C’est la très bonne surprise de ce premier quart de championnat. Leganés pointe à la 5e place du classement avec 17 points, à seulement 3 unités du podium. Cette réussite pourrait s’appeler Pichu Cuéllar, Dímitris Siovas ou même Claudio Beauvue. Mais ce début de saison canon porte le sceau de son entraîneur : Asier Garitano.
Chaque année depuis 2006, le quotidien sportif Marca décerne le trophée Miguel Muñoz qui récompense le meilleur entraîneur de Liga et de Segunda selon les différents correspondants du journal madrilène. Asier Garitano a remporté ce trophée honorifique dans les deux catégories et successivement. Jusqu’à présent, seul Marcelino García Toral y était parvenu, dans le sens inverse, avec le Recreativo de Huelva en 2007 et Real Zaragoza en 2009. Co-vainqueur avec José Luis Mendilibar (Éibar) au terme de sa première saison au sein de l’élite, Asier Garitano succède à des références comme Pep Guardiola, José Mourinho, Carlo Ancelotti ou encore Diego Simeone. De quoi offrir de sérieuses garanties quant au potentiel de l’ancien attaquant de poche (1.69m) désormais âgé de 47 ans.
Habitué du football d’en bas
Natif de Bergara en Gipuzkoa, Asier Garitano (à ne pas confondre avec son homonyme Gaizka Garitano passé par Éibar et le Deportivo de La Coruña) a pourtant été formé en Biscaya, à l’Athletic. Néanmoins, le joueur n’est jamais parvenu à jouer avec l’équipe fanion, se contentant de porter le maillot du Bilbao Athletic, la réserve des Leones. Garitano a écumé les clubs de seconde zone aux quatre coins de la péninsule. « Je refuse de reporter la faute sur qui que soit pour ne pas être aller plus haut, expliquait-il en septembre dernier dans les colonnes de la revue Panenka. Ce n’est ni la faute des blessures ou d’un tiers. C’est de ma faute. J’ai eu des opportunités et le mental m’a manqué. Depuis lors, je sais que le mental est fondamental pour un joueur. Il peut avoir les jambes et le talent mais s’il lui manque la mentalité… ».
Après avoir mis un terme à sa carrière en 2003 au Benidorm CD, Garitano devient adjoint de l’Alicante CF, club rival de l’Herculés disparu en 2014. Pendant 5 ans, il apprend le métier, notamment au côté d’un certain José Bordalás, actuellement sur le banc du rival Getafe, entre 2004 et 2006. Après un interim comme numéro 1 en 2008, Garitano écume pendant 5 autres années les clubs de la Comunidad Valenciana (Castellón, Orihuela, Alcoyano). Pour ses deux premières saisons pleines, il obtient de très bons résultats : 2e de son groupe de Segunda B avec Orihuela en 2011-2012 et 4e avec Alcoyano toujours en Segunda B en 2012-2013. C’est donc avec une petite réputation que le Basque pose ses valises à Leganés, également membre de la jungle du troisième échelon du football espagnol.
Tout arrive
Dans la banlieue Sud de Madrid, Leganés vit dans l’ombre du voisin Getafe. La B des Azulones a d’ailleurs l’habitude d’affronter les Pepineros dans un ersatz de derby, souvent sujet de moqueries. Mais l’arrivée d’Asier Garitano rebat les cartes. Dès sa première saison sur le banc, le Lega remonte en Segunda, une décennie après l’avoir quittée. « Todo (L)Lega » (« tout arrive ») devient le slogan du club de Butarque et sur sa lancée, il réalise l’impensable : l’accession directe en Liga. Il devient même le coach le plus capé de l’histoire des Pepineros contre… le Bilbao Athletic ! L’épopée est d’ailleurs devenue l’objet d’un livre retraçant la formidable aventure. Un bonheur n’arrivant jamais seul, Getafe, lui, descend en Segunda.
Étendard de sa ville d’adoption

Asier Garitano fait partie de ces entraîneurs contraints mais capables de faire beaucoup avec peu. En langage foot espagnol, ça veut dire des prêts, des fins de contrat, des joueurs revanchards et une bonne dose de chance pour que tout s’imbrique. Et pour lui, il ne s’agit pas de vivre football mais aussi de vivre tout court. Toujours dans Panenka : « L’entraîneur est toujours en train de se faire des noeuds dans la tête et il faut s’adapter à ce qu’il y a, aux gens, aux media ou à la ville dans laquelle tu vis parce que c’est une partie de ton travail. Tu n’es pas seul. Si je sais où je suis, c’est plus facile pour que les gens s’identifient avec moi. Mais il ne s’agit pas seulement de le dire. Il faut aussi savoir le prix des entrées, aller au guichet pour ma femme et mon fils de dix ans ou encore ne pas fermer les portes des entraînements pour les retraités qui viennent nous voir tous les jours, y compris les plus froids d’hiver ».
Résident du centre-ville de Leganés, il pousse encore plus loin l’appartenance à la cité dortoir : il refuse de porter une veste et une cravate pendant les matches ! « J’appartiens à une ville de la banlieue Sud de Madrid, travailleuse, pleine d’usines et de polygones industriels. Moi, en tant qu’entraîneur, je prétends être un reflet de ce que je vois dans la rue. Je ne veux pas être autre chose ». Sa manière d’être se propage à son effectif, preuve que son discours porte et que les joueurs comprennent là où ils ont mis les pieds. Et après une double montée, un maintien acquis de haute lutte et ce début de saison admirable, le doute n’est plus permis : Asier Garitano s’affirme comme étant un coach qui compte en Espagne. Reste à savoir si en juin prochain le Mister aura des envies d’ailleurs. C’est loin d’être impossible. Et, histoire de boucler la boucle, pourquoi pas à l’Athletic ?
François Miguel Boudet
@fmboudet