Il a beau vivre une fin de carrière en pente douce à Al Sadd au Qatar, Xavi Hernández n’en demeure pas moins un observateur pointu du Barça. Vendredi dans les colonnes de Marca, l’ancien capitaine emblématique culé a abordé l’actualité récente des Blaugranas. Morceaux choisis.
Difficile de trouver meilleur connaisseur du FC Barcelone que Xavi Hernández, 767 matches en blaugrana au compteur. En cette période troublée au Barça, entre départ de Neymar et motion de censure, l’ex-numéro 6 culé a livré son analyse dans les colonnes Marca à la veille d’un Espagne-Italie décisif pour la qualification directe à la Coupe du Monde en Russie. La SuperCoupe d’Espagne a révélé l’écart entre le Real Madrid et le club catalan, une situation inédite depuis une bonne douzaine d’années. L’ancienne clef de voûte du football espagnol manie à la fois les remarques acérées et les motifs d’espoirs pour « son » Barça.

« Le Barça joue bien mais il aurait pu mieux recruter » : « Je ne souffre pas en voyant le Barça parce qu’en temps normal, il est supérieur. Ça a été un peu moins lors de la SuperCoupe. Cela faisait de nombreuses années que je ne l’avais pas vu ainsi car, y compris la saison dernière car le Barça a été meilleur au Bernabéu et au Camp Nou, il a également été dominateur. (…) J’ai fait partie d’une époque tellement monstrueuse qu’à présent, on dirait que ce n’est plus le cas. Le Barça joue bien mais il aurait pu mieux recruter. Il s’est endormi parce qu’il y a 5 ou 6 ans, il avait les meilleurs joueurs du monde pour le système du Barça. Aujourd’hui, il n’a que 5 ou 6 joueurs pour jouer dans ce système : Iniesta, Alba, Messi, Piqué, Luis Suárez, Busquets. Mais le Barça doit en avoir 11 pour ce système. Avant tu ne voyais aucun joueur en disant « celui-là irait très bien au Barça » parce qu’il y était déjà. Il a recruté des joueurs qui ne s’imbriquent pas dans ce système » (…) J’ai joué contre Paulinho lors de la Coupe des Confédérations. Il avait fait un très bon marquage individuel sur Iniesta et moi. Il est très puissant. Si le Real l’avait recruté, il n’y aurait pas eu de critiques. (…) J’apprécie beaucoup Valverde. Il a une proposition de jeu qui cadre parfaitement avec le Barça. Il a des idées très claires. Son arrivée est une bonne chose ».
« Changer notre style serait une connerie historique » : Je ne veux pas penser à l’idée que le Barça abandonne son style. Je vois une équipe qui essaie de jouer de la manière qui nous a donné autant de titres. S’il changeait ce serait une connerie historique. Depuis l’arrivée de Cruyff, le Barça est différent. Il est respecté. Il est aimé par les fans de foot. Pourquoi changerions-nous d’idée ? Je ne connais pas les dirigeants actuels mais ça ne me plairait pas que le Barça joue d’une autre manière. (…) Le Barça recourt aux joueurs de la Masia mais qu’ils soient titulaires, c’est autre chose. Il faut développer son potentiel. En cas de doute, cherche ce que tu as à la maison. A sa meilleure époque, le Barça s’est nourri d’au moins 60% de canteranos. Thiago est parti, il en avait absolument le droit, parce qu’il n’avait pas d’opportunités. Mais tous doivent user de patience, c’est le club le plus difficile du monde ».

« Au Barça, presque personne n’est uni » : « Au Barça, on exige de gagner et de bien jouer. Au Real Madrid, si ça gagne 3-2 en remontant le score après un match désastreux, c’est le meilleur, on parle de retour épique, de « l’esprit de Juanito »… Si nous gagnons à la 90e minute, on analyse toute la semaine pourquoi il a manqué de la possession, pourquoi avoir raté ces trois occasions, si nous n’avons pas attaqué les latéraux, pourquoi la supériorité à l’intérieur et pas sur les côtés. Au Real, il n’y a pas de pourquoi. Il gagne et il n’y a pas débat. (…) La différence c’est qu’au Real, quand les choses vont mal, aussi bien chez les supporters comme chez les joueurs, le staff et la presse : tout le monde s’unit. Au Real, il n’y a pas d’opposition à la présidence depuis des années. Au Barça, il y en a toujours et le président peut rester en place seulement 6 ans. Au Barça, presque personne n’est uni. J’insiste : c’est le club le plus difficile pour réussir et pas seulement pour les joueurs« .
« Les joueurs doivent être heureux, comme avec Laporta » : « Le Barça a besoin de patience. L’année de notre triplé, le Real avait gagné je ne sais combien de matches consécutives. En janvier, il paraissait invincible mais il a perdu à Valencia, puis à la maison et nous avons fini par remporter trois titres. Le club doit être très attentionné avec ses joueurs. Ils doivent être heureux, comme ils l’étaient avec Laporta, déjà que c’est assez difficile d’être joueur du Barça. Il a besoin de recrues. Le Barça doit aligner tous les astres pour gagner, le Real est très puissant. Le Real perd mais parte à l’attaque sans complexes. Ils ont beaucoup d’audace. (…) Le Real est une équipe gagnante, il y a déjà cette inertie. La sensation, c’est que le Real a l’équipe déjà faite et le Barça commence une nouvelle étape. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas gagner la Liga. L’année du triplé. en janvier, tout le monde voulait virer Luis Enrique. (…) Au classement, le Real est derrière. La grandeur du football, c’est qu’on ne peut pas savoir. Avec Guardiola, j’avais une sensation de supériorité sur le terrain que je n’ai plus ressenti. Mais des 4 Ligues des Champions que nous méritions de gagner, on n’en a remporté que deux ».
« A court terme, devenir entraîneur du Barça n’est pas viable » : « Le Barça a souffert aussi. Les 3-4 années après le départ de Figo, jusqu’à l’arrivée de Laporta, les critiques étaient féroces. J’aime les objectifs, je ne fuis pas quand les choses vont mal. Je suis très culé et c’est un plus, je le vois comme une affaire personnelle. Si le Barça perd, je me sens baisé. (…) Égoïstement, entendre que je manque, ça me plaît. Mais quand les choses vont mal, on se rappelle de ceux qui ne sont plus là. Ça a toujours été pareil. (…) J’ai toujours ressenti cette pression. C’est une fierté qu’ils m’attendent. A court terme, devenir entraîneur du Barça n’est pas viable. Je n’ai pas le titre et il me faut encore 2 ou 3 ans pour l’obtenir. J’aimerais contrôler le timing et il me reste encore énormément de choses à intégrer pour entraîner le Barça ».
Propos traduits par François Miguel Boudet