Florian Taulemesse (31 ans) est de un ces numéros 9 qui se sont formés sur les terrains en pente et tout pleins de boue du monde amateur. Et le natif du sud de la France a pas mal bourlingué. Actuellement meilleur buteur de la D1 chypriote, il revient sur son passage en Espagne où il a connu des galères mais aussi des joies.
Attaquant de pointe au sens du but sur développé, Florian a fait l’essentiel de sa carrière de hors de nos frontières. De Mulhouse à Gueugnon en passant par le Terrassa FC (2009/2010), le Moratalla (2010) ou encore Orihuela (2010/2011) ou Carthagene (2012/2013) en D3 espagnole mais aussi par Sabadell (2011/2012) en D2. Florian croque la vie à pleines dents, maintenant à l’AEK Larnaca à Chypre après son passage réussi chez les pandas d’Eupen en Belgique. Florian a des choses à raconter et nous l’avons écouté.
FuriaLiga : Déjà pour commencer, comment arrives-tu en Espagne ?
Florian Taulemesse : Moi à l’époque j’étais à Gueugnon en national, il me restait un an de contrat, mon entraîneur n’avait pas confiance en moi, j’entrais clairement pas dans ses plans. Je pouvais faire de bons matchs, de bonnes entrées ou de bons entraînements ce n’était jamais assez, c’était clairement bouché pour moi. En plus, mon contrat avait des clauses spéciales, je ne pouvais pas signer dans un autre club français de la même catégorie ou en dessous, donc obligé de tenter l’étranger. Un agent français basé à Barcelone m’a dégoté un essai en Espagne, et c’était parti.
Ta première saison (Terrassa puis Moratalla) se passe comment ?
Plutôt mal, sur 10 mois de salaires, j’en touche 2 et demi, c’était compliqué. Je suis loin de chez moi, je ne parle pas la langue. Mentalement c’était dur, il n’y avait pas grand monde à proximité pour m’épauler en plus. J’étais vraiment pas bien, heureusement que mon grand père m’a aidé financièrement pour garder la tête hors de l’eau. C’était vraiment difficile.
Ensuite tu vis ta première saison complète en Espagne à Orihuela…
Oui et c’était une vraie bonne saison pour moi et le club en plus. J’inscris pas mal de buts, on joue les play-offs pour monter en D2 à la fin de la saison en plus. Ça m’a ouvert les portes de la Segunda ensuite même si avec le club on a échoué en barrage.
Tu as ouvert la porte d’Orihuela à Coureur il me semble non ?
Ah Mathias ? Oui, à Orihuela, c’est moi qui l’ai conseillé à mon président. En vrai lui il est sans club, au départ je lui dis qu’il n’a qu’à venir s’entraîner avec nous, pour garder la condition physique, rester fit quoi. Mais en fait moi je poussais mon président et mon coach pour qu’ils le gardent, je disais qu’avec lui on pourrait viser les quatre premières places, j’ai bien vendu son dossier. Après je le poussais aussi aux entraînements pour qu’il donne son maximum. A la fin le président lui propose un contrat, et lui a pris goût au mode de vie espagnol donc il est resté et on a réussi à finir quatrième ! Et il nous a bien aidé.
Ne ratez pas notre entretien avec Mathias Coureur !
Parce qu’ensuite tu rejoins un club promu c’est ça ?
Oui oui, je rejoins Sabadell, on était dans le même groupe, eux ont réussi à monter et leur directeur sportif a décidé de me faire confiance, donc j’y suis allé. En plus ce directeur sportif est le même que j’ai ici, à Larnaca.
Comment se passe cette période ?
C’est pas la meilleure période de ma carrière, je marque peu mais je participe à pas mal de matchs et je suis impliqué sur pas mal de buts même si c’est pas moi qui la pousse au fond. On se maintient la première saison en plus, malgré un petit budget. J’avais une grosse concurrence, je me battais avec un international marocain passé par Malaga, c’était vraiment pas facile. Mais ça m’a permis de grandir et puis j’ai découvert la D2, donc c’était vraiment une bonne expérience pour moi.
Après ta saison en D2 tu redescends d’un cran (en rejoignant Cartagena), pourquoi ce choix ?
Déjà pour me rapprocher de la ville natale de ma femme, ensuite je voulais retrouver la confiance et ré-echaîner les buts. J’ai reculé pour mieux sauter comme on dit. Et en plus la saison se passe bien, en tout cas la saison régulière. On joue les play-offs, je marque pas mal de buts, en plus financièrement le contrat était intéressant. Il y avait une bonne base de supporters en plus, dans mes souvenirs on était dans les 6 000 abonnés, pour de la D3 c’est pas mal. C’était un club familial, je m’y suis vraiment éclaté, j’ai marqué 19 buts en prime.

Que s’est-il passé après la saison régulière ?
Ah mais on a rien compris, en toute fin de saison, alors qu’on va jouer les barrage de montée, notre président vire l’entraîneur et en nomme un nouveau. Donc on monte pas, c’était bizarre.
Ton passage en Espagne t’as marqué particulièrement ?
Oui, autant dans ma vie d’homme que de footballeur. C’est ici que j’ai vécu mes premières saisons pleines au haut niveau, ici aussi où j’ai vécu des grosses galères. Ici où j’ai rencontré ma femme avec qui j’ai deux filles maintenant. L’Espagne c’est vraiment important pour moi.
Tu ne parlais pas du tout espagnol à ton arrivée ?
Pas du tout, j’avais aucun reste de ce que j’avais appris à l’école. Juste les «Hola » et les trucs du genre, mais incapable de tenir une discussion. Et puis maintenant je suis marié avec une espagnole (rires).
Toi qui a bien connu les basses divisions françaises et espagnoles, tu as remarqué de vraie différences ou c’est une légende ?
Déjà de passer de la France à l’Espagne ça a été un très grand changement pour moi. En France il y a beaucoup de préjugés, on te colle facilement une étiquette, c’est pesant. Et puis en termes de football c’est totalement différent aussi. En France on se base beaucoup sur le physique, tu as beaucoup d’exercices où tu ne touches pas du tout le ballon, beaucoup d’exercices pour faire travailler le cardio, ta puissance, des 15×15. C’est lourd. Alors qu’en Espagne, tout est fait avec un ballon, tu n’as aucun exercice où tu ne touches pas le ballon. En même temps le foot se joue avec un ballon non ?
L’exemple le plus flagrant c’est le toro non ?
Et bien oui, regarde ce que Xavi dit en parlant de cet exercice. C’est un vrai atelier qui te fait progresser sur énormément de points. Qui t’apprend à gérer la pression, stopper cette pression, se déplacer, à toujours chercher un homme libre qui te permet de développer la prise d’information. C’est un exercice vraiment complet. Et puis il y’a énormément de variantes à cet atelier, avec des mouvements, des obligations, des schémas. C’est vraiment un truc poussé ici, alors qu’en France c’est un atelier pour le décrassage, juste en cercle dans lequel tu apprends rien .
A part ta première année bien compliquée, tu as connu d’autres vraies galères en Espagne ?
Pas vraiment, mais on va dire que cette première année a permis que j’anticipe les problèmes qui me sont arrivés ensuite. Les proportions n’étaient pas les mêmes, mais j’ai toujours eu des retards, des mois sans rien, des paies décalées. Mais cette première année galère m’a permis de gérer mon argent efficacement. Au départ tu es jeune, tu penses pas à mettre de l’argent de côté. Mais cette claque m’a poussé à épargner, pour pouvoir anticiper les moments de moins bien et pas galérer. C’est un mode de vie d’être footballeur en D3 espagnole (rires).
Ton parcours est un peu atypique, tu n’as pas connu de centre formation c’est ça ?
Oui voilà, j’ai joué dans les plus hautes catégories de jeunes, à Avignon, mais je n’ai jamais été dans un centre de formation pro, mais ensuite j’ai connu les CFA, la CFA2, j’ai un parcours un peu galère.
C’est un avantage pour toi ce parcours ?
Je ne sais pas si c’est un avantage, mais ce parcours a fait le joueur que je suis maintenant. Quand j’étais jeune, je ne m’entraînais pas tous les jours, même quand on était dans les plus hauts échelons nationaux on avait que 2/3 entraînements par semaine. Cette fraîcheur physique fait que je suis peut-être moins usé physiquement que les types de mon âge passé par un centre de formation. Après cette fraîcheur physique a aussi fait que j’ai été mur physiquement plus tard, j’ai mis plus de temps à m’étoffer. Ensuite mentalement ça m’a aussi permis de me construire, j’ai connu le foot loin de chez soi, sans trop d’argent voire sans argent, dans le milieu amateur. Mentalement je suis toujours au top, je ne lâche rien, que ce soit à l’entraînement ou en match je joue toujours à 100%. Je suis ce type de joueur, qui court tout le temps et qui mouille le maillot. J’ai une envie incroyable, et je pense que ça doit venir de là, de mon parcours.
Merci pour ces réponses très intéressantes, un petit mot pour conclure ?
Je veux dire un petit mot pour les footballeurs ou les apprentis footballeurs qui vont me lire : ne lâchez jamais rien, c’est jamais fini, battez vous et travaillez dur, à la fin si ça doit arriver ça arrivera, ne vous en faites pas.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13