Valencia CF – FC Barcelone : c’est l’affiche de la finale du tournoi international LaLiga Promises, compétition U12 qui rassemble les meilleures équipes espagnoles et des invités prestigieux partout dans le monde. Diffusé en direct, l’événement est devenu en 20 ans un classique de fin d’année, avec son lot de dérives potentielles.
Au Sud de l’île de Tenerife (Canaries), Arona vit depuis 3 jours au rythme des matches de La Liga Promises, tournoi « infantil » (les moins de 12 ans) de foot à 7 réunissant 10 équipes espagnoles et 6 équipes étrangères (le PSG pour la France, la Roma, la Juventus et l’Inter, le Borussia Dortmund pour l’Allemagne et le Jef United pour le Japon) qui s’est imposé depuis 1996 comme une référence en la matière. Cette compétition de fútbol base est le petit frère du Torneo Nacional Alevín de Fútbol 7 créé en 1992 par le présentateur du Transistor d’Onda Cero José Ramón de la Morena et qui se dispute fin mai-début juin.
Si les deux premiers tournois mettaient aux prises les sélections régionales espagnoles, le format a rapidement évolué avec un format réservé aux canteras des 20 équipes de Liga. Ce tournoi national a révélé des joueurs comme Ander Herrera en 2001 avec Saragosse (vainqueur du tournoi), Iago Falqué en 2002 (vainqueur du tournoi), Gerard Deulofeu en 2006, Carles Aleñà en 2010 (vainqueur du tournoi) et Abel Ruiz en 2012 avec le Barça. Face à la popularité de la compétition disputée à Brunete, la ville natale de… José Ramón De la Morena (exception faite des éditions 2009 à 2013), un nouveau tournoi a été organisé pour las Navidades, mais cette fois avec une portée internationale. Depuis 2014, le tournoi de fin d’année a obtenu le label LaLiga qui a définitivement consacré la portée de l’événement. Dans la foulée, une nouvelle compétition U12 a été créée. Désormais, à intervalles irréguliers, se dispute un tournoi international hors d’Espagne (Barranquilla en Colombie en juin 2015, Miami en décembre 2015 et New Jersey en juin 2017).
Peu de garanties de réussite chez les pros
Développer l’image du championnat espagnol avec un tournoi U12 reste largement discutable. Diffuser en direct à la télévision (la finale Valencia-Barça sera diffusée à 21h sur La Sexta) et en streaming gratuit une compétition de pré-ados, c’est ouvrir la voie à un nouveau business dans un sport déjà largement dérégulé, notamment celui du marché des jeunes joueurs dont le recrutement n’est pour le moment admis qu’à partir de 15 ans. A 12 ans, rien n’est écrit et de nombreux facteurs entrent en ligne de compte avant d’accéder au professionnalisme, à commencer par le critère numéro 1 : la croissance.

Certes, de grands noms sont passés par les tournois Promises (Casillas, Iniesta, Xavi, Fàbregas, Carvajal, Alba pour n’en citer que quelques uns) mais très peu de MVP ont accédé à la gloire par la suite. Depuis 1996, seuls Esteban Granero (1999), Iago Falqué (2002), Gokhan Tore (2004), Gerard Deulofeu (2006) et Carlos Soler (2009) ont vraiment percé et on ne peut parler d’eux comme de cracks absolus, hormis peut-être le milieu valencien qui suscite de nombreux espoirs chez les Blanquinegros mais dont il ne faut pas oublier qu’il est entré dans l’équipe première début 2017 par un énorme concours de circonstances. Plus les années passent et plus on court le risque que la médiatisation de ce genre de tournois contribue à la starification de gamins par des parents avides de faire de l’argent sur le dos de leur progéniture. Le paradigme, c’est évidemment Xavi Simons, le MVP de 2015 avec le Barça, 821.000 followers sur Instagram (il en a gagné plus de 300.000 depuis septembre dernier) et suivi de près par Mino Raiola qui rêve de l’avoir dans son écurie.
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Projet global plutôt qu’individuel
Pour autant, si d’un point de vue individuel, participer et briller à un tel tournoi ne garantit rien quant à l’avenir d’un joueur, d’un point de vue global, LaLiga Promises contribue à la vigueur des centres de formation espagnols en leur permettant de se confronter régulièrement à ce qui se fait de mieux dans la catégorie. « Se mesurer à des équipes d’autres pays et à un tel niveau, c’est salutaire pour toutes les canteras, a déclaré Vicente Del Bosque au site laliga.es. Il faut que les joueurs ressentent de l’émotion pour faire les choses. Je suis un amoureux de la technique balle au pied et j’aime qu’ils aient la plus grande affection pour le ballon. Et ça, ça ne s’acquiert qu’avec de l’entraînement ». C’est de la belle communication, les propos ne sont pas forcément fallacieux dans leur intégralité mais ça permet tout de même à La Liga d’avoir de la visibilité pendant les fêtes, notamment sur Youtube et les réseaux sociaux à moindre coût. Car en réalité, rien ne dit que nous reverrons dans un futur proche les finalistes de l’édition 2017. En revanche, histoire de ne pas verser complètement dans le pessimisme, les tournois de foot à 7 chapeautés par LaLiga peuvent constituer un incubateur, la première marche vers le haut niveau et l’affirmation d’une politique cohérente au sein des centres de formation. En espérant que l’intérêt des joueurs pleins de rêves restent préservé de la marre aux crocodiles encore quelques années. Et ça, c’est loin d’être gagné.
François Miguel Boudet
@fmboudet