiale »

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Natif de Bilbao, José María Amorrortu est actuellement le directeur de Lezama, le centre de formation de l’Athletic. Ancien joueur et entraîneur des Leones, il a aussi été sur le banc de Barakaldo, Éibar et la Real Sociedad, l’ancien attaquant est l’un des plus fins connaisseurs du football basque et espagnol. C’est lui qui a découvert Fernando Llorente mais aussi David De Gea et Koke lors de son passage à l’Atlético de Madrid. 

Quand on parle de l’Athletic en France, c’est avant tout pour mettre en avant sa philosophie. Comment la définiriez-vous ?

La difficulté principale, c’est sur le caractère sportif parce que nous sommes bien conscients de ce que comporte la formation de joueurs. Notre préoccupation majeure, c’est l’amélioration de notre méthodologie car le football avance très vite et nous devons donc anticiper le processus de formation tout en conservant notre ligne directrice, c’est-à-dire avoir des joueurs de haut niveau qui nous représentent. C’est notre inquiétude quotidienne. Il faut que chaque joueur devienne meilleur.

L’argent est une donnée cardinale du football moderne : le risque de devoir mettre un terme à cette politique 100% basque est-il présent ?

A l’Athletic, nous sommes convaincus qu’avec cette façon de procéder nous allons rester compétitifs au niveau sportif. De plus, nous avons des appuis institutionnels et sociaux très forts puisque nos socios veulent maintenir cette philosophie. Ce support c’est aussi notre responsabilité car nous répondons de cette exigence. Nous sommes convaincus du bien-fondé de notre manière d’agir et nous nous battons tous les jours pour nous améliorer.

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Crédits : miathletic.com

Comment s’organise la détection des joueurs ? Il y a des accords entre d’autres clubs et l’Athletic ?

Nous avons l’immense avantage d’avoir de nombreux alliés au sein du football vizcaíno. Tous les clubs de la province font partie de la famille de l’Athletic. Ils nous offrent régulièrement la possibilité de récupérer leurs joueurs. C’est très important de bénéficier de cet apport, tant au niveau quantitatif qu’au niveau qualitatif. Chaque joueur qui dispose d’un potentiel de développement, nous pouvons compter sur lui, sachant que son club valide cette façon de travailler. Logiquement, cela contribue aussi à développer leurs structures. Tout le monde y gagne, aussi bien les clubs de la région que l’Athletic.

Vous avez également travaillé à l’Atlético de Madrid : y a-t-il des différences en ce qui concerne le travail des recruteurs ?

Sur le fond, il n’y en a pas vraiment. Sur la forme, oui puisque contrairement à l’Athletic, on peut recruter des joueurs de n’importe où. La captation est plus large. Les moyens sont différents. L’Atlético a besoin de plus de monde car la zone est beaucoup plus grande. Mais en ce qui concerne les joueurs, il n’y a pas de différence car les critères de sélection sont similaires.

Quels sont actuellement les critères d’élection pour porter le maillot de l’Athletic ?

Les deux caractéristiques principales sont d’être formé en Euskal Herria (territoire composé de 7 provinces : le Labourd, la Basse-Navarre et la Soule en France, l’Alava, la Biscaye, Gipuzkoa et la Navarre en Espagne, ndlr) et d’être né en Euskal Herria. Il y a des garçons qui ont de la famille ici, et il y en a de plus en plus. Par exemple, Aymeric Laporte est formé chez nous depuis les cadetes, c’est-à-dire depuis qu’il a 15 ans.

Il y a des joueurs comme Jonas Ramalho, Iñaki Williams et Cristian Ganea qui ont fait évoluer l’image de l’Athletic car le Pays basque est aussi une terre d’immigration et le club est le reflet de ce changement.

Ces joueurs sont soit nés ici, soit ils ont grandi ici, donc ils sont éligibles pour jouer avec l’Athletic. Iñaki est né à Bilbao de parents ghanéens. Nous avons des joueurs qui ne sont pas natifs de la région mais qui ont fait toute leur éducation ici. Ce n’est pas qu’une histoire de sang.

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On entend quelquefois des critiques vis-à-vis de ce leitmotiv 100% basque, notamment du côté de la Real Sociedad, dans le sens où les critères apparaissent parfois comme hypocrites afin de conserver une large palette de sélection.

Je ne vois pas comment on peut dire cela de l’Athletic, en tous cas je ne vois comment on peut justifier ces critiques. Chaque club a sa façon de faire et il faut la respecter. Je ne vois pas l’intérêt de polémiquer sur ce sujet.

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Que représente un derby entre l’Athletic et la Real Sociedad ?

C’est sûr que c’est un très grand moment pour l’afición des clubs, c’est une très bonne chose pour le football. Il y a beaucoup de passion autour de ce match. C’est une rivalité historique mais c’est surtout la fête du football basque.

Crédits : mundodeportivo.com

Vous connaissez bien les clubs phares basques, l’Athletic et la Real. Un thème revient régulièrement quand on évoque les clubs basques, que cela soit chez les formateurs comme chez les joueurs, c’est celui de la transmission de valeurs. 

L’éducation de la personne avant celle du joueur est primordiale. Les garçons qui sont là, nous voulons qu’ils deviennent des joueurs de l’Athletic mais nous devons aussi valoriser leur comportement. Le football doit être un instrument de leur développement personnel, surtout que nous savons que tous ne joueront pas un jour en Liga. Nous avons donc une responsabilité éducative. Nous faisons en sorte que ce sentiment se renforce chaque jour, avec des exemples et des agissements qui fassent comprendre le projet que mène l’Athletic. A la Real Sociedad, on travaille aussi beaucoup avec les jeunes. Cela a été une opportunité que j’ai énormément apprécié.

Quand on parle de Lezama et de la formation de l’Athletic, on pense inévitablement à Marcelo Bielsa. Que reste-t-il de son travail au club ?

La grande contribution de Bielsa a eu beaucoup d’impact sur les gens ici, notamment par sa façon de faire, par sa philosophie et par sa capacité à transmettre sa méthodologie. C’est un personnage clivant mais l’empreinte qu’il a laissé est immense.

François Miguel Boudet
@fmboudet

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