Betis : Rubén Castro a encore frappé

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Des portes du pénitencier aux portes du Benito-Villamarín en passant par la Chine : Rubén Castro a connu des mois agités, entre ses procès pour violences conjugales, sa mise au vert au Guizhou Hengfeng Zhicheng et enfin son but de la victoire du Betis contre Leganés pour son retour. A 36 ans, le meilleur buteur de l’histoire des Verdiblancos revient chez lui en héros mais ne dissipe pas sa très mauvaise réputation hors des terrains.

Rubén Castro est une légende du Betis. Meilleur réalisateur du club avec 147 réalisations en 280 matches, le natif de Las Palmas est soutenu par l’afición verdiblanca. Lundi soir, à la 75e minute, Quique Setién a offert au goleador d’effectuer son grand retour dans son jardin, le Benito-Villamarín. 9 minutes plus tard, Castro a ajouté un 148e but, sur penalty, celui de la victoire contre Leganés. Difficile d’imaginer meilleur comeback pour un joueur sur qui plane le doute sur d’éventuelles violences conjugales et qui avait provoqué un départ de quelques mois en prêt en Chine, au Guizhou Hengfeng Zhicheng, le 11 juillet 2017.

4 ans de prison requis, acquitté faute de preuves en appel

Tout commence le 27 mai 2013. L’ex-compagne de Rubén Castro se présente dans un commissariat de Séville pour porter plainte contre l’idole bética. Elle affirme qu’en sortant d’un discothèque, le joueur lui a donné des claques et des coups de poing après une dispute. La juge des violences sur les femmes du tribunal de Séville inculpe le Gran Canarien pour mauvais traitement, blessures et agression sexuelle, le tout assorti d’une mesure d’éloignement de 300 mètres. Le rapport médical fait état d’hématomes et d’inflammations.

En juin 2015, la Fiscalía (l’équivalent du parquet, ndlr) de Séville demande, entre autres, 4 mois de prison pour chacun des 4 délits de maltraitance, 9 mois pour les menaces (en Espagne, contrairement à la France, les peines sont cumulatives, ndlr), une interdiction de communiquer et s’approcher de la victime pendant 21 mois et une indemnisation de 360€. Seule la plainte d’agression sexuelle est classée sans suite.

En février 2016, la Audiencia de Séville attribue à Castro 9 agressions sur son ex commises entre 2012 et 2013 avec, notamment, un coup de poing dans l’estomac, un début d’étranglement, des coups au visage ayant causé un hématome à l’oeil gauche. Trois mois plus tard, la juge étend les chefs d’accusation à l’encontre de Castro : délit supposé de maltraitances répétées, 6 délits dans le cadre familial, un délit de contrainte et un autre pour menaces légères. La Físcalia réclame entre 2 ans et demi et 4 ans de prison à l’encontre de Rubén Castro.

Crédits : antena3.com

En novembre 2016, la Audiencia rajoute une accusation d’agression sexuelle sans pénétration. Un mois plus tard, la juge maintient la caution de Rubén Castro à 200.000€, soit 30% de plus que ce que réclamait l’accusation. En 1re instance, en mars 2017, la Fiscalía requiert 4 ans de prison.

En appel en juillet 2017, quelques jours après la signature du prêt en Chine, Rubén Castro est finalement acquitté, le juge estimant que le dossier manquait de preuves, d’autant que la relation, fondée selon le joueur par une extrême attraction sexuelle, était tumultueuse et que l’ex-compagne était également du genre sanguin. Le buteur revient de très loin et pour être totalement honnête, vu l’instruction menée depuis plusieurs années, on ne sait pas trop comment il a pu s’en sortir sans condamnation.

« C’est une pute, tu as bien fait »

« ¡Ale Rubén Castro ale! ¡Ale Rubén Castro ale! No fue tu culpa. Es una puta, hiciste bien ». « Ce n’était pas ta faute, c’est une pute, tu as bien fait ». Le 8 février 2015, une partie des ultras des Supporters Sur (environ 200 membres) a la bonne idée (sic) de soutenir son idole avec un chant glorifiant les faits qui lui sont reprochés. La Fiscalía ouvre une enquête, les dirigeants du Betis condamnent, toute comme ceux du groupe qui affirment qu’aucun des « machitos » n’a jamais fait un déplacement avec eux. « C’est un chant franchement répugnant et je ne crois que ceux qui l’ont scandé ont quelque chose à voir avec le Betis, déclare le président Juan Carlos Ollero. Au stade, je n’ai rien entendu. Je ne comprends pas que, dans une tribune du Betis, on puisse entendre une telle chose. Il faut appliquer la loi ». La présidente de la Junta d’Andalousie, Susana Díaz, intervient également dans le débat : « ce n’est pas tolérable qu’il y ait dans un stade de football une manifestation en faveur de la violence contre les femmes ».

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Il faut dire qu’en Espagne, le thème est une cause nationale depuis de nombreuses années et qu’on ne plaisante absolument pas avec ce fléau. Le 8 mars 2015, après avoir marqué son 100e but avec le Betis contre Valladolid en Segunda, Rubén Castro n’a en revanche pas eu grand-chose à redire. « Je n’ai pas écouté les paroles, je n’ai rien à voir avec ça, a-t-il expliqué au micro de Canal Plus après la rencontre. L’afición encourage et je suis relié avec ces gens qui animent. Ce n’est le moment de parler de ces chants, ce n’est pas la question. Chacun est libre de dire ce qu’il veut ». Son rétropédalage sur le site officiel du club n’a évidemment rien changé puisque, y compris au sein des Verdiblancos, les déclarations du Gran Canariens sont évidemment très mal passées, d’autant qu’avant le match, les joueurs étaient entrés sur la pelouse avec des t-shirts avec les noms de leurs mères, leurs femmes et leurs soeurs.

Dans un coin de la tête

Suffit-il de marquer des buts pour oublier tout ce qui s’est passé ? Vaste question, d’autant que Rubén Castro a été acquitté en seconde instance. Néanmoins, l’argument du manque de preuves brandi par le juge d’appel ne signifie pas qu’il n’a pas commis de violences de genre et n’empêchera pas de penser que son statut a fait pencher la balance dans son sens alors qu’il avait pris le compte lors du premier jugement. Le doute subsiste et si dans un prétoire il profite à l’accusé, dans la vie quotidienne ce n’est pas exactement pareil. Le Betis a fait le choix de ne pas le licencier au plus fort de la tempête. Les dirigeants verdiblancos ont soutenu leur joueur, y compris quand celui-ci ne faisait pas beaucoup d’efforts pour faire profil bas. Quoi qu’il en soit, l’afición bética soutient plus que jamais sa star revenue par la grande porte. Mais rien ne dit qu’elle ne s’en mordra pas les doigts un jour.

François Miguel Boudet
@fmboudet

 

 

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